Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4.1859)

AMATEURS FRANÇAIS

o

LAFONT DE SAINT-YENNE

Bien que beaucoup moins connu que les Crozat, les Mariette et les
Caylus, Lafont de Saint-Yenne doit être comme eux compté au nombre
des amateurs les plus recommandables du xvine siècle. Ce n'est point
aux mêmes titres que ces riches Mécènes, qu'il a droit à la reconnaissance
de l'histoire de l'art : il ne fut ni collectionneur, ni protecteur des artistes.
Mais, plus désintéressé, plus pratique dans ses vues, et vivement préoc-
cupé du progrès de l'art à son époque, surtout de l'embellissement de
la ville de Paris et de la conservation de ses monuments, il sut exercer,
par ses démarches et par ses écrits, remplis d'une critique judicieuse et
modérée, la plus salutaire influence sur l'administration et sur le goût
du public. Il nous a donc para utile de rechercher et de rappeler les prin-
cipaux services rendus par cet amateur distingué, sur la vie intime duquel
on manque malheureusement de détails.

On sait seulement que Lafont de Saint-Yenne fut membre de l'Aca-
démie de Lyon, qu'il dessina pour les manufactures de tapisseries de
cette ville et aussi pour celles de Tours. En outre, il nous apprend lui-
même, dans l'un de ses ouvrages, qu'il séjourna longtemps en Flandre et
en Hollande, où il visita les nombreuses collections des chefs-d'œuvre des
grands maîtres de l'Italie, de l'Allemagne et des Pays-Bas. Mais c'est cer-
tainement à Paris qu'il passa la plus notable partie de sa vie. Il y publia
ses ouvrages, dont la liste assez considérable est donnée par Quérard dans
sa France littéraire.

Les uns, comme les dialogues intitulés : L'Ombre du grand Colbert et
le Génie du Louvre (1752), sont relatifs à l'entretien et à la restauration
des plus beaux monuments ; les autres, tels que les Réflexions et les Sen-
timents sur la Peinture (4747), sont les premières, et non les moins judi-
cieuses critiques des expositions des artistes du temps au Salon du