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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
vaient, dans une certaine mesure, répandre le goût des choses
anciennes et donner à l’archéologie, auprès du grand public, une
apparence de science pratique et d’utilité. Aujourd’hui, il est peut-
être temps de se détacher de ces conceptions quelque peu roman-
tiques, pour envisager de près la réalité.
En somme, les artistes du moyen âge, si grands, si scrupuleux
qu’ils fussent dans l’exécution de leur grande sculpture monumen-
tale, ont toujours traité les détails d’ameublement d’une façon plus
ou moins fantaisiste, ne respectant presque jamais les lois les plus
élémentaires de la perspective. Aussi nous est-il presque impossible
aujourd’hui de restituer d’une façon admissible des objets qui, à
coup sûr, ont existé, mais dans des formes restées toujours pour
nous à peu près inconnues, ou du moins très difficiles à reconstituer.
Il faut se résoudre, en histoire comme en archéologie, à rencontrer
des lacunes tout à tait impossibles à combler, et ce que nous en
disons ici n’est pas particulier à-l’histoire de l’art français. En
réalité, nous ne connaissons pas le mobilier du moyen âge autre-
ment que par les textes, et toute restitution demeure presque impos-
sible. Nous n’avons comme spécimens du mobilier que quelques
portes sculptées et un certain nombre de stalles conçues suivant une
formule unique. C’est peu, assurément, pour écrire dans son en-
semble un long chapitre de l’histoire de la civilisation.
Dans une exposition comme celle du Petit Palais, on ne pouvait
songer à faire figurer de ces décorations architecturales qui se trouvent
dans certaines églises françaises. Tout au plus a-t-on pu représenter
l’ancien bois sculpté, tel qu’il a existé en France au moyen âge,
depuis le xnc siècle, par quelques fragments très clairsemés. C’est
déjà quelque chose assurément, que d’avoir amené à Paris ces
fameuses portes de la cathédrale du Puy, plutôt champlevées que
sculptées et qui, très probablement dans leur ensemble, représentent
assez bien le style de la décoration mobilière adoptée au xue siècle
dans le centre de la France. Bien entendu, des œuvres de ce genre
ne s’offrent plus à nous sous leur aspect primitif; une polychromie
assez voyante venait compléter une sculpture plutôt sommaire et
lui donner un peu de vie. Ce n’est vraiment qu’au xve siècle, et
encore dans la deuxième partie de ce siècle, que l’on peut faire
commencer d’une façon certaine l’étude du mobilier.
Ce mobilier était simple : le meuble principal, le coffre, per-
sistera presque jusqu’à nos jours sous différentes formes. Jusqu’au
xvu° siècle, il conservera son galbe ancien. Il n’est plus portatif
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
vaient, dans une certaine mesure, répandre le goût des choses
anciennes et donner à l’archéologie, auprès du grand public, une
apparence de science pratique et d’utilité. Aujourd’hui, il est peut-
être temps de se détacher de ces conceptions quelque peu roman-
tiques, pour envisager de près la réalité.
En somme, les artistes du moyen âge, si grands, si scrupuleux
qu’ils fussent dans l’exécution de leur grande sculpture monumen-
tale, ont toujours traité les détails d’ameublement d’une façon plus
ou moins fantaisiste, ne respectant presque jamais les lois les plus
élémentaires de la perspective. Aussi nous est-il presque impossible
aujourd’hui de restituer d’une façon admissible des objets qui, à
coup sûr, ont existé, mais dans des formes restées toujours pour
nous à peu près inconnues, ou du moins très difficiles à reconstituer.
Il faut se résoudre, en histoire comme en archéologie, à rencontrer
des lacunes tout à tait impossibles à combler, et ce que nous en
disons ici n’est pas particulier à-l’histoire de l’art français. En
réalité, nous ne connaissons pas le mobilier du moyen âge autre-
ment que par les textes, et toute restitution demeure presque impos-
sible. Nous n’avons comme spécimens du mobilier que quelques
portes sculptées et un certain nombre de stalles conçues suivant une
formule unique. C’est peu, assurément, pour écrire dans son en-
semble un long chapitre de l’histoire de la civilisation.
Dans une exposition comme celle du Petit Palais, on ne pouvait
songer à faire figurer de ces décorations architecturales qui se trouvent
dans certaines églises françaises. Tout au plus a-t-on pu représenter
l’ancien bois sculpté, tel qu’il a existé en France au moyen âge,
depuis le xnc siècle, par quelques fragments très clairsemés. C’est
déjà quelque chose assurément, que d’avoir amené à Paris ces
fameuses portes de la cathédrale du Puy, plutôt champlevées que
sculptées et qui, très probablement dans leur ensemble, représentent
assez bien le style de la décoration mobilière adoptée au xue siècle
dans le centre de la France. Bien entendu, des œuvres de ce genre
ne s’offrent plus à nous sous leur aspect primitif; une polychromie
assez voyante venait compléter une sculpture plutôt sommaire et
lui donner un peu de vie. Ce n’est vraiment qu’au xve siècle, et
encore dans la deuxième partie de ce siècle, que l’on peut faire
commencer d’une façon certaine l’étude du mobilier.
Ce mobilier était simple : le meuble principal, le coffre, per-
sistera presque jusqu’à nos jours sous différentes formes. Jusqu’au
xvu° siècle, il conservera son galbe ancien. Il n’est plus portatif