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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 25.1901

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Nr. 3
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Michel, Émile: En Provence, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24807#0254

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236

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

une foule de surprises. Mais ce premier triage vous aura, du moins,
fourni l’occasion de classer les motifs qui vous paraissent le plus
beaux, suivant vos goûts propres et suivant aussi les commodités
d’accès qu’ils présentent. Tout n’est pas rose, en effet, dans la vie
du paysagiste et, sans parler des difficultés propres à son art, il lui
faut lutter contre bien des ennemis. A Giens, notamment, il doit
compter avec le vent, qui sur toute cette côte fait rage et vous inter-
dit parfois le travail au dehors. Souvent il est impossible de
l’affronter. Un jour que je me croyais protégé contre ses assauts,
mon parasol, bien que fortement enfoncé dans le sable, fut tout à
coup enlevé à une grande hauteur par une bourrasque subite, et
pendant que je me pressais pour le rattraper dans sa chute, mon
chevalet s’abattait à son tour et je ne rejoignais ma toile, emportée
au loin, qu’après une série de cabrioles exécutées par elle et qui
avaient à peu près détruit tout le travail des jours précédents.

La courbure des arbres, les profondes découpures de la côte, les
fortes entailles faites çà et là dans les rochers, et les noms mêmes
de certains caps de la presqu’île de Giens : La Pointe des Morts, ou
celle connue sous la désignation expressive à’Escampobariou (qui
emporte les barils), attestent suffisamment la furie sauvage de la
mer et du vent dans ces parages. S’apaise-t-il un instant, les mous-
tiques, un autre fléau de Giens, se ruent sur vous et sucent jusqu’à
s’en gorger votre sang, avec un tel oubli de leur propre sécurité
qu'ils ne songent pas à fuir quand vous vous apercevez, trop tard,
hélas! de leurs morsures. Mais, au bout de quelques jours, une sorte
d’immunité résulte pour vous de l’excès même du mal, soit que vous
deveniez insensible à leurs piqûres, soit qu’ils ne trouvent plus
eux-mêmes de place intacte sur les endroits de votre corps qui leur
sont accessibles. Grâce à Dieu, du moins, ces moustiques printa-
niers ne hantent pas les habitations et, à l’inverse des zanzare de
Venise, ils respectent votre sommeil.

On oublie bien vite ces petits ennuis quand le temps est suppor-
table et qu’on peut jouir des beautés du lieu. La nature, en effet,
est ici d’une extrême richesse. Du côté du Nord, des chemins en
pente conduisent aux étangs, à la plage basse bordée de pins et de
tamaris. On a en face de soi llyères, avec ses villas et ses hôtels étagés
en gradins, la pointe de Carqueiranne, entre deux collines, la cime du
Loudon, et à, peine séparée du rivage, une petite île, la Redonne,
servant d hôpital à quelques moutons qui, grâce à l’efficacité des
herbes aromatiques qu ils y broutent, se guérissent de leurs maladies.
 
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