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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 25.1901

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Nr. 3
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Michel, Émile: En Provence, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24807#0258

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

habituels de la peinture ; d’autres, qui cependant vous frappent vive-
ment, ont besoin d’être interprétées avant de devenir saisissables et
de faire des tableaux. Telles sont, par exemple, ces vues plongeantes
qui, dans la réalité, à Gieus surtout, ont un charme extrême et tirent
des contrastes où elles se présentent à vous les séductions les plus
imprévues.

Au sortir même du village, le panorama de cette espèce de
conque formée par les pentes qui s’abaissent vers la mer, la vaste
étendue de celte mer, la sinuosité de ses rivages, les profils heureux
du Grand Ribaud et de Porquerolles, tout, dans cette perspective àia
fois ouverte et circonscrite, semble combiné pour produire en vous
une impression de sérénité, de douceur et de calme infini.

A quelques pas de là, au contraire, c’est une sensation de
sauvagerie, d’agitations violentes et de menaces qui vous saisit en
longeant l’étroit sentier au-dessous duquel, presque à pic, la mer,
qui bat furieusement les rochers, vous montre ses gouffres profonds,
ses mystérieuses transparences, l’écrin de ses colorations éclatantes,
ses flots d’azur et d’émeraude traversés par de grandes stries vio-
lacées, les grandes algues brunes ou vertes qui en tapissent le fond.

Dans les deux cas, ces impressions, pourtant si vives, comment
les exprimer, alors que le terrain, au premier plan, se dérobe et fuit
sous vos pieds? Cette image du vide, comment la rendre? Quels
sont les accidents à la fois admissibles et pas trop convenus, pas
trop artificiels, qui vous permettront de donner à votre composition
un soutien, d’en faire un tableau? Ce n’est évidemment qu’à force
d’observation et d’étude que vous trouverez, dans la nature elle-
même, les éléments nécessaires pour résumer quelques-uns des
aspects vraiment typiques de cette contrée.

Un portrait, si habile qu’il fût, n’y suffirait pas, et il convient à
la fois de mettre là beaucoup d’art dans l’ordonnance et de cacher
de son mieux cet art, en évitant ces moyens factices, ces repous-
soirs peu dissimulés, qui s’étalaient avec un cynisme inconscient
dans le paysage académique.

Si parfois de tels arrangements se présentent à vous sponta-
nément dans la réalité, ou si, de hasard, votre esprit vous les
suggère, le plus souvent, au contraire, il faut tourner longtemps
autour des choses, les voir et les revoir, avant de découvrir le
meilleur parti qu’on en peut tirer. C’est donc un profit assuré que
de revenir à diverses reprises dans des stations déjà pratiquées. 11
est difficile, en effet, dans un premier séjour, de bien comprendre le
 
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