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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 24.1900

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Geffroy, Gustave: Promenade à l'exposition
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

port maritime, de rencontre prochaine de la rivière et d’un océan.
De même que Des Esseinles, le personnage raconté par Huysmans
dans A Rebours, croit réalisé son voyage à Londres par une arrivée
en fiacre chargé de malles dans la rue d'Amsterdam, et par une sta-
tion dans un bar anglais où coule la bière, où saigne le rostbeef, de
même les minarets du Trocadéro, dressés contre le velours obscur
du ciel, les dômes en forme de casques indiens, les toils retroussés
des pagodes, les cubes blancs de l’Afrique, donnent aux cervelles
voyageuses une impression lointaine de Tunisie et de Chine, de
Gange et de Bosphore. On peul croire, dans la vision de cetle lumière
électrique inventée d’hier, avec le bruit des sifilels, des halètements
de vapeurs, à une arrivée subite en gare de Constantinople ou de
Calcutta, ou dans un port de la côte barbaresque ou de la mer de
Chine, une gare, un port bâtis par des ingénieurs européens à l’en-
trée d’une cité d’Orient, encore chaude de soleil, et qui s’assoupit,
murmurant et rêvant, dans l’ombre bleue de la nuit.

L’artificiel triomphe véritablement pendant les soirées qui se
passent en batailles de la lumière avec l’ombre. Ce ne sont pas seu-
lement les points fixes allumés et les rayons errants qui éclairent le
jardin nocturne. La lloraison inattendue de l’eau lumineuse monte
ets’épanouit au fond du Champ-de-Mars, en une prodigieuse architec-
ture d’eau, transparente et brillante comme une muraille constellée
de pierres précieuses, chargée de sculptures mouvementées. C’est
un foyer qui éclaire toute l’étendue des massifs et des pelouses. Les
jets droits, les jets paraboliques, les retombées en nappes, les cou-
lées en ruisseaux, les multiples combinaisons de toutes les formes
fluides sont imprégnées de toutes les violentes éruptions de la cou-
leur et de tous les alanguissements des nuances. Un bleu de flamme
s’envole en vapeur liliacée, un rouge d’incendie se consume et s’éva-
nouit en rose de chair, une pâleur d’or fond dans un brasier d’argent.
Tout à coup, c’est le pur éclat frigide d’un bloc de diamants par-
couru par des ondes de frissons. A regarder ces scientifiques illu-
minations, qui changent l’atmosphère de la nuit, on perd la notion
exacte de la matière que l’on a sous les yeux. Cette eau devenue
éclairante, cette eau changeante, est un feu qui jaillit, une vapeur
qui s’étend, un mélange magique, réel et impalpable, complet et
sans précision, de fleurs incandescentes écloses parmi des métaux
en fusion.

Les perçantes projections, les feux tournants de phares, les illu-
minations agglomérées, toute cette surabondance de clarté des soi-
 
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