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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
cation historique, le second dans un enlhousiasmc mystique dont on
est pénétré. Enfin au môme ordre d’évocation pieuse appartient l’ad-
mirable statue de la Jeunesse, sculptée par Chapu à l’Ecole des Beaux-
Arts. Placée de plain-pied avec le spectateur et comme émanant de
la foule, elle voue son laurier à Régnault et à ses camarades tombés,
comme lui, les armes à la main. Honneur aussi à l’artiste trop tôt
disparu qui a taillé dans le marbre cette noble élégie! C’est ainsi
que, dans son langage idéal, l’art exhale sa plainte en glorifiant ceux
qui ne sont plus. Sans doute ce sont là des œuvres exceptionnelles;
mais combien d’artistes ont consacré leur talent, ont mis tout leur
cœur à traiter des sujets tirés d’événements qu’on ne saurait oublier!
Le ciseau à la main, ils ont été les interprètes émus de nos senti-
ments patriotiques.
En vérité, cette époque aura été riche de leçons inattendues. Il
n’est personne parmi nous qui, en vivant sous les régimes passés, ne
se soit étonné de la fécondité artistique des républiques grecques.
On ne pouvait s’empêcher de se demander comment, au milieu des
agitations politiques dont témoignent les historiens, il pouvait surgir
tant de grands artistes. Or, maintenant, nous savons par expérience
qu’une pareille floraison n’est pas incompatible avec une démo-
cratie moderne. Et, en effet, depuis 1870, quelle abondance de beaux
ouvrages de sculpture qu’il suffit de citer : le tombeau de La Mori-
cière et la statue funéraire du Bue d’Aumale ; la Pensée et le Génie
moderne; la Junon, la Diane lançant des flèches; L'Aveugle et le
Paralytique \ Comment oublier M. Puech déjà célèbre, M. Dalou avec
ses bronzes superbes, ses bustes admirables, et aussi les ouvrages,
même discutés, de M. Rodin ? Enfin devons-nous passer sous silence
les prix d’honneur remportés aux Salons annuels par MM. Turcan,
Bartholdi, Ernest Dubois, Boisseau et Verlet? Que ceux dont les
noms m’échappent me pardonnent. Mais cette richesse ne dénote-
t-elle pas une vie intense; n’est-elle pas digne de notre pays ?
Maintenant, il est une dernière évolution de la sculpture
française sur laquelle il convient de s’entendre. Lorsqu’on réorganisa
l'Ecole des Beaux-Arts en 1863, on fit le possible pour entourer les
jeunes artistes, peintres, sculpteurs et architectes, de tout ce qui était
nécessaire pour les instruire. Des cours oraux forent institués à leur
usage; une riche bibliothèque fut mise à leur disposition, des
collections furent formées pour répondre à chaque branche de
l’enseignement. On voulait établir, entre les études techniques et
d’autres études destinées à nourrir et à éclairer les esprits, un rappro-
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cation historique, le second dans un enlhousiasmc mystique dont on
est pénétré. Enfin au môme ordre d’évocation pieuse appartient l’ad-
mirable statue de la Jeunesse, sculptée par Chapu à l’Ecole des Beaux-
Arts. Placée de plain-pied avec le spectateur et comme émanant de
la foule, elle voue son laurier à Régnault et à ses camarades tombés,
comme lui, les armes à la main. Honneur aussi à l’artiste trop tôt
disparu qui a taillé dans le marbre cette noble élégie! C’est ainsi
que, dans son langage idéal, l’art exhale sa plainte en glorifiant ceux
qui ne sont plus. Sans doute ce sont là des œuvres exceptionnelles;
mais combien d’artistes ont consacré leur talent, ont mis tout leur
cœur à traiter des sujets tirés d’événements qu’on ne saurait oublier!
Le ciseau à la main, ils ont été les interprètes émus de nos senti-
ments patriotiques.
En vérité, cette époque aura été riche de leçons inattendues. Il
n’est personne parmi nous qui, en vivant sous les régimes passés, ne
se soit étonné de la fécondité artistique des républiques grecques.
On ne pouvait s’empêcher de se demander comment, au milieu des
agitations politiques dont témoignent les historiens, il pouvait surgir
tant de grands artistes. Or, maintenant, nous savons par expérience
qu’une pareille floraison n’est pas incompatible avec une démo-
cratie moderne. Et, en effet, depuis 1870, quelle abondance de beaux
ouvrages de sculpture qu’il suffit de citer : le tombeau de La Mori-
cière et la statue funéraire du Bue d’Aumale ; la Pensée et le Génie
moderne; la Junon, la Diane lançant des flèches; L'Aveugle et le
Paralytique \ Comment oublier M. Puech déjà célèbre, M. Dalou avec
ses bronzes superbes, ses bustes admirables, et aussi les ouvrages,
même discutés, de M. Rodin ? Enfin devons-nous passer sous silence
les prix d’honneur remportés aux Salons annuels par MM. Turcan,
Bartholdi, Ernest Dubois, Boisseau et Verlet? Que ceux dont les
noms m’échappent me pardonnent. Mais cette richesse ne dénote-
t-elle pas une vie intense; n’est-elle pas digne de notre pays ?
Maintenant, il est une dernière évolution de la sculpture
française sur laquelle il convient de s’entendre. Lorsqu’on réorganisa
l'Ecole des Beaux-Arts en 1863, on fit le possible pour entourer les
jeunes artistes, peintres, sculpteurs et architectes, de tout ce qui était
nécessaire pour les instruire. Des cours oraux forent institués à leur
usage; une riche bibliothèque fut mise à leur disposition, des
collections furent formées pour répondre à chaque branche de
l’enseignement. On voulait établir, entre les études techniques et
d’autres études destinées à nourrir et à éclairer les esprits, un rappro-