Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Polska Akademia Umieje̜tności <Krakau> / Komisja Historii Sztuki [Hrsg.]; Polska Akademia Nauk <Warschau> / Oddział <Krakau> / Komisja Teorii i Historii Sztuki [Hrsg.]
Folia Historiae Artium — NS: 7.2001

DOI Artikel:
Ziętkiewicz-Kotz, Joanna: Un psautier-livre d'heures enluminé franc̨ais du XIII siècle dans la Bibliothèque Czartoryski de Cracovie (ms. 3466)
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.20619#0037

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
guinages furent mis en place sur ce territoire52. Les nom-
breuses traces franciscaines presentes dans notre manus-
crit et evoquees ci-dessus semblent donc nous confir-
mer encore dans la constatation que la femme repre-
sentee dans Hnitiale qui ouvre les heures des Czarto-
ryski, appartenait au mouvement beguinal.

La scene dans Pinitiale qui orne le debut des vepres
(fol. 203v°; ill. 19) figurę sainte Elisabeth de Hongrie la-
vant les pieds a un lepreux. Le personnage de la sainte a
ete identifie a tort dans le catalogue de Firmin-Diclot
comme Marie Madeleine, ce que Maria Jarosławiecka-
Gąsiorowska a repete dans son article. L’erreur a ete cor-
rigee par Alison Stones qui avait rapproche cette scene
de la miniaturę du «livre d’images de Madame Marie»
montrant sainte Elisabeth de Hongrie precisement en train
de laver les pieds a un pelerin (ill. 20). Ce rapproche-
ment exclut incontestablement la possibilite d’une autre
interpretation de la scene en question.

Les deux representations montrent la sainte, la tete
couverte dun fichu blanc, un tablier clair a la taille, qui
s’agenouille devant une baille pour laver les pieds
ulcereux du lepreux assis en face. Le malade est en te-
nue caracteristique, sa tete est couverte de 1’ampłe ca-
puchon de sa cape de pelerin. Les deux scenes illus-
trent un evenement connu de la vie de sainte Elisabeth
de Hongrie (canonisee en 1235), princesse de Thuringe,
qui prónait Pideal de pauvrete et d’ascese, futurę adhe-
rente au tiers ordre franciscain, imbue du desir de venir
en aide aux malades et demunis. Dans les cycles
hagiographiques dedies a Elisabeth, la scene dans la-
quelle la sainte lave les pieds au lepreux est souvent
accompagnee de la representation de la distribution du
pain aux pauvres: parmi les episodes puises dans sa le-
gende, ce sont ces deux scenes illustrant sa generosite,
son humilite et son desir de servir les pauvres et les hu-
milies qui acquirent la popularite la plus grandę.

Cependant, la representation de Cracovie attire no-
tre attention par un element qui n’est pas commun en
comparaison avec d’autres conceptions de cette scene
et qui lui confere une expression particuliere. C’est le
nimbe crucifere qui entoure la tete du lepreux, comme
pour suggerer que le Christ Lui-meme est cache sous le
personnage du pelerin. La presence du Christ au milieu
des pauvres invoque les paroles que, selon Son annonce,
le Dieu-Juge devait prononcer lors du Jugement dernier:
«Car j’ai eufaim et vous m’avez donnę a manger, j’ai eu
soif et vous m’avez donnę a boire, [...] nu et vous m’avez
vetu. [...] Dans la mesure ou vous l’avezfait a l’un de ces
plus petits de mes freres, c’est a moi que vous l’avez
fait» (Mt 25, 35-36, 40). Par la nieme, Elisabeth qui vient

52 Ibidem, p. 18.

53 A propos du lavement des pieds dans 1’iconographie des saints.-
La vie de sainte Radegonde par Fortunat. Poitiers, Bibliotheąue Muni-

cipale, manuscrit 250 (136), ed. R. Favreau, Seuil 1995, p. 170-171.
La representation avec sainte Elisabeth qui lave les pieds du malade
evoque la vie de saint Franęois d’Assise et 1’importance qu’eut pour sa
transformation interieure 1’episode ou le saint serra un lepreux dans
ses bras. Au deuxieme millenaire de la chrdtiente, c’est dans la per-

en aide aux pauvres et souffrants sert le Sauveur Lui-
meme qui se revele a elle sous 1’aspect d’un «petit»: du
pelerin malade. Le personnage de la sainte servant un
malade rend de la maniere la plus complete 1’essence
du commandement d’amour du Christ. De meme que
Jesus lava les pieds des apótres, Elisabeth lava ceux du
lepreux pour temoigner ainsi de son humilite et de sa
generosite et en personnifiant en meme temps Pamour
evangelique du prochain53.

Dans Pinitiale qui decore les complies des heures de
la Vierge (fol. 208; ill. 21), nous retrouvons une autre
representation rare, de sainte Agnes. Enveloppee jus-
qu’aux pieds de ses cheveux blonds, la sainte se tient
debout devant la porte ouverte d’un edifice derriere la-
quelle surgit la gueule d’un animal en train de devorer
le corps d’un homme gisant par terre.

Cette scene fait reference a un episode de la vie de
sainte Agnes, diffusee peu apres par la Legende doree de
Jacques cle Voragine. Agnes, femme cl’une rarissime beaute,
devient 1’objet de desir du fils du prefet qui entreprend de
Pepouser. Lorsqu’elle refuse, le prefet lui ordonne de se
sacrifier a la deesse Vesta; en cas de non obeissance, c’est
une infamie qui Pattend: elle sera livree a une maison de
debauche. Agnes, chretienne acharnee, incapable de re-
nier sa foi, n’est pas d’accord de devenir une pretresse
paienne, suitę a quoi le prefet realise sa menace. Quand
on la concluit, accablee, ses vetements arraches, a travers
les rues de Romę vers le lieu cle son deshonneur, sa nu-
dite se couvre de longs cheveux blonds comme cPune
cape. Aussitót le fils du prefet se dresse devant elle afin
d’assouvir sa passion. Encore une fois, une ingerence di-
vine se produit: le jeune homme tombe en proie au de-
mon qui apparait pour proteger la femme de Phumilia-
tion; Phomme est ensuite ressuscite par la sainte.

La scene du manuscrit cle Cracovie illustre ce frag-
ment de la legende d’Agnes: la sainte se tient devant la
porte de la maison de debauche et leve les mains vers
les cieux, alors que le corps du jeune homme lubrique
repose a ses pieds, etrangle par le demon, bete a Pas-
pect cPun chien surgissant derriere la porte entrouverte.
Le motif du manteau opaque de cheveux dores couvrant
le corps nu de la martyre nous est connu pour etre pre-
sent dans la vie cPautres femmes saintes, ne serait-ce que
de Marie Madeleine ou bien de Marie PEgyptienne; pour
cette raison, les chercheurs prececlents avaient identifie
la scene du manuscrit cPune maniere erronee en soute-
nant que c’etait bien Marie PEgyptienne que figurait Pini-
tiale en question54. Neanmoins, tout rare qu’il soit, ce
motif est egalement present dans les representations de
sainte Agnes, ce dont temoigne la miniaturę d’un psau-

sonne de saint Franęois que les ideaux evangeliques trouverent leur
expression la plus entiere, et c’est la qu’il faut rechercher le modele
de comportement de ses nombreux imitateurs, telle sainte Elisabeth
qui, d’ailleurs, integra elle-meme le tiers ordre franciscain et, apres sa
canonisation en 1235, devint l’une des premieres saintes franciscaines.

54 Maria Jarosławiecka-Gąsiorowska a fait remarquer cette erreur;
elle a ete la premiere a reconnattre sainte Agnes dans ce personnage
(cf. Jarosławiecka-Gąsiorowska, op. cit., p. 14 et 19).

33
 
Annotationen