UNE STATUETTE DE REINE
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biner d’une façon plastique deux idéogrammes, de manière à préciser
— l’un servant en quelque sorte d’épithète à l’autre — la notion de
déesse, et l’on réduisit les ailes au rôle d’un simple accessoire du
costume, d’un simple attribut de rechange, à l’exemple des sceptres
et couronnes de formes diverses qui composent l’attirail divin.
L’art religieux de l’Egypte découle, en grande partie, de ce prin-
cipe. La démonstration en a été faite pour l’architecture1. Nous nous
réservons d’en exposer quelque jour toutes les conséquences, en ce qui
touche à la plastique.
11 ne faut donc jamais perdre de vue, en matière d’art égyptien,
qu’il existe deux courants absolument distincts, quoique ayant inévi-
tablement réagi l’un sur l’autre : d’une part l’art civil, laïque, non
soumis à un canon, mais inspiré directement de la nature ; d’autre
part l'art hiératique, régi par un formulaire et, par conséquent,
impersonnel et traditionnel. S’imaginer, par exemple, qu’il n’y a
entre le Scribe, accroupi et la plupart de nos statues de la galerie
Henri IV (rez-de-chaussée) que des différences de style trouvant leur
explication dans les différences d’époque, est une grave erreur que les
manuels perpétuent comme à plaisir. Le courant naturaliste, qui nous
semble avoir été prépondérant sous les dynasties memphites parce
qu’il est abondamment représenté dans les collections, et unique-
ment pour cela, a duré autant que l’art égyptien. Dans les temples
de Ramsès II à Abydos, de Ramsès III à Ivarnak et à Medinet Abou,
postérieurs de plus de 2000 ans aux pyramides memphites, on voit, à
quelques pas de distance, les échantillons les plus typiques de ces deux
arts, partant d’une conception si opposée, exécutés de façon si diffé-
rente, qu’il n’est pas douteux qu’on ait eu recours, dans la décora-
tion des édifices, à des professionnels de catégories parfaitement
distinctes. Les scènes militaires, les processions à nombreux person-
nages, égayées par la variété des attitudes, des gestes, des types, dont
quelques-uns continent à la caricature, sont dues à des mains tout
autres que les scènes d’adoration, où le roi, établi à l’aide d’un poncif
dans une des trois ou quatre poses réglementaires, est en présence
d’un couple ou d’une triade de dieux qui no sont, eux aussi, que de
t. Ainsi, le temple et ta tombe n’étaient, à proprement parler, que les repré-
sentations idéographiques, l’une du monde des Morts (Maspero), l’autre de la
partie de l’univers réservée aux Vivants (Rochemonleix). Cette double concep-
tion a été le point de départ des dispositions architectoniques ou décoratives
adoptées dans le temple et la tombe, à l’époque de la suprématie religieuse de
Thèbes. Elle est l’œuvre du sacerdoce thébain.
xv. — 3’ PÉRIODE.
61
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biner d’une façon plastique deux idéogrammes, de manière à préciser
— l’un servant en quelque sorte d’épithète à l’autre — la notion de
déesse, et l’on réduisit les ailes au rôle d’un simple accessoire du
costume, d’un simple attribut de rechange, à l’exemple des sceptres
et couronnes de formes diverses qui composent l’attirail divin.
L’art religieux de l’Egypte découle, en grande partie, de ce prin-
cipe. La démonstration en a été faite pour l’architecture1. Nous nous
réservons d’en exposer quelque jour toutes les conséquences, en ce qui
touche à la plastique.
11 ne faut donc jamais perdre de vue, en matière d’art égyptien,
qu’il existe deux courants absolument distincts, quoique ayant inévi-
tablement réagi l’un sur l’autre : d’une part l’art civil, laïque, non
soumis à un canon, mais inspiré directement de la nature ; d’autre
part l'art hiératique, régi par un formulaire et, par conséquent,
impersonnel et traditionnel. S’imaginer, par exemple, qu’il n’y a
entre le Scribe, accroupi et la plupart de nos statues de la galerie
Henri IV (rez-de-chaussée) que des différences de style trouvant leur
explication dans les différences d’époque, est une grave erreur que les
manuels perpétuent comme à plaisir. Le courant naturaliste, qui nous
semble avoir été prépondérant sous les dynasties memphites parce
qu’il est abondamment représenté dans les collections, et unique-
ment pour cela, a duré autant que l’art égyptien. Dans les temples
de Ramsès II à Abydos, de Ramsès III à Ivarnak et à Medinet Abou,
postérieurs de plus de 2000 ans aux pyramides memphites, on voit, à
quelques pas de distance, les échantillons les plus typiques de ces deux
arts, partant d’une conception si opposée, exécutés de façon si diffé-
rente, qu’il n’est pas douteux qu’on ait eu recours, dans la décora-
tion des édifices, à des professionnels de catégories parfaitement
distinctes. Les scènes militaires, les processions à nombreux person-
nages, égayées par la variété des attitudes, des gestes, des types, dont
quelques-uns continent à la caricature, sont dues à des mains tout
autres que les scènes d’adoration, où le roi, établi à l’aide d’un poncif
dans une des trois ou quatre poses réglementaires, est en présence
d’un couple ou d’une triade de dieux qui no sont, eux aussi, que de
t. Ainsi, le temple et ta tombe n’étaient, à proprement parler, que les repré-
sentations idéographiques, l’une du monde des Morts (Maspero), l’autre de la
partie de l’univers réservée aux Vivants (Rochemonleix). Cette double concep-
tion a été le point de départ des dispositions architectoniques ou décoratives
adoptées dans le temple et la tombe, à l’époque de la suprématie religieuse de
Thèbes. Elle est l’œuvre du sacerdoce thébain.
xv. — 3’ PÉRIODE.
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