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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Michel, qui lui a été donné, par ordre du Roy, par M. d’Angiviller,
en présence de M. le comte de Falkenstein, qu'il a terminé sa
carrière dans la soixante et unième année de son âge. Il a assez
vécu pour sa gloire et trop peu pour en jouir aux yeux de l’Aca-
démie, de sa famille et de ses amis qui le regretteront toujours ».
Le renseignement donné par Renou ne laisse pas do doute : le
Tombeau du Dauphin a été entièrement terminé par Coustou le fils
avant sa mort. S’il fallait une confirmation, on la trouverait au
surplus dans la correspondance de Pierre avec M. d’Angiviller,
concernant les arrangements du Salon. Par une lettre du 12 août,
écrite par le directeur en accusé de réception du livret de l’expo-
sition prochaine, nous apprenons que les trophées de bronze encastrés
dans le monument n’ont pas encore reçu la dorure que l’on comptait
y appliquer, simple détail qui ne saurait autoriser un retard à
l’exposition publique de l’œuvre. D’Angiviller ajoute qu’il compte
que le tombeau sera en place avant la fin de l’année : « Il n’y a qu’à
se hâter pour les ouvriers et y en mettre plusieurs1. » Cette phrase
annule entièrement la supposition faite par M. Tarbé2, d’après
laquelle Pigalle aurait rendu à Coustou le fils, à Sens, le même
service qu’il avait déjà été appelé à rendre à l’art quand Bouchar-
don mourut laissant sa statue équestre de Louis XV inachevée.
Par sa remarquable fidélité aux grandes traditions qu’il avait
héritées, Coustou le fils a bien mérité de tout le monde de l’art. S’il
lui manqua l’énergie pittoresque de Pigalle, il échappa, d’un autre
côté, aux fausses tendances qu’une méthode consciente et raisonnée
donnait aux œuvres de Bouchardon. L’épithète de savant, qui char-
mait les protégés du comte de Caylus, ne saurait s’appliquer au
talent de Coustou ; ouvrier supérieurement habile, il a le plein
maniement de ses ressources et l’usage qu’il en fait n’est paralysé
par aucune pédanterie. IL n’est pas jusqu’à l’ennuyeux symbolisme
dont il traîne le poids dans l’exécution du tombeau du Dauphin
qu’il ne sauve, par la simplicité de ses intentions sculpturales, de
l’absurdité généralement réservée à ce genre de compositions. C’est
ainsi qu’il réussit à nous donner une touchante incarnation de la
douleur humaine dans sa gracieuse figure de l'Hymen, type de la
tristesse qu’embellissent les délicates réserves dictées par les conve-
nances aux secrètes angoisses de l’âme.
EMILIA F. S. DILKE
1. Guifîrey, Expositions du XVille siècle, p. 41.
2. Vie et Œuvres de Pigalle, p. 152.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Michel, qui lui a été donné, par ordre du Roy, par M. d’Angiviller,
en présence de M. le comte de Falkenstein, qu'il a terminé sa
carrière dans la soixante et unième année de son âge. Il a assez
vécu pour sa gloire et trop peu pour en jouir aux yeux de l’Aca-
démie, de sa famille et de ses amis qui le regretteront toujours ».
Le renseignement donné par Renou ne laisse pas do doute : le
Tombeau du Dauphin a été entièrement terminé par Coustou le fils
avant sa mort. S’il fallait une confirmation, on la trouverait au
surplus dans la correspondance de Pierre avec M. d’Angiviller,
concernant les arrangements du Salon. Par une lettre du 12 août,
écrite par le directeur en accusé de réception du livret de l’expo-
sition prochaine, nous apprenons que les trophées de bronze encastrés
dans le monument n’ont pas encore reçu la dorure que l’on comptait
y appliquer, simple détail qui ne saurait autoriser un retard à
l’exposition publique de l’œuvre. D’Angiviller ajoute qu’il compte
que le tombeau sera en place avant la fin de l’année : « Il n’y a qu’à
se hâter pour les ouvriers et y en mettre plusieurs1. » Cette phrase
annule entièrement la supposition faite par M. Tarbé2, d’après
laquelle Pigalle aurait rendu à Coustou le fils, à Sens, le même
service qu’il avait déjà été appelé à rendre à l’art quand Bouchar-
don mourut laissant sa statue équestre de Louis XV inachevée.
Par sa remarquable fidélité aux grandes traditions qu’il avait
héritées, Coustou le fils a bien mérité de tout le monde de l’art. S’il
lui manqua l’énergie pittoresque de Pigalle, il échappa, d’un autre
côté, aux fausses tendances qu’une méthode consciente et raisonnée
donnait aux œuvres de Bouchardon. L’épithète de savant, qui char-
mait les protégés du comte de Caylus, ne saurait s’appliquer au
talent de Coustou ; ouvrier supérieurement habile, il a le plein
maniement de ses ressources et l’usage qu’il en fait n’est paralysé
par aucune pédanterie. IL n’est pas jusqu’à l’ennuyeux symbolisme
dont il traîne le poids dans l’exécution du tombeau du Dauphin
qu’il ne sauve, par la simplicité de ses intentions sculpturales, de
l’absurdité généralement réservée à ce genre de compositions. C’est
ainsi qu’il réussit à nous donner une touchante incarnation de la
douleur humaine dans sa gracieuse figure de l'Hymen, type de la
tristesse qu’embellissent les délicates réserves dictées par les conve-
nances aux secrètes angoisses de l’âme.
EMILIA F. S. DILKE
1. Guifîrey, Expositions du XVille siècle, p. 41.
2. Vie et Œuvres de Pigalle, p. 152.