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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 25.1901

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Nr. 1
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Marx, Roger: La décoration et les industries d'art, 3: les arts à l'Exposition universelle de 1900
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https://doi.org/10.11588/diglit.24807#0092

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

de son imagination et de sa science à toutes les métamorphoses de
la matière. Volontiers il dirait, avec Pierre Leroy, l’ancien garde du
métier : « Les orfèvres sont aussi essentiellement joailliers qu'ils
sont nécessairement orfèvres. »

Et c’est bien vraiment un orfèvre que M. René Lalique, si pal-
la on indique que les dons du coloriste, du plasticien et de l’archi-
tecte lui sont simultanément dévolus. Le sens inné de la construction
se vérifie à souhait par la logique avec laquelle s’ordonnance toute
parure. L’ébauchoir à la main, ce statuaire du bijou prête à la
glyptique les fiers accents de la grande sculpture. Telle figurine mi-
gnonne, tel médaillon, tel bas-relief, offrent, dans leur minusculité,
la souplesse du modelé le plus vivant. La diaprure des gemmes, les
oxydations du métal, l’émail translucide ou peint, champlevé ou
cloisonné, lui constituent une palette aux mille nuances, dont il tire
des harmonies exquises. Tant do peines et tant de soins touchent
d’autant plus qu’ils aboutissent à proclamer l’humilité de la matière
devant l’art. L’intérêt de la pierre se mesure seulement à l’aide que
sa tache ou ses feux peuvent fournir; souvent, elle ne tient qu’un
rôle de comparse; de toute manière, son haut prix n’est plus de
rien ; bien mieux, M. Lalique réhabilite ses silex méconnus, dédai-
gnés; en dépit du préjugé, il les incorpore dans ses joyaux, et
avec tant de bonheur que les plus communs prennent un prestige
inouï.

Depuis l’épingle, l’agrafe, la boucle, jusqu’à la broche et la
bague, jusqu’au pendant, au collier, au diadème, il n’est pas un
bijou que M. René Lalique n’ait rénové; il en a restauré d’oubliés,
comme la plaque, les devants de corsage et les « bracelets de
manches » ; il en a même créé, le jour où il a élevé au rang des joyaux
le peigne que seuls les Japonais avaient eu souci d’embellir avant
lui; il s’est distrait à faire œuvre d’argentier dans des surtouts, des
coupes, des drageoirs, des cendriers blasonncs de chardons. De l’une
à l’autre de ces inventions le souvenir erre, sollicité par les images
de ce monde fantastique et réel où le visage s’auréole de chevelures
ondoyantes et fleuries, où le corps voile et dévoile capricieusement
sa souple nudité, où l’être humain se mue en insecte, en feuillage,
tandis que plus' loin les chauves-souris volètent parmi les étoiles de
diamant, que les cygnes glissent en silence sur l’opale des eaux, que
des poissons se tordent dans dès flots d’émail ou que des serpents
crispés vomissent de leur gueule béante des chapelets de pierreries...

Pour consacrer par l’estampe l’un d’entre ces joyaux, la
 
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