76
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
sente le splendide portrait de la galerie de Dresde, longtemps attribué
à Rubens et que M. Bode a fort justement restitué à Yan Dyck.
Dire que l’enfant dont la présence dans cette admirable création
contribue si puissamment à sa valeur est François plutôt que l’un
de ses frères, serait beaucoup s’aventurer. Il résulte, en effet, d'un
crayon généalogique de la famille Van den Wouver, conservé à la
Bibliothèque royale de Bruxelles, que dix enfants naquirent du
mariage de Jean AVoverius avec Marie Clarisse. François, le troi-
sième des six fils l, naquit en 1609 et fut présenté au baptême le
28 septembre. Van Dyck, très précoce, comme l'on sait, a pu peindre
la femme de van den Wouver vers 1619. L’enfant représenté sur ses
genoux, pouvant avoir six ans au plus, est très probablement Jean-
Baptiste, né en 1614.
Chose bien digne d’être recueillie en passant, François Wo-
verius, pour surprenante que fût sa précocité, n’était pas dans sa
famille le premier phénomène. Louis, son aîné de moins d’un an,
s’était signalé avant lui d’une manière absolument remarquable dans
les lettres latines. Quid Ludovicus possit, publicè Francisais et
egregiè ostendit. Ainsi s’exprime le célèbre Eric Puteanus, dans
son appréciation de l’éloge funèbre de l’archiduc Albert prononcé
par le plus jeune des deux frères devant l’assistance de notables
réunie à Bruxelles, le 17 juillet 1622, et dont parle l’estampe de Galle.
Il va de soi que l’événement lit sensation. Jean Woverius était
un personnage considérable, parfaitement en cour, et les plus hauts
dignitaires ecclésiastiques et civils étaient accourus pour applaudir
au succès de son fils. Comme souvenir de la séance, nous avons non
seulement le portrait de Rubens, mais le texte même de la harangue,
issu des presses plantiniennes2, conjointement avec une série d’épitres
laudatives recueillies par Louis Woverius et publiées par lui sous
le titre : Applausus amoris et favoris ab amicissimis doclissimisque
vins Francisco Woverio Io. F. scriptus. Ludovicus Francisci frater
collegit et publicavit.
Ce que devait être, dans la bouche d'un enfant de douze ans, si
disert fût-il, le panégyrique d’un prince dont les funérailles dataient
de peu de mois, on l’imagine sans grand effort. Le latin prêtait
à la grandiloquence ; la circonstance, comme l’assistance elle-même,
à l’emphase. Les épithètes les plus outrées sont prodiguées au
1. M. Ruelens ne semble avoir connu que cinq enfants, quaire fils et une fille.
2. Laudatio funebns anniversaria inclytæ memoriæ Alberti Pii. Antverpiæ, 1G23.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
sente le splendide portrait de la galerie de Dresde, longtemps attribué
à Rubens et que M. Bode a fort justement restitué à Yan Dyck.
Dire que l’enfant dont la présence dans cette admirable création
contribue si puissamment à sa valeur est François plutôt que l’un
de ses frères, serait beaucoup s’aventurer. Il résulte, en effet, d'un
crayon généalogique de la famille Van den Wouver, conservé à la
Bibliothèque royale de Bruxelles, que dix enfants naquirent du
mariage de Jean AVoverius avec Marie Clarisse. François, le troi-
sième des six fils l, naquit en 1609 et fut présenté au baptême le
28 septembre. Van Dyck, très précoce, comme l'on sait, a pu peindre
la femme de van den Wouver vers 1619. L’enfant représenté sur ses
genoux, pouvant avoir six ans au plus, est très probablement Jean-
Baptiste, né en 1614.
Chose bien digne d’être recueillie en passant, François Wo-
verius, pour surprenante que fût sa précocité, n’était pas dans sa
famille le premier phénomène. Louis, son aîné de moins d’un an,
s’était signalé avant lui d’une manière absolument remarquable dans
les lettres latines. Quid Ludovicus possit, publicè Francisais et
egregiè ostendit. Ainsi s’exprime le célèbre Eric Puteanus, dans
son appréciation de l’éloge funèbre de l’archiduc Albert prononcé
par le plus jeune des deux frères devant l’assistance de notables
réunie à Bruxelles, le 17 juillet 1622, et dont parle l’estampe de Galle.
Il va de soi que l’événement lit sensation. Jean Woverius était
un personnage considérable, parfaitement en cour, et les plus hauts
dignitaires ecclésiastiques et civils étaient accourus pour applaudir
au succès de son fils. Comme souvenir de la séance, nous avons non
seulement le portrait de Rubens, mais le texte même de la harangue,
issu des presses plantiniennes2, conjointement avec une série d’épitres
laudatives recueillies par Louis Woverius et publiées par lui sous
le titre : Applausus amoris et favoris ab amicissimis doclissimisque
vins Francisco Woverio Io. F. scriptus. Ludovicus Francisci frater
collegit et publicavit.
Ce que devait être, dans la bouche d'un enfant de douze ans, si
disert fût-il, le panégyrique d’un prince dont les funérailles dataient
de peu de mois, on l’imagine sans grand effort. Le latin prêtait
à la grandiloquence ; la circonstance, comme l’assistance elle-même,
à l’emphase. Les épithètes les plus outrées sont prodiguées au
1. M. Ruelens ne semble avoir connu que cinq enfants, quaire fils et une fille.
2. Laudatio funebns anniversaria inclytæ memoriæ Alberti Pii. Antverpiæ, 1G23.