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**** ANDRÉ GILL X* 333 **

La véritable valeur de Gill ne réside, selon nous, que dans l'inspiration réussie; il est
vrai de dire que le succès lui fut une habitude.

Gill a l'éloquence superbe, la caresse hautaine, le coup de fouet las et méprisant;
grisé par le sourire de la foule, il trône, il vit de cette petite gloire d'un moment, qui flatte
sa nature encline au panache, pleine d'extériorités, toute à la satisfaction du soi-même que
reflète un physique imposant, noble, de belle allure.

Aussitôt que l'énorme charge signée A. Gill apparaissait dans les kiosques, les colères
tombaient et l'éclat de rire si communicatif secouait la foule. Pendant les mauvais coups
du 24 mai et du 16 mai, l'artiste ranima par sa joie toujours éclatante l'énergie des plus
démoralisés; il souffla le ridicule pour tuer le mal.

Quelle excellente manifestation de l'esprit français! Comme tous ces dessins chantent
et rient sur la feuille muette !

Au premier abord, du reste, la caricature de Gill apparaissait inoffensive; mais elle
n'en était que plus dangereuse, car bientôt la foule y démêlait une idée qui éclatait au
mépris de toute sanction, de toute censure; le fait seul d'avoir mis au grand jour certain
personnage, d'apparence placide, constituait l'outrage et la sanglante invective...

On avait même fini par faire interdire les dessins que l'on ne comprenait pas, tant on
avait crainte de ne pas en avoir saisi l'allusion.

A côté de cela, que de dessins narguèrent les censeurs dont la perspicacité avait été
trompée!...

La délicatesse de Gill était réellement surprenante quand elle fouillait les mille expres-
sions du visage humain : voyez ses innombrables charges de M. Thiers, si éloquentes, si
diverses entre elles; ses étonnants Napoléon III, et le pieux journaliste, cette dernière
personnification si cruellement fixée, l'un des meilleurs types créés par l'artiste.

Gill excella à faire ressortir le côté ridicule d'une physionomie, le mouvement gauche
ou le tic de l'être. Sa charge est très exagérée ; elle repose surtout sur le grotesque, sans
nul autre souci de vérité que celui de la ressemblance des personnages qu'il portraiture.

Nul ne peut être comparé à l'artiste quand il exprimait les sous-entendus; depuis les
fameuses poires de Philipon, personne n'avait su déguiser sa pensée avec un esprit aussi
spécial et une telle fertilité.

Sous l'artiste, nous trouvons un lettré qui fit à Sainte-Barbe d'excellentes études et
qui lut à ses amis des drames en vers. Gill mania, du reste, la plume avec un grand
talent : sa Muse à Bibi renferme des pages très belles, très originales, sinon d'une dis-
tinction parfailc, et son recueil d'esquisses en prose, intitulé Vingt années de Paris,
qu'Alphonse Daudet avait orné d'une préface, est d'une lecture d'un intérêt saisissant.
N'oublions pas, du reste, que les caricaturistes, en général, sont doublés d'écrivains ingé-
nieux, et que leur art est presque inséparable de cette qualité double...

Dans ses dernières années, André Gill s'était ressouvenu de ses études premières à
l'école des Beaux-arts, il abandonna le crayon et entreprit quelques toiles.

Citons parmi les peintures de l'artiste : Catherine, les portraits de D&ubray et de
Mn" Bullier, l'Assommoir, et Un petit homme. Viennent ensuite l'Homme ivre, le Capi-
taine (1880), le Nouveau-né, et un portrait intéressant de Jules Vallès (1881).
 
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