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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
graphies à fond d’or. L'aventure fut aussi hasardeuse de placer aux
Invalides, à l'air libre, sur le mur d’une blancheur inexorable, des
tableaux brossés à l’atelier, qui, tous ou bien peu s’en faut, ne pré-
sentaient ni les gammes, ni l’ambiance, ni la facture requises
pour s'incorporer à l’architecture. En l'occurrence, la fresque seule
pouvait agréer, et si M. Marcel Ruty s’est tiré sans dommage de ce
pas difficile, c'est que sa manière simulait les matités, c’est que son
tra vail donnait l’illusion d’avoir été enlevé sur place, avec le respect
voulu des conditions d’éclairage, de milieu. Les improvisateurs aptes
à illustrer un mur ne font pas défaut ; les maîtres de l’affiche eussent
triomphé dans une pareille tâche ; ils ont, dès longtemps, expérimenté
les lois de la décoration de plein air; ils en connaissent l’optique spé-
ciale et les simplifications obligées. Je ne fais point un cas exagéré
des peintures qui se voient aux pavillons de la marine (M. Becker)
et de l’empire allemands (M. Bôhland) ou des armées belges (M. E.
Jaspar) ; au moins la technique en est-elle convenable ; à la porte
monumentale, M. Bellery-Desfontaines se montre, comme à l’ordi-
naire, instruit des règles de son art, et, sur tous, M. de Feure —
« affichiste » à ses heures — l’emporte dans la suite de ses panneaux
encastrés sur les façades du pavillon de M. Bing. Un nouveau
Beardsley nous est rendu, qui prête au corps de la femme l’élan-
cement, la fragilité de la fleur, qui dégage du calice des jupes la
sveltesse des torses flexibles, et anime les parterres d'ondoyantes
et graciles figures, à la démarche lente, hiératique presque.
Une époque qui se préoccupe de l’esthétique de la rue, qui veut
l’entour de l’art pour le geste delà vie publique, eut mérité de ren-
contrer une expression moins incomplète des recherches tentées
pour satisfaire ses aspirations. Les formes, les couleurs composent
un répertoire illimité ; elles se varient en jeux infinis, inattendus
que provoquent à plaisir l’emploi de telle matière, la découverte ou
la restauration de certaine technique. Pour établir les emplois
divers que peut recevoir l’ardoise, M. Ghoupay a imaginé une
construction terminée, dans sa largeur, par deux demi-rotondes, et
dont le comble s’agrémenle de lucarnes, de clochetons tantôt à arêtes
vives et à auvents superposés, tantôt arrondis en bulbe, comme
certains clochers d’églises autrichiennes. La démonstration est d’une
évidence convaincante et les voies suivies pour y atteindre sont de
la plus absolue, de la plus passionnante originalité. Que l’Exposi-
tion n’a-t-elle éveillé l’idée du pittoresque promis par les applica-
tions toujours plus significatives de la céramique à la construction!
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graphies à fond d’or. L'aventure fut aussi hasardeuse de placer aux
Invalides, à l'air libre, sur le mur d’une blancheur inexorable, des
tableaux brossés à l’atelier, qui, tous ou bien peu s’en faut, ne pré-
sentaient ni les gammes, ni l’ambiance, ni la facture requises
pour s'incorporer à l’architecture. En l'occurrence, la fresque seule
pouvait agréer, et si M. Marcel Ruty s’est tiré sans dommage de ce
pas difficile, c'est que sa manière simulait les matités, c’est que son
tra vail donnait l’illusion d’avoir été enlevé sur place, avec le respect
voulu des conditions d’éclairage, de milieu. Les improvisateurs aptes
à illustrer un mur ne font pas défaut ; les maîtres de l’affiche eussent
triomphé dans une pareille tâche ; ils ont, dès longtemps, expérimenté
les lois de la décoration de plein air; ils en connaissent l’optique spé-
ciale et les simplifications obligées. Je ne fais point un cas exagéré
des peintures qui se voient aux pavillons de la marine (M. Becker)
et de l’empire allemands (M. Bôhland) ou des armées belges (M. E.
Jaspar) ; au moins la technique en est-elle convenable ; à la porte
monumentale, M. Bellery-Desfontaines se montre, comme à l’ordi-
naire, instruit des règles de son art, et, sur tous, M. de Feure —
« affichiste » à ses heures — l’emporte dans la suite de ses panneaux
encastrés sur les façades du pavillon de M. Bing. Un nouveau
Beardsley nous est rendu, qui prête au corps de la femme l’élan-
cement, la fragilité de la fleur, qui dégage du calice des jupes la
sveltesse des torses flexibles, et anime les parterres d'ondoyantes
et graciles figures, à la démarche lente, hiératique presque.
Une époque qui se préoccupe de l’esthétique de la rue, qui veut
l’entour de l’art pour le geste delà vie publique, eut mérité de ren-
contrer une expression moins incomplète des recherches tentées
pour satisfaire ses aspirations. Les formes, les couleurs composent
un répertoire illimité ; elles se varient en jeux infinis, inattendus
que provoquent à plaisir l’emploi de telle matière, la découverte ou
la restauration de certaine technique. Pour établir les emplois
divers que peut recevoir l’ardoise, M. Ghoupay a imaginé une
construction terminée, dans sa largeur, par deux demi-rotondes, et
dont le comble s’agrémenle de lucarnes, de clochetons tantôt à arêtes
vives et à auvents superposés, tantôt arrondis en bulbe, comme
certains clochers d’églises autrichiennes. La démonstration est d’une
évidence convaincante et les voies suivies pour y atteindre sont de
la plus absolue, de la plus passionnante originalité. Que l’Exposi-
tion n’a-t-elle éveillé l’idée du pittoresque promis par les applica-
tions toujours plus significatives de la céramique à la construction!