LA PEINTURE ÉTRANGÈRE A L’EXPOSITION DÉCENNALE 501
est un art savant, cultivé, l’art d’un maître sûr et réfléchi qui a
donné d'innombrables preuves d’un talent hors pair, mais formé
d'un amalgame de connaissances, de ressouvenirs, de citations.
Sa brosse est d’une souplesse extrême. Il trace les formes d’une
écriture hardie et les recouvre ensuite de grands lavis glacés, en
pleine huile, qu’il rehausse vivement de pâtes grasses, posées avec
audace et sûreté. C’est un praticien surprenant de virtuosité savante.
Il connaît toutes les truculences de Rembrandt, comme il le
montre dans le Portrait de Mme Fabrice ; toutes les morbidesses de
van Dyck : voyez le portrait d’homme au feutre, enlevé en quelques
touches hardies sur fond glacé ; il sait faire jouer, sur ses fonds de
frottis roussâtres, des tons purs, francs et osés, comme Reynolds ou
Gainsborough, ainsi qu'il appert du portrait de la jeune fille au
chien, en corsage rouge, sur ce fond d’arbre à l’automne, dans un
ciel lavé d’un bleu profond, et de celui de la fillette blonde à la robe
rayée de rouge, ou même de son propre portrait avec sa petite fille
aux cheveux d’or mat, au teint pâlot, vêtue d’un bonnet blanc et
d’une robe bleue s’accompagnant sur un fond grisâtre. Il n’est pas
jusqu’à Véronèse qui ne soit parmi ses amis. Ici, cette femme rousse,
en robe verte, à l’air hautain, résume toute la superbe de toutes les
Cléopâtres italiennes; là, une simple esquisse de femme, jetée du
bout du pinceau sur la toile, relevée d’un léger frottis, prend la désin-
volture et le savoureux inachevé d’un grand Flamand du xvue siècle.
C’est l’œuvre d’un fort esprit et d’un très docte peintre, mais les
méchantes langues disent que c’est tout un musée rétrospectif.
Et il faut dire que le voisinage prête encore à l’illusion. Ici,
c’est M. Kunz avec une Nature morte qui rappelle van Iluysum ; là,
M. Sambe rger, dont le propre portrait est enlevé comme une savante
thèse en Sorbonne, de main de maître, avec une virtuosité à la
Frans Hais; plus loin, M. Millier, avec une Sœur de charité d'un
caractère expressif, d’un art volontaire, d’un métier un peu dur et
tendre de vieil Allemand. Et nous pourrions pousser plus loin,
dans les salles voisines, où nous trouverions M. F.-A. von Kaulbach
avec des portraits qui suivent de près ceux de M. Lcnbach, dans
leur imitation anglaise un peu lourde; M. Vogel; etc.
M. Koner, récemment décédé en pleine maturité de son talent,
bien que peintre de l’empereur, n’était point vu d’un œil très sym-
pathique dans les milieux officiels. Ce n’en était pas moins un artiste
de réelle valeur, plus dégagé de la peinture au jus de pruneaux
chère à ses compatriotes, un peu lourd, mais robuste exécutant,
est un art savant, cultivé, l’art d’un maître sûr et réfléchi qui a
donné d'innombrables preuves d’un talent hors pair, mais formé
d'un amalgame de connaissances, de ressouvenirs, de citations.
Sa brosse est d’une souplesse extrême. Il trace les formes d’une
écriture hardie et les recouvre ensuite de grands lavis glacés, en
pleine huile, qu’il rehausse vivement de pâtes grasses, posées avec
audace et sûreté. C’est un praticien surprenant de virtuosité savante.
Il connaît toutes les truculences de Rembrandt, comme il le
montre dans le Portrait de Mme Fabrice ; toutes les morbidesses de
van Dyck : voyez le portrait d’homme au feutre, enlevé en quelques
touches hardies sur fond glacé ; il sait faire jouer, sur ses fonds de
frottis roussâtres, des tons purs, francs et osés, comme Reynolds ou
Gainsborough, ainsi qu'il appert du portrait de la jeune fille au
chien, en corsage rouge, sur ce fond d’arbre à l’automne, dans un
ciel lavé d’un bleu profond, et de celui de la fillette blonde à la robe
rayée de rouge, ou même de son propre portrait avec sa petite fille
aux cheveux d’or mat, au teint pâlot, vêtue d’un bonnet blanc et
d’une robe bleue s’accompagnant sur un fond grisâtre. Il n’est pas
jusqu’à Véronèse qui ne soit parmi ses amis. Ici, cette femme rousse,
en robe verte, à l’air hautain, résume toute la superbe de toutes les
Cléopâtres italiennes; là, une simple esquisse de femme, jetée du
bout du pinceau sur la toile, relevée d’un léger frottis, prend la désin-
volture et le savoureux inachevé d’un grand Flamand du xvue siècle.
C’est l’œuvre d’un fort esprit et d’un très docte peintre, mais les
méchantes langues disent que c’est tout un musée rétrospectif.
Et il faut dire que le voisinage prête encore à l’illusion. Ici,
c’est M. Kunz avec une Nature morte qui rappelle van Iluysum ; là,
M. Sambe rger, dont le propre portrait est enlevé comme une savante
thèse en Sorbonne, de main de maître, avec une virtuosité à la
Frans Hais; plus loin, M. Millier, avec une Sœur de charité d'un
caractère expressif, d’un art volontaire, d’un métier un peu dur et
tendre de vieil Allemand. Et nous pourrions pousser plus loin,
dans les salles voisines, où nous trouverions M. F.-A. von Kaulbach
avec des portraits qui suivent de près ceux de M. Lcnbach, dans
leur imitation anglaise un peu lourde; M. Vogel; etc.
M. Koner, récemment décédé en pleine maturité de son talent,
bien que peintre de l’empereur, n’était point vu d’un œil très sym-
pathique dans les milieux officiels. Ce n’en était pas moins un artiste
de réelle valeur, plus dégagé de la peinture au jus de pruneaux
chère à ses compatriotes, un peu lourd, mais robuste exécutant,