CONQUÊTES ARTISTIQUES DE LA RÉVOLUTION ET DE L’EMPIRE 259
le chicana, par exemple, sur son logement du Louvre, que Ton voulait lui retirer
à partir du 1er août et qu’il ne pouvait livrer que le 13.
Sur le registre de correspondance du Musée, ces volumes en parchemin vert
remplis de si curieux documents, Lavallée écrivit de sa main, aussitôt la desti-
tution reçue, ces simples lignes qui semblent terminer l’histoire du Musée révo-
lutionnaire :
Le Secrétaire général du Musée Royal ayant été destitué par lettre de Monsieur le
comte de Pradel, Directeur général du Ministère de la Maison du Roi, en date du 31 mai,
reçue le 2 juin au soir, il a arrêté sa correspondance avec le ministère et s’est occupé
de suite de la reddition des comptes à Monsieur le chevalier de Senonnes, nommé pour
le remplacer.
Le 3 juin 1816, au matin.
Lavallée.
L’ordre était d’oublier.
Lavallée, en partant, ne faisait que suivre Joachim Le Breton, secrétaire de
la classe des Beaux-Arts depuis la fondation de l’Institut, chassé de son poste
pour avoir prononcé, dans la séance du 28 octobre 1815, un fier discours tout à
la gloire des armées révolutionnaires.
Le comte de Forbin remplaça Dcnon ; Quatremère de Quincy, compère de
Canova, prit le fauteuil de Joachim Le Breton et M. de Senonnes les fonctions de
Lavallée.
On rendait de temps en temps — jusqu’en 1829 — quelques toiles, un
marbre, un bibelot. On faisait aussi de petits achats. Le Musée, autrefois brillant
de chefs-d’œuvre, paraissait morne à ses anciens habitués, les Géricault, les Gros,
les Delacroix. Nul n’osait y élever la voix, tout bruit rappelant la gloire du passé
y étant mal vu.
La Restauration commença l’ère des conservateurs indifférents, qui ont fait
tant de mal à nos collections nationales.
Cependant si, comme je n’en doute pas, Denon, Lavallée et Visconti se pro-
mènent maintenant parmi les dieux de l’Olympe, dont ils soignèrent si religieu-
sement les belles images peintes et sculptées, ils ont dû accepter dans leur
compagnie les Champollion, les de Clarac, les Villot, les Courajod. Ainsi feront-
ils aussi pour les Heuzey, les Pottier, les Molinier, quand l’heure de l’éternel repos
sonnera pour eux.
CHARLES SAUNIER
le chicana, par exemple, sur son logement du Louvre, que Ton voulait lui retirer
à partir du 1er août et qu’il ne pouvait livrer que le 13.
Sur le registre de correspondance du Musée, ces volumes en parchemin vert
remplis de si curieux documents, Lavallée écrivit de sa main, aussitôt la desti-
tution reçue, ces simples lignes qui semblent terminer l’histoire du Musée révo-
lutionnaire :
Le Secrétaire général du Musée Royal ayant été destitué par lettre de Monsieur le
comte de Pradel, Directeur général du Ministère de la Maison du Roi, en date du 31 mai,
reçue le 2 juin au soir, il a arrêté sa correspondance avec le ministère et s’est occupé
de suite de la reddition des comptes à Monsieur le chevalier de Senonnes, nommé pour
le remplacer.
Le 3 juin 1816, au matin.
Lavallée.
L’ordre était d’oublier.
Lavallée, en partant, ne faisait que suivre Joachim Le Breton, secrétaire de
la classe des Beaux-Arts depuis la fondation de l’Institut, chassé de son poste
pour avoir prononcé, dans la séance du 28 octobre 1815, un fier discours tout à
la gloire des armées révolutionnaires.
Le comte de Forbin remplaça Dcnon ; Quatremère de Quincy, compère de
Canova, prit le fauteuil de Joachim Le Breton et M. de Senonnes les fonctions de
Lavallée.
On rendait de temps en temps — jusqu’en 1829 — quelques toiles, un
marbre, un bibelot. On faisait aussi de petits achats. Le Musée, autrefois brillant
de chefs-d’œuvre, paraissait morne à ses anciens habitués, les Géricault, les Gros,
les Delacroix. Nul n’osait y élever la voix, tout bruit rappelant la gloire du passé
y étant mal vu.
La Restauration commença l’ère des conservateurs indifférents, qui ont fait
tant de mal à nos collections nationales.
Cependant si, comme je n’en doute pas, Denon, Lavallée et Visconti se pro-
mènent maintenant parmi les dieux de l’Olympe, dont ils soignèrent si religieu-
sement les belles images peintes et sculptées, ils ont dû accepter dans leur
compagnie les Champollion, les de Clarac, les Villot, les Courajod. Ainsi feront-
ils aussi pour les Heuzey, les Pottier, les Molinier, quand l’heure de l’éternel repos
sonnera pour eux.
CHARLES SAUNIER