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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
gogne ; il est donc vraisemblable que la Madone du chancelier a été
peinte en Bourgogne, comme Y Annonciation de Saint-Pétersbourg.
Il ne sera pas inutile de rappeler que ces deux œuvres, que je
crois les premières de celles de Jan qui existent encore, ont été
trouvées dans les villes voisines de Dijon et d’Autun.
Répétons encore une fois que Y Annonciation et la Madone du
chancelier sont des œuvres authentiques de Jan; la preuve en est
dans leur esprit comme dans leur facture ; il est impossible d'y
trouver le moindre élément étranger.
Les résultats de l’étude que nous venons de faire pourront jeter
quelque lumière sur l’énigmatique retable de Gand. Il porte une
célèbre inscription, dont on ne peut douter. Elle dit que Hubert,
l'aîné des deux frères van Eyck, commença l’œuvre grandiose et
que Jan, le cadet, l’acheva. Quelle est la part de chacun ?
En général, on croit que le plan du retable a été conçu par
Hubert, qui aurait peint aussi quelques grandes figures du centre,
mais que la plus grande partie de l’exécution technique est due à
Jan. Cette hypothèse s’appuyait sur le texte même de l’inscription,
qui dit que Huberto major nemo repertus erat, et que Jan était arte
secundus; elle s’appuyait aussi sur une autre hypothèse, qui voulait
que celui-ci n’eût pas encore trouvé son style avant le retable de
Gand, et qu’il ne le trouva qu’en travaillant à l’œuvre inachevée
de son frère. On se refusait à croire que l’honorable mention de
Hubert dans cette inscription n’est très probablement qu’un éloge
hyperbolique offert au -apiis manibus defuncti, comme c’était d’usage
déjà au xv° siècle.
Quoique des érudits d'une grande prudence, comme Pinchart
et Ruelens, fussent de cet avis, on continuait à s’efforcer de décou-
vrir dans Hubert un artiste plus imposant encore que Jan.
La nature de la question change dès que les deux tableaux men-
tionnés et la copie du portrait de Bonne d’Artois sont introduits
dans la discussion comme œuvres de jeunesse.
Quelle a donc été la part de Hubert au retable de Gand? Nous
n’en savons rien, et la critique la plus sagace n’a pas réussi à trouver
la moindre différence entre le procédé technique du retable et des
œuvres signées de Jan. Reste donc l’analyse du style. Elle non
plus ne peut nous éclairer mieux, ce qui ne nous surprendra plus,
puisque les peintures du Louvre et de l’Ermitage prouvent que le
style de Jan était déjà développé vers 1425. Il faut, bon gré mal gré,
s’en tenir précisément au texte de l’inscription, qui dit que Hubertus
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gogne ; il est donc vraisemblable que la Madone du chancelier a été
peinte en Bourgogne, comme Y Annonciation de Saint-Pétersbourg.
Il ne sera pas inutile de rappeler que ces deux œuvres, que je
crois les premières de celles de Jan qui existent encore, ont été
trouvées dans les villes voisines de Dijon et d’Autun.
Répétons encore une fois que Y Annonciation et la Madone du
chancelier sont des œuvres authentiques de Jan; la preuve en est
dans leur esprit comme dans leur facture ; il est impossible d'y
trouver le moindre élément étranger.
Les résultats de l’étude que nous venons de faire pourront jeter
quelque lumière sur l’énigmatique retable de Gand. Il porte une
célèbre inscription, dont on ne peut douter. Elle dit que Hubert,
l'aîné des deux frères van Eyck, commença l’œuvre grandiose et
que Jan, le cadet, l’acheva. Quelle est la part de chacun ?
En général, on croit que le plan du retable a été conçu par
Hubert, qui aurait peint aussi quelques grandes figures du centre,
mais que la plus grande partie de l’exécution technique est due à
Jan. Cette hypothèse s’appuyait sur le texte même de l’inscription,
qui dit que Huberto major nemo repertus erat, et que Jan était arte
secundus; elle s’appuyait aussi sur une autre hypothèse, qui voulait
que celui-ci n’eût pas encore trouvé son style avant le retable de
Gand, et qu’il ne le trouva qu’en travaillant à l’œuvre inachevée
de son frère. On se refusait à croire que l’honorable mention de
Hubert dans cette inscription n’est très probablement qu’un éloge
hyperbolique offert au -apiis manibus defuncti, comme c’était d’usage
déjà au xv° siècle.
Quoique des érudits d'une grande prudence, comme Pinchart
et Ruelens, fussent de cet avis, on continuait à s’efforcer de décou-
vrir dans Hubert un artiste plus imposant encore que Jan.
La nature de la question change dès que les deux tableaux men-
tionnés et la copie du portrait de Bonne d’Artois sont introduits
dans la discussion comme œuvres de jeunesse.
Quelle a donc été la part de Hubert au retable de Gand? Nous
n’en savons rien, et la critique la plus sagace n’a pas réussi à trouver
la moindre différence entre le procédé technique du retable et des
œuvres signées de Jan. Reste donc l’analyse du style. Elle non
plus ne peut nous éclairer mieux, ce qui ne nous surprendra plus,
puisque les peintures du Louvre et de l’Ermitage prouvent que le
style de Jan était déjà développé vers 1425. Il faut, bon gré mal gré,
s’en tenir précisément au texte de l’inscription, qui dit que Hubertus