JEAN PERRÉAL
59
qu’il y faisait : il exécutait le portrait des personnages de la cour,
en miniature, sur les marges du manuscrit d’une chanson de circon-
stance ; et sa nouvelle œuvre excitait un tel enthousiasme, que
Louis XII, dépité de n’avoir pu rencontrer Léonard de Vinci, écrivait,
d’Italie même, cette phrase caractéristique et, en quelque sorte,
mémorable, que nous nous applaudissons d’avoir découverte, car,
si on pense au temps et au lieu où elle fut écrite, on la considérera
comme une des chartes d’honneur de l'art français : « Quant la
chanson sera faicte par Fcnyn et voz visaiges pourtraits par Jehan
de Paris, ferez bien de les m’envoyer, pour monstrer aux dames
de par deçà, car il n’en y a point de pareil/1. » En effet, en Italie,
les artistes en vue ne faisaient guère de petits médaillons sur les
manuscrits.
Louis XII passa à Lyon les mois de mai et de juin 1508, et il en
repartit pour aller à Tours et à Angers2. Perréal l’accompagna pro-
bablement, car il reçoit une indemnité de cheval pour les mois de juin
et de juillet3; cependant, il avait cessé do figurer à titre régulier sur
l’état delà Maison du roi, et il laissait un nouveau peintre, Jean Sen-
clat4, se livrer, avec Bourdichon, au travail classique de peindre les
bannières5. Quelque dépit Lavait-il saisi? Nous n’en savons rien;
peut-être. En tout cas, nous lui retrouvons, à ce moment, l’esprit plus
lyonnais que jamais; il ne suit pas le roi à Rouen, dans une visite
au cardinal d’Amboise, le grand Mécène, et il semble demeurer tout
à fait étranger aux commandes du cardinal : au mois de septembre
1508, il fait tout simplement partie d’une commission d’alignement
pour les quais de la Saône; ensuite, sur une demande, très céré-
monieusement formulée par le consulat, il vérifie et modifie le
nouveau pont de la Gui Potière, travail pour lequel il touche 11 livres
2 sous, le 11 janvier 1509.
Au printemps, le roi repart encore une fois en Italie, guerroyer
contre Venise; cette fois, au lieu de rester à la cour, Perréal fait la
campagne, et le voilà sous la tente, enfiévré de travail, mangeant
niai, dormant peu, mais bourrant ses portefeuilles de dessins,
prenant aussi des croquis de batailles et de paysages6. Il y laissa sa
1- Fr. 291d, f° 17 (lettre publiée par nous dans la Revue de l’Art, 1886).
2- Itinéraire manuscrit de l’auteur.
3. KK. 80.
4. Ou Senelat.
5- KK. 86.
6- Ternaire, Légende des Vénitiens.
59
qu’il y faisait : il exécutait le portrait des personnages de la cour,
en miniature, sur les marges du manuscrit d’une chanson de circon-
stance ; et sa nouvelle œuvre excitait un tel enthousiasme, que
Louis XII, dépité de n’avoir pu rencontrer Léonard de Vinci, écrivait,
d’Italie même, cette phrase caractéristique et, en quelque sorte,
mémorable, que nous nous applaudissons d’avoir découverte, car,
si on pense au temps et au lieu où elle fut écrite, on la considérera
comme une des chartes d’honneur de l'art français : « Quant la
chanson sera faicte par Fcnyn et voz visaiges pourtraits par Jehan
de Paris, ferez bien de les m’envoyer, pour monstrer aux dames
de par deçà, car il n’en y a point de pareil/1. » En effet, en Italie,
les artistes en vue ne faisaient guère de petits médaillons sur les
manuscrits.
Louis XII passa à Lyon les mois de mai et de juin 1508, et il en
repartit pour aller à Tours et à Angers2. Perréal l’accompagna pro-
bablement, car il reçoit une indemnité de cheval pour les mois de juin
et de juillet3; cependant, il avait cessé do figurer à titre régulier sur
l’état delà Maison du roi, et il laissait un nouveau peintre, Jean Sen-
clat4, se livrer, avec Bourdichon, au travail classique de peindre les
bannières5. Quelque dépit Lavait-il saisi? Nous n’en savons rien;
peut-être. En tout cas, nous lui retrouvons, à ce moment, l’esprit plus
lyonnais que jamais; il ne suit pas le roi à Rouen, dans une visite
au cardinal d’Amboise, le grand Mécène, et il semble demeurer tout
à fait étranger aux commandes du cardinal : au mois de septembre
1508, il fait tout simplement partie d’une commission d’alignement
pour les quais de la Saône; ensuite, sur une demande, très céré-
monieusement formulée par le consulat, il vérifie et modifie le
nouveau pont de la Gui Potière, travail pour lequel il touche 11 livres
2 sous, le 11 janvier 1509.
Au printemps, le roi repart encore une fois en Italie, guerroyer
contre Venise; cette fois, au lieu de rester à la cour, Perréal fait la
campagne, et le voilà sous la tente, enfiévré de travail, mangeant
niai, dormant peu, mais bourrant ses portefeuilles de dessins,
prenant aussi des croquis de batailles et de paysages6. Il y laissa sa
1- Fr. 291d, f° 17 (lettre publiée par nous dans la Revue de l’Art, 1886).
2- Itinéraire manuscrit de l’auteur.
3. KK. 80.
4. Ou Senelat.
5- KK. 86.
6- Ternaire, Légende des Vénitiens.