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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 25.1901

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Nr. 1
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Hovelaque, Émile: L' exposition rétrospective du Japon, [2]: les arts à l'Exposition universelle de 1900
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https://doi.org/10.11588/diglit.24807#0044

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

fondement pénétré des enseignements de la Chine, n’a pu dessiner
ces contours délicats, s’amuser à la mièvrerie de ce voile transparent.
La manière de l’école Thang, à laquelle Kanaoka se rattache, ne se
retrouve pas dans ces peintures. Une raison plus sérieuse en rend
d’ailleurs l’authenticité suspecte : c’est que, selon toute probabilité,
il n’existe plus un seul Kanaoka. Les œuvres diverses qu’on lui
attribue diffèrent à ce point, sont si visiblement ni de la môme
époque, ni du meme style, qu’il est impossible d’ajouter foi aux
traditions. Les plus remarquables, les plus anciennes aussi, pré-
sentent cependant un caractère commun. Dans deux ou trois des
kakémonos exposés, ce caractère se retrouve. Il définit déjà les
influences qui, au xe siècle, transforment la peinture.

Le plus significatif est le portrait presque monochrome du
prêtre qui rêve, les yeux clos, par Kakuchô1 (ixe siècle). La dignité,
la noblesse de cette figure d’ascète sont inexprimables. Un trait
ferme et large comme les plombs d’un vitrail dessine les contours,
les ondulations graves des draperies. La couleur est subordonnée
au rythme des fortes lignes simples et calmes. C’est dans la gran-
deur austère de cette ample ordonnance d’espaces et de courbes
que réside la beauté de ce portrait autant que dans l’expression
surhumaine de rêve qui illumine cette figure aux yeux fermés.
L’art ici est sensiblement celui de nos vitraux, moins la couleur;
la grandeur hiératique est pareille, l’équilibre des surfaces sem-
blable. Et dans l’En-ma-Ten, d’un maître inconnu du xe (xie?) siècle,
nous voyons toute la splendeur du vitrail même. Déjà le dessin
s’est affiné : la couleur se répand en illuminations roses, en lueurs
mystérieuses à l’intérieur des traits amincis : la noblesse sculpturale,
la spiritualité profonde du vieux prêtre, ne se voient plus dans la
figure lunaire de ce dieu féminin, qui trône sur le taureau mystique,
à la main la crosse bouddhique surmontée d’une tête coupée. Mais
à la beauté architecturale de l’œuvre de Kakuchô est venue s’ajouter
la chaude beauté d’une coloration nouvelle plus ardente que les
harmonies subtiles ou fraîches des œuvres antérieures. Isolées ou

1. Un autre portrait de prêtre, assis sur un trône, a été exposé sous le nom
de Kakuchô. Cette œuvre, d’inspiration chinoise, de coloration étrange et violente,
d’un dessin ferme, mais aigre et sec, est probablement du xii-xni“ siècle. Elle
diffère totalement du portrait dont nous parlons, qui nous paraît une des rares
œuvres authentiques du ixe siècle. Rien ne prouve d’ailleurs que cette dernière
soit de la main même de Kakuchô; elle pourrait fort bien être d’un autre maître
de cette époque.
 
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