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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
robuste paysagiste, ayant le sentiment de la grandeur et de l'unité
Dans l’étude de la vie, M. Morbelli fait preuve de hautes qualités d’ob-
servateur populaire concentré et recueilli. Son Viatique et son Jour
de fête à l’hospice sont deux compositions émouvantes par la sim-
plicité des attitudes, la sobriété de l’exécution, la compréhension
intelligente du milieu et des effets lumineux, l’accent de conviction
sincère qui s’en dégage. Elles rappellent, par cet esprit de gravité,
certaines compositions analogues du peintre anglais Herkomer.
Ce n’est pas le seul rapprochement que nous pourrions faire ici
avec quelques-unes des tendances d’Angleterre. Les Amours des
âmes, de M. Dali’ Occa Bianca, dans l'exécution des figures age-
nouillées au milieu d'un cimetière à l’automne, avec un modelé
précis, serré et en même temps fortement coloré, et M. Conconi,
également dans une scène de cimetière, avec un métier différent,
mais des tonalités aussi chaudes, éveillent malgré nous ce souvenir.
Tandis qu’à Naples, un des premiers instigateurs de la rénova-
tion de l’art italien, M. Morelli, dans une œuvre qui ne le caractérise
pas suffisamment, le Christ au désert, mais qui offre, néanmoins^ de
charmanles qualités de légèreté atmosphérique, tient la tête d’un
petit groupe où l’on distingue M. Casciaro, avec de brillants pastels,
et M. Caprile, à Rome, sanctuaire antique des plus nobles souvenirs,
fleurissent encore les vestiges de la grande peinture et de la décora-
tion monumentale. On a peut-être oublié les beaux et larges dessins
de M. Maccari, en 1889; ils indiquaient un réel sentiment de l’histoire
que nous refusons volontiers à l’Italie moderne. M. Sartorio, dans sa
Diane d’Éphèse et sa Gorgone, nous montre qu’on n’a pas perdu le
sens du vrai grand style; M. Joris, dans ses deux toiles de Y Octave
de la Fête-Dieu et du Jeudi Saint, où les rouges, les blancs et les ors
jouent dans la lumière amortie des églises, nous prouve qu’on y a
conservé le secret des savantes harmonies, des sonorités éclatantes et
douces, et M. Michetti, qu’il y reste encoredes brosses vaillantes, de
fiers et robustes décorateurs.
Les deux grandes compositions de ce dernier artiste font un
singulier contraste avec deux tableautins minutieux de son passé et
ne le font pas regretter. Dans Les Serpents et dans Les Estropiés,
vastes toiles décoratives, trop vastes peut-être, où la composition
est parfois un peu perdue et dispersée, il y a une vision d’un relief
saisissant, mais sans excès, une véritable science des jeux de la
lumière, et un diable de métier d’une extraordinaire habileté ou,
mieux, d une véritable force expressive.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
robuste paysagiste, ayant le sentiment de la grandeur et de l'unité
Dans l’étude de la vie, M. Morbelli fait preuve de hautes qualités d’ob-
servateur populaire concentré et recueilli. Son Viatique et son Jour
de fête à l’hospice sont deux compositions émouvantes par la sim-
plicité des attitudes, la sobriété de l’exécution, la compréhension
intelligente du milieu et des effets lumineux, l’accent de conviction
sincère qui s’en dégage. Elles rappellent, par cet esprit de gravité,
certaines compositions analogues du peintre anglais Herkomer.
Ce n’est pas le seul rapprochement que nous pourrions faire ici
avec quelques-unes des tendances d’Angleterre. Les Amours des
âmes, de M. Dali’ Occa Bianca, dans l'exécution des figures age-
nouillées au milieu d'un cimetière à l’automne, avec un modelé
précis, serré et en même temps fortement coloré, et M. Conconi,
également dans une scène de cimetière, avec un métier différent,
mais des tonalités aussi chaudes, éveillent malgré nous ce souvenir.
Tandis qu’à Naples, un des premiers instigateurs de la rénova-
tion de l’art italien, M. Morelli, dans une œuvre qui ne le caractérise
pas suffisamment, le Christ au désert, mais qui offre, néanmoins^ de
charmanles qualités de légèreté atmosphérique, tient la tête d’un
petit groupe où l’on distingue M. Casciaro, avec de brillants pastels,
et M. Caprile, à Rome, sanctuaire antique des plus nobles souvenirs,
fleurissent encore les vestiges de la grande peinture et de la décora-
tion monumentale. On a peut-être oublié les beaux et larges dessins
de M. Maccari, en 1889; ils indiquaient un réel sentiment de l’histoire
que nous refusons volontiers à l’Italie moderne. M. Sartorio, dans sa
Diane d’Éphèse et sa Gorgone, nous montre qu’on n’a pas perdu le
sens du vrai grand style; M. Joris, dans ses deux toiles de Y Octave
de la Fête-Dieu et du Jeudi Saint, où les rouges, les blancs et les ors
jouent dans la lumière amortie des églises, nous prouve qu’on y a
conservé le secret des savantes harmonies, des sonorités éclatantes et
douces, et M. Michetti, qu’il y reste encoredes brosses vaillantes, de
fiers et robustes décorateurs.
Les deux grandes compositions de ce dernier artiste font un
singulier contraste avec deux tableautins minutieux de son passé et
ne le font pas regretter. Dans Les Serpents et dans Les Estropiés,
vastes toiles décoratives, trop vastes peut-être, où la composition
est parfois un peu perdue et dispersée, il y a une vision d’un relief
saisissant, mais sans excès, une véritable science des jeux de la
lumière, et un diable de métier d’une extraordinaire habileté ou,
mieux, d une véritable force expressive.