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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 25.1901

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Nr. 1
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Hovelaque, Émile: L' exposition rétrospective du Japon, [2]: les arts à l'Exposition universelle de 1900
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https://doi.org/10.11588/diglit.24807#0038

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

confiant d’allure, presque espiègle, l’autre de physionomie plus
engourdie, naïf et sage, ont tant d’individualité, ils ont tous trois si
bien l’air de poser pour leur portrait, qu’on est tenté de voir dans
cette œuvre, ou bien une image véridique et contemporaine de
Shôtokou-Taishi, ou bien celle d’un autre prince auquel on a donné
les traits de celui-ci. Quoi qu’il en soit, la figure est bien celle que
la tradition attribue à Shôtokou-Taishi. Dans des portraits posté-
rieurs, tels que le kakémono rose et noir, savoureux el aristocratique
comme un Velazquez, que j’ai vu àtloriuji, et dans la peinture qu’on
conserve à Ninnaji, œuvre somptueuse et grave de l’école Takouma
(xnc siècle)1, c’est bien, à des âges divers, la même expression de
douceur, de vive intelligence, de ferveur et de noblesse que nous
retrouvons, la même âme ardente et pure.

Cette œuvre si jeune, nette et fraîche, est japonaise de sentiment,
plus franchement même que beaucoup de peintures très postérieures.
C'est que l’art séculier obéissait moins rigoureusement que l’art
religieux aux traditions fixes comme des rites. Mais la charmante
facture qui s’amuse si ingénument aux jolies coiffures délicatement
nouées et relevées des garçons, aux ornements, aux glands des
ceintures et des sabres, à tous les détails précieux du costume sobre
et fin, est sino-coréenne et encore plus coréenne que chinoise,
comme l’est la bonhomie de l’expression. De loin, le papier paraît
presque monochrome. Un examen plus attentif y découvre cepen-
dant des traces de la même gamme — vermillon, ocre jaune, bleu
vert, pourpre — que sur les fresques d’Horiuji. Et le métier visible-
ment est parent de celui des fresques, si l'inspiration est tout autre.

Nettement donc, ce premier monument de la peinture japonaise
est coréen. Généraliser d’après une pièce unique serait dangereux.
Des œuvres presque contemporaines nous permettent cependant
d’en tirer un enseignement. Comme la sculpture son aînée, mais
mieux encore que la sculpture, la peinture de cette époque nous
apprend que si une âme nationale existe déjà, elle ne sait encore
s’exprimer qu’imparfaitement et dans une langue qui n’est pas la
sienne. Très vile cependant elle s’exprime toute. Une peinture japo-
naise surgit et plie la technique étrangère à ses fins. Contemporaine
de la sculpture de l’époque de Nara, elle en a la suavité et la gra-
vité chastes. Mais née plus tard, moins cultivée que cet art monu-
mental qui, incarnant mieux les conceptions hautes et calmes de la

i. Et non, comme on le dit communément, de ta main de Kosé Ivanaoka
(ix° siècle).
 
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