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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 25.1901

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Nr. 3
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Voll, Karl: Jan van Eyck en France
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https://doi.org/10.11588/diglit.24807#0237

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JAN VAN EYCK EN FRANCE

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dans la composition et dans la conception sans attaquer la valeur
extraordinaire de l'ensemble. La composition manque d’unité. Le
peintre a accordé au paysage une prépondérance inconnue dans ses
autres tableaux. Ce qu’il nous offre est un gai spectacle pour les
yeux, plein de surprises toujours nouvelles, un tour de force sans
égal ; toutefois, la clarté de la narration en souffre un peu. L’intérêt
du spectateur est beaucoup plus fortement attiré par le paysage que
par les personnages, ce qui devra nous frapper d’autant plus que le
peintre aurait dû concentrer l'attention sur le portrait du fondateur.
Admirons la linesse du travail, mais convenons qu’il y a un orgueil-
leux étalage d’artifices. Le peintre se joue de sa force comme un jeune
héros quifaitsa première campagne. Ce n’est pas la bravourcd’unrouti-
nier raffiné, car il y a quelque chose de roide dans la composition et
même dans le faire. On voit que chaque détail et chaque figure ont
été exécutés isolément. On désirerait ici un peu de l’harmonie qui
caractérise les autres tableaux de Jan. Or, ce sont là les défauts
d’un jeune artiste de génie. Si le mot n’était pas trop paradoxal,
on voudrait dire que cette œuvre magistrale manque de la maîtrise et
de la grandeur qui distinguent les tableaux de Jan peints après 1432.

C’est ce que Fromentin, dans sa pénétrante étude sur Jan
van Eyck, a reconnu. Dans son excellent livre sur Les Maîtres
d’autrefois, en parlant de la Madone du chanoine Pala, à l’Académie
de Bruges, connue aussi sous le nom de la Vierge et saint Donatien,
tableau daté de 1436, il dit : « Par la mise en scène, le style et
le caractère de la forme, de la couleur et du travail, il rappelle la
Vierge au donateur que nous avons au Louvre. Il n’est pas plus pré-
cieux dans le fini, pas plus finement observé dans le détail. Le clair-
obscur ingénu qui baigne la petite composition du Louvre, cette
vérité parfaite et cette idéalisation de toutes choses obtenue par le
soin de la main, la beauté du travail, la transparence inimitable de la
matière; ce mélange d’observation méticuleuse et de rêveries pour-
suivies à travers des demi-teintes, ce sont là des qualités supérieures
que le tableau de Bruges atteint et ne dépasse pas. Mais ici tout est
plus large, plus mûr, plus grandement conçu, construit et peint. »

Comparons un seul instant les deux Madones et nous verrons
combien ces remarques de Fromentin sont justes. La même Madone
du tableau de Rolin qui, comparée aux figures du célèbre retable de
Broederlam (peint vers 1396), semble être un morceau admirable de
peinture réaliste, est un peu pauvre quand elle est comparée à la
magnifique Madone du chanoine Pala. Et quelle différence entre les
 
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