234
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
lilas pâle, délicieux. Vers le soir, quand la vallée est déjà plongée
dans l’ombre, les sommets des hautes montagnes restent assez long-
temps éclairés et comme caressés par les derniers reflets du soleil, et
tout concourt à l’impression de calme, de force et de grâce qui se
dégage de cette nature grandiose.
Ce coin intime el. peu connu l’emporte de beaucoup, comme
pittoresque, sur les trop célèbres gorges d’Ollioules avec leurs roches
bizarres, et même sur les beautés, très réelles cependant, de la
vallée du Gapeau, qui, à partir de Belgentier jusqu’aux ruines de la
Chartreuse de Montrieux perdues dans la montagne, devient de plus
en plus farouche. On devine et l’on entend plus qu’on ne le voit le
torrent qui gronde au fond de ravines abruptes, dérobé aux regards
par l’épais fouillis d’une luxuriante végétation. Mais, à mesure qu’on
s’élève vers ces altitudes, le climat a conservé son âpreté en cette
saison et, avec une température plus tiède, le littoral présente une
végétation plus précoce et plus riche. A celui qui cherche, en dehors
des chemins battus, une nature à la fois pittoresque et respectée, la
presqu’île de Giens, située en face d’IIyères, offre encore une retraite
privilégiée. L’étroite chaussée, longue d’une dizaine de kilomètres,
qui relie cette presqu’île à la terre ferme, a suffi jusqu’à présent pour
la mettre à l’abri du gros des touristes et lui conserver son caractère.
Entre les Salins des Pesquiers et la rade de la Badine, la roule plate
et droite s’allonge au milieu de plantes rabougries, des perce-pierres,
des buissons épineux, des roseaux et des touffes innombrables
d’asphodèles qui commencent à fleurir. Quelques saules, des pins
trapus, des tamaris secoués par le vent, se pressent au bord des
mares. A droite, la vue s’étend vers Toulon sur les montagnes du
Faron et du Coudon qui dominent la contrée ; à gauche, vers le cap
Bénat, la mer et les Iles d'or : Porquerolles, Port-Cros et Pile du
Levant qui se perd au loin dans la brume. Le hameau de Giens borne
en face l’horizon, avec son modeste clocher, les ruines d’un vieux
château et quelques maisons groupées en amphithéâtre. Avant d’y
arriver, vous découvrez sur la pente méridionale un ensemble
important de constructions neuves et un grand parc planté de beaux
arbres, qui descend jusqu’à la mer. C’est le magnifique sanatorium
si intelligemment installé par la ville de Lyon pour recueillir les
enfants malades ou convalescents et qui, du nom d’un de ses fonda-
teurs, s’appelle l’hospice Sabran. De la petite place du village, sur
laquelle se trouvent, avec l’église, les deux auberges décorées du
titre pompeux de « grands hôtels », le regard embrasse les deux
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
lilas pâle, délicieux. Vers le soir, quand la vallée est déjà plongée
dans l’ombre, les sommets des hautes montagnes restent assez long-
temps éclairés et comme caressés par les derniers reflets du soleil, et
tout concourt à l’impression de calme, de force et de grâce qui se
dégage de cette nature grandiose.
Ce coin intime el. peu connu l’emporte de beaucoup, comme
pittoresque, sur les trop célèbres gorges d’Ollioules avec leurs roches
bizarres, et même sur les beautés, très réelles cependant, de la
vallée du Gapeau, qui, à partir de Belgentier jusqu’aux ruines de la
Chartreuse de Montrieux perdues dans la montagne, devient de plus
en plus farouche. On devine et l’on entend plus qu’on ne le voit le
torrent qui gronde au fond de ravines abruptes, dérobé aux regards
par l’épais fouillis d’une luxuriante végétation. Mais, à mesure qu’on
s’élève vers ces altitudes, le climat a conservé son âpreté en cette
saison et, avec une température plus tiède, le littoral présente une
végétation plus précoce et plus riche. A celui qui cherche, en dehors
des chemins battus, une nature à la fois pittoresque et respectée, la
presqu’île de Giens, située en face d’IIyères, offre encore une retraite
privilégiée. L’étroite chaussée, longue d’une dizaine de kilomètres,
qui relie cette presqu’île à la terre ferme, a suffi jusqu’à présent pour
la mettre à l’abri du gros des touristes et lui conserver son caractère.
Entre les Salins des Pesquiers et la rade de la Badine, la roule plate
et droite s’allonge au milieu de plantes rabougries, des perce-pierres,
des buissons épineux, des roseaux et des touffes innombrables
d’asphodèles qui commencent à fleurir. Quelques saules, des pins
trapus, des tamaris secoués par le vent, se pressent au bord des
mares. A droite, la vue s’étend vers Toulon sur les montagnes du
Faron et du Coudon qui dominent la contrée ; à gauche, vers le cap
Bénat, la mer et les Iles d'or : Porquerolles, Port-Cros et Pile du
Levant qui se perd au loin dans la brume. Le hameau de Giens borne
en face l’horizon, avec son modeste clocher, les ruines d’un vieux
château et quelques maisons groupées en amphithéâtre. Avant d’y
arriver, vous découvrez sur la pente méridionale un ensemble
important de constructions neuves et un grand parc planté de beaux
arbres, qui descend jusqu’à la mer. C’est le magnifique sanatorium
si intelligemment installé par la ville de Lyon pour recueillir les
enfants malades ou convalescents et qui, du nom d’un de ses fonda-
teurs, s’appelle l’hospice Sabran. De la petite place du village, sur
laquelle se trouvent, avec l’église, les deux auberges décorées du
titre pompeux de « grands hôtels », le regard embrasse les deux