DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:Tourneux, Maurice: Jean-Baptiste Perronneau, [1]
DOI Seite / Zitierlink:https://doi.org/10.11588/diglit.24681#0026
JEAN-BAPTISTE PERRONNEAU
19
tu? Peut-il y avoir un instant plus propre pour faire faire un portrait
qui ne te ressemble pas? Ne l’échappe point ; cours chez ton rival,
aide encore l’occasion qui travaille contre lui, fais-toi peindre, paye
et largement. »
Bien avant la mise en lumière de ce passage, quelques lignes de
Diderot dans son Salon de 1767 (écrit par conséquent dix-sept ans
après et publié seulement en 1798) avaient, en la blâmant, dévoilé
la perfidie de La Tour et singulièrement embrouillé la question au
point de vue iconographique, car elles donnent à entendre que
Perronneau avait peint La Tour « le devant du chapeau rabattu, la
moitié du visage dans la demi-teinte et le reste du corps éclairé, »
description de tout point conforme à celle du portrait de La Tour par
lui -même du Salon de 1742. Ii serait assurément piquant de rappro-
cher, à un siècle et demi de distance, les deux portraits accrochés
jadis côte à côte, et peut-être le jugement de la postérité casserait-il
sans appel celui des « connaisseurs » d’alors. Par malheur, il faut
renoncer à désigner à coup sûr le pastel par lequel La Tour avait
entendu établir son incontestable supériorité, et après avoir, comme
l'ont proposé MM. de Goncourt, éliminé du débat les deux portraits
où l’auteur s’est représenté riant (1737) et le chapeau sur la tète
(1742), la mention du livret de 1730 : « Plusieurs têtes sous le même
numéro », n’est pas, reconnaissons-le, de nature à nous tirer d'em-
barras. Pour répondre au défi qu’il avait lui-même provoqué, La Tour
se serait il contenté d’opposer au portrait très terminé et très étudié,
peint par son adversaire, une simple ébauche? Le supposition est
invraisemblable. Resterait à établir la date précise du beau portrait
retrouvé jadis à Sens par Léon Lagrange, gravé en 1867 pour la
Gazette par M. Léopold Flameng et dont la légende pou claire :
Saper omnes docentes se intellexit est peut-être une malice du curé
fie Sainte-Colombe à l’adresse de l’infatuation de La Tour.
Quoi qu’il en fût des méchants procédés de celui-ci et s'il réussit
à conserver la clientèle de la cour, de la noblesse et de la haute
finance, les modèles ne manquèrent pas à Perronneau. Les portraits
de l’architecte Chevotet et de sa femme (coll. Delzons, à Orléans) sont
datés de 1751, et il put, en outre, faire figurer au Salon do la même
année ceux du Comte de Bonneval, de M. Ruelle, premier échevin,
et Mme Ruelle, de M. et il/1"0*** (Fontaine, sellier du Roi, selon une
note de Mariette sur son exemplaire du livret), de M'"a de Saint* , de
d/Ho Silanie, de M110***, de M. Desfriches, de Mne Rosaline, deux portraits
d hommes anonymes, plus, suivant une autre note de Mariette, celui
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tu? Peut-il y avoir un instant plus propre pour faire faire un portrait
qui ne te ressemble pas? Ne l’échappe point ; cours chez ton rival,
aide encore l’occasion qui travaille contre lui, fais-toi peindre, paye
et largement. »
Bien avant la mise en lumière de ce passage, quelques lignes de
Diderot dans son Salon de 1767 (écrit par conséquent dix-sept ans
après et publié seulement en 1798) avaient, en la blâmant, dévoilé
la perfidie de La Tour et singulièrement embrouillé la question au
point de vue iconographique, car elles donnent à entendre que
Perronneau avait peint La Tour « le devant du chapeau rabattu, la
moitié du visage dans la demi-teinte et le reste du corps éclairé, »
description de tout point conforme à celle du portrait de La Tour par
lui -même du Salon de 1742. Ii serait assurément piquant de rappro-
cher, à un siècle et demi de distance, les deux portraits accrochés
jadis côte à côte, et peut-être le jugement de la postérité casserait-il
sans appel celui des « connaisseurs » d’alors. Par malheur, il faut
renoncer à désigner à coup sûr le pastel par lequel La Tour avait
entendu établir son incontestable supériorité, et après avoir, comme
l'ont proposé MM. de Goncourt, éliminé du débat les deux portraits
où l’auteur s’est représenté riant (1737) et le chapeau sur la tète
(1742), la mention du livret de 1730 : « Plusieurs têtes sous le même
numéro », n’est pas, reconnaissons-le, de nature à nous tirer d'em-
barras. Pour répondre au défi qu’il avait lui-même provoqué, La Tour
se serait il contenté d’opposer au portrait très terminé et très étudié,
peint par son adversaire, une simple ébauche? Le supposition est
invraisemblable. Resterait à établir la date précise du beau portrait
retrouvé jadis à Sens par Léon Lagrange, gravé en 1867 pour la
Gazette par M. Léopold Flameng et dont la légende pou claire :
Saper omnes docentes se intellexit est peut-être une malice du curé
fie Sainte-Colombe à l’adresse de l’infatuation de La Tour.
Quoi qu’il en fût des méchants procédés de celui-ci et s'il réussit
à conserver la clientèle de la cour, de la noblesse et de la haute
finance, les modèles ne manquèrent pas à Perronneau. Les portraits
de l’architecte Chevotet et de sa femme (coll. Delzons, à Orléans) sont
datés de 1751, et il put, en outre, faire figurer au Salon do la même
année ceux du Comte de Bonneval, de M. Ruelle, premier échevin,
et Mme Ruelle, de M. et il/1"0*** (Fontaine, sellier du Roi, selon une
note de Mariette sur son exemplaire du livret), de M'"a de Saint* , de
d/Ho Silanie, de M110***, de M. Desfriches, de Mne Rosaline, deux portraits
d hommes anonymes, plus, suivant une autre note de Mariette, celui