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et finirent même par perdre leur véritable sens ; ainsi le croissant
lunaire a remplacé les cornes sur la tête de notre Artémis. Le génie
hellénique se refusait à cette alliance quasi-monstrueuse de parties
humaines et bestiales, dans l’une des plus grandes divinités de
l’Olympe. On comprend de même que les artistes grecs aient de
bonne heure songé à adoucir ce mouvement roide et gauche de la
main droite que nous trouvons encore sur notre patère, ainsi que sur
d’anciens vases peints (i). N’en comprenant plus la signification (2),
ils l’ont même transformé entièrement, et dans la Diane de Versailles
la main droite semble plutôt prête à saisir une flèche dans le carquois
qu’à symboliser la fécondité.
Si nous retrouvons ces deux symboles, les cornes et la main droite
levée, sur notre patère, c’est que ce monument provient de Lampsa-
que, c’est-à-dire d’une ville située au pied de l’Ida (3), où du temps de
Strabon il y avait encore des Curèies et des Dactyles qui avaient con-
servé intact le culte primitif d’Artémis.
Dans ce culte primitif, qui subsista toujours en Asie, Artémis n’é-
tait pas considérée comme une divinité que jamais l’amour n’avait
domptée. On disait en Phrygie qu elle n’avait d’une chaste vierge que
la renommée, car sa poitrine était flétrie et efféminée comme celle de
Vénus (4). Les habitants du Pont avaient même surnommé cette déesse
Priapiné (5), et ceux de Perga lui dédiaient des cônes, images adou-
cies du phallus (6).
Dans l’esprit des Asiatiques, Artémis était une des formes de la
grande Mère des Dieux comme Rhéa, Agdistis, Cybèle et la Mère
Phrygienne. C’est du reste ce que signifie son nom, comme l’a indiqué
Lajard dans ses Recherches sur le culte de Vénus. Si l’on admet I éty-
mologie proposée par ce savant et qui est bien préférable à celle que
nous donne Clément d’Alexandrie (7), on s’explique la présence de ces
symboles de la fécondité sur notre patère, comme sur un grand nom-
bre de monuments relatifs au mythe d’Artémis.
En réalité cette déesse représente la terre, la mère de tous les êtres.
Son époux était le Soleil, c’est-à-dire Apollon, comme le montrent
certains miroirs étrusques et un passage d’Orphée, que M. Fr. Le-
(1; Élite des monuments céramogr., t. II, pl. xi
et xii.
(2) Pour la signification du symbole des cornes
et de la main droite levée, voir dans cette Gazette
la lettre adressée par M. Ph. Berger à M. Lenor-
inant, Sur les représentations figurées des stèles
puniques et les observations du savant professeur.
(3) A quelques heures de Lampsaque, du côté
du lac Marsyas, on a découvert dans ces derniers
temps une douzaine de stèles relatives à Apollon
cornu. L’une d’elles, qui fait partie de la collection
du Dr Dethier, porte outre la dédicace une repré-
sentation de ce dieu.
(4) Nonn., Dionys., XLVIII, 351.
?5) Plutarch., Lucull., 10.
(6) Voir les médailles impériales de Perga. (Jn
monument inédit du Musée d’Avignon qui a été
cité par Ch. Lenormant (Nouv. Ann. de l’inst. arch.
t. I, p. 236, note 2) nous offre un autre exemple
du cône dédié à Artémis.
(7) Stromal., V, 6.
et finirent même par perdre leur véritable sens ; ainsi le croissant
lunaire a remplacé les cornes sur la tête de notre Artémis. Le génie
hellénique se refusait à cette alliance quasi-monstrueuse de parties
humaines et bestiales, dans l’une des plus grandes divinités de
l’Olympe. On comprend de même que les artistes grecs aient de
bonne heure songé à adoucir ce mouvement roide et gauche de la
main droite que nous trouvons encore sur notre patère, ainsi que sur
d’anciens vases peints (i). N’en comprenant plus la signification (2),
ils l’ont même transformé entièrement, et dans la Diane de Versailles
la main droite semble plutôt prête à saisir une flèche dans le carquois
qu’à symboliser la fécondité.
Si nous retrouvons ces deux symboles, les cornes et la main droite
levée, sur notre patère, c’est que ce monument provient de Lampsa-
que, c’est-à-dire d’une ville située au pied de l’Ida (3), où du temps de
Strabon il y avait encore des Curèies et des Dactyles qui avaient con-
servé intact le culte primitif d’Artémis.
Dans ce culte primitif, qui subsista toujours en Asie, Artémis n’é-
tait pas considérée comme une divinité que jamais l’amour n’avait
domptée. On disait en Phrygie qu elle n’avait d’une chaste vierge que
la renommée, car sa poitrine était flétrie et efféminée comme celle de
Vénus (4). Les habitants du Pont avaient même surnommé cette déesse
Priapiné (5), et ceux de Perga lui dédiaient des cônes, images adou-
cies du phallus (6).
Dans l’esprit des Asiatiques, Artémis était une des formes de la
grande Mère des Dieux comme Rhéa, Agdistis, Cybèle et la Mère
Phrygienne. C’est du reste ce que signifie son nom, comme l’a indiqué
Lajard dans ses Recherches sur le culte de Vénus. Si l’on admet I éty-
mologie proposée par ce savant et qui est bien préférable à celle que
nous donne Clément d’Alexandrie (7), on s’explique la présence de ces
symboles de la fécondité sur notre patère, comme sur un grand nom-
bre de monuments relatifs au mythe d’Artémis.
En réalité cette déesse représente la terre, la mère de tous les êtres.
Son époux était le Soleil, c’est-à-dire Apollon, comme le montrent
certains miroirs étrusques et un passage d’Orphée, que M. Fr. Le-
(1; Élite des monuments céramogr., t. II, pl. xi
et xii.
(2) Pour la signification du symbole des cornes
et de la main droite levée, voir dans cette Gazette
la lettre adressée par M. Ph. Berger à M. Lenor-
inant, Sur les représentations figurées des stèles
puniques et les observations du savant professeur.
(3) A quelques heures de Lampsaque, du côté
du lac Marsyas, on a découvert dans ces derniers
temps une douzaine de stèles relatives à Apollon
cornu. L’une d’elles, qui fait partie de la collection
du Dr Dethier, porte outre la dédicace une repré-
sentation de ce dieu.
(4) Nonn., Dionys., XLVIII, 351.
?5) Plutarch., Lucull., 10.
(6) Voir les médailles impériales de Perga. (Jn
monument inédit du Musée d’Avignon qui a été
cité par Ch. Lenormant (Nouv. Ann. de l’inst. arch.
t. I, p. 236, note 2) nous offre un autre exemple
du cône dédié à Artémis.
(7) Stromal., V, 6.