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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 15.1896

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Nr. 2
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Leprieur, Paul: Le centenaire de la lithographie, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24681#0168

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

d’exposer, le montre déjà en possession d'un crayon fin et velouté.
Mais sa vraie note devait rester de saisir au vol la jolie désinvol-
ture des femmes élégantes de son temps, l’allure fringante dos
officiers à la parade, tous les mille petits riens de la vie des gens du
monde, toutes les nuances fragiles de leur grâce. Les deux suites de
la Vie de Château ou du Camp de Lunéville sont, en ce genre, la
perfection même. Monnier, s’il l'eût voulu, aurait pu rendre et fixer
aussi l’existence bourgeoise de son époque : il le fit une ou deux fois ;
mais, avec cette impossibilité de s’arrêtera quoi que ce soit, qui le
tourmenta toute sa vie, bohème incorrigible, il alla de ci de là, en
échappées de caprice, en gamineries bouffonnes, dont ses Mœurs
administratives sont peut-être le meilleur échantillon, un peu étri-
qué et mince en tout ce qu’il fit, jusqu’à ce qu’ayant créé son fameux
type de Monsieur Prudhomme, il le traîne après lui comme un
boulet.

Dans le portrait, la scène familière, jusque dans la gravure de
modes, traitée par d’ingénieux dessinateurs, la lithographie donna
des résultats excellents. Achille Devéria a été un des triomphateurs
de l’exposition, et c’est justice : car il a compris et interprété
en maître les figures contemporaines. Sans effort, comme en se
jouant, il scrute une physionomie, arrête un caractère, montre un
modèle dans sa pose journalière et dans le naturel de sa vie. Ingres
même, en ses crayons, est presque dépassé par une sorte d’élan plus
jeune, plus libre, plus aisé, où ne se sent nulle tension de la main, et
qui d’emblée unit souvent l’éclat à la grâce. Le Dumas assis est
depuis longtemps célèbre. Mais que d’autres seraient à citer, hommes
ou femmes disparus, inconnus dont survil le charme! Même des
planches de costumes, tant il sait bien les faire porter, deviennent
pour lui matière à des chefs-d’œuvre; et ce n’est pas un mince
honneur que d’avoir contribué en cela à former Gavarni, ce maître
en élégances, ce raffiné Parisien, qui au début s’en inspira. « Quel-
que chose de plus, disait Gigoux de ses portraits, et ce seraient des
van Dyck. » Il s’y connaissait, les ayant imités lui-même, ayant
ôté enflammé par cette gloire naissante, quand il arrivait à Paris,
pauvre écolier de province, muni de ses premières lithographies,
paysages médiocres et tâtonnants. Il s’orienta vite vers ces œuvres
distinguées et fines. Et c’est de là que sont en partie sortis, avec
leurs qualités personnelles, leur note argentée si charmante, toute
la série de ses portraits ou les trop rares et exquises petites scènes,
du genre de celle que nous reproduisons.
 
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