56
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
position pyramidale peuplée d’ébauches du « Vengeur », niM. Rouffet
dans le champ ensoleillé d’Austerlitz, n’ont sucité l’âme et le geste
collectifs qui étaient la condition de leurs sujets. Ce n’est pas le
désir que M. William Cott a représenté dans sa Bethsabée (à peine
aperçoit-on la tache rouge de la robe du roi qui l’épie), mais seule-
ment, et non sans bonheur, sur un thème bœcklinien, mais avec un
goût très sûr, dans l’immobilité hiératique des coupoles et des por-
tiques planté de cyprès en berne, dans l’écroulement sombre d’une
draperie et devant des reflets glacés, une chair rêveuse. Il faut rendre
hommage au labeur de M. Gorguet (Joyeuse entrée de Jean le Bon
à Douai) et s’intéresser à la façon dont il tempéra par des gentillesses
dans la manière de M. Boutet de Monvel les rigoureuses visions médié-
vales de M. J.-P. Laurens, comme à une reconstitution ingénieuse
et toutefois un peu longue. Mais dans deux cadres minuscules, par
une pochade : La Betraite, et une aquarelle : Le Passage de laBérésina,
M. Faber du Faur donne de l’Epopée le poème que proposaient des
toiles immenses. D’un tumulte d’empâtements acharnés, où l’on sent
« grouiller » les bataillons rompus, surgissent un cheval égaré au flanc,
de la cohue et, dans ce tas humain en marche, le vieux grenadier
qui personnalise l’Armée. ■— Aucun type central dans la Bérésina,
mais le déroulement épais, bariolé, dans le pays de glace, d’une
foule, bête énorme, en agonie...
Sans ces tableautins héroïques d’un artiste munichois (et il faut
noter les envois de MM. Roussel, Lalauze, Orange, Marchand, Benoît-
Lévy), l’attention quitterait mal satisfaite la « peinture d’histoire »
pour la « peinture de genre » qui, par des faits réguliers, complète
dans le contemporain la vérité historique : pour les tendresses dou-
loureuses et délicates de M. Henry d’Estienne (La Jeune malade),
le tragique familier de MUe Smith (Le Berceau vide), pour le Soir en
Lorraine, où M. Henri Royer, avec cet art candide et avisé qu’on
lui sait, un peu minutieux mais caressant et ému, fait planer l'heure
trouble sur les corps inquiets, sur les cœurs angoissés, sur les
silences chuchotants et les gestes maladroits où s’exprime la « médi-
tation du génie de l’espèce » ; pour le Goûter de M. de Beaumont,
d’une intimité large, mouvementée, robuste ; pour le défilé pitto-
resque des pêcheurs de Quand l’Angélus sonne dans un décor de
joujou propret ; pour la Famille de pêcheurs, si pleine de caractère,
de rusticité plaisante, d’énergiques harmonies dans la couleur, de
M110 Parsons; pour le Betour des marins, où M. Max Bohm déploie
cet accent robuste qui chez une de ses élèves, Mlle Defries, dans une
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
position pyramidale peuplée d’ébauches du « Vengeur », niM. Rouffet
dans le champ ensoleillé d’Austerlitz, n’ont sucité l’âme et le geste
collectifs qui étaient la condition de leurs sujets. Ce n’est pas le
désir que M. William Cott a représenté dans sa Bethsabée (à peine
aperçoit-on la tache rouge de la robe du roi qui l’épie), mais seule-
ment, et non sans bonheur, sur un thème bœcklinien, mais avec un
goût très sûr, dans l’immobilité hiératique des coupoles et des por-
tiques planté de cyprès en berne, dans l’écroulement sombre d’une
draperie et devant des reflets glacés, une chair rêveuse. Il faut rendre
hommage au labeur de M. Gorguet (Joyeuse entrée de Jean le Bon
à Douai) et s’intéresser à la façon dont il tempéra par des gentillesses
dans la manière de M. Boutet de Monvel les rigoureuses visions médié-
vales de M. J.-P. Laurens, comme à une reconstitution ingénieuse
et toutefois un peu longue. Mais dans deux cadres minuscules, par
une pochade : La Betraite, et une aquarelle : Le Passage de laBérésina,
M. Faber du Faur donne de l’Epopée le poème que proposaient des
toiles immenses. D’un tumulte d’empâtements acharnés, où l’on sent
« grouiller » les bataillons rompus, surgissent un cheval égaré au flanc,
de la cohue et, dans ce tas humain en marche, le vieux grenadier
qui personnalise l’Armée. ■— Aucun type central dans la Bérésina,
mais le déroulement épais, bariolé, dans le pays de glace, d’une
foule, bête énorme, en agonie...
Sans ces tableautins héroïques d’un artiste munichois (et il faut
noter les envois de MM. Roussel, Lalauze, Orange, Marchand, Benoît-
Lévy), l’attention quitterait mal satisfaite la « peinture d’histoire »
pour la « peinture de genre » qui, par des faits réguliers, complète
dans le contemporain la vérité historique : pour les tendresses dou-
loureuses et délicates de M. Henry d’Estienne (La Jeune malade),
le tragique familier de MUe Smith (Le Berceau vide), pour le Soir en
Lorraine, où M. Henri Royer, avec cet art candide et avisé qu’on
lui sait, un peu minutieux mais caressant et ému, fait planer l'heure
trouble sur les corps inquiets, sur les cœurs angoissés, sur les
silences chuchotants et les gestes maladroits où s’exprime la « médi-
tation du génie de l’espèce » ; pour le Goûter de M. de Beaumont,
d’une intimité large, mouvementée, robuste ; pour le défilé pitto-
resque des pêcheurs de Quand l’Angélus sonne dans un décor de
joujou propret ; pour la Famille de pêcheurs, si pleine de caractère,
de rusticité plaisante, d’énergiques harmonies dans la couleur, de
M110 Parsons; pour le Betour des marins, où M. Max Bohm déploie
cet accent robuste qui chez une de ses élèves, Mlle Defries, dans une