L'ISLAM MONUMENTAL DANS L’INDE DU NORD 283
inconnus, était déjà bien auparavant une énigme vénérable. Des
légendes la protégeaient qui, malgré leur caractère hétérodoxe,
devaient impressionner un homme d’Orient. On rapportait que le
pilier sacré perçait la tête de Saher-Nag, le roi serpent, dont les
convulsions, si on le délivrait, ébranleraient la terre. Les Nagas,
divinités moitié hommes et moitié serpents, appartiennent aux plus
antiques traditions aborigènes : j’ai vu qu’on leur rend hommage
encore au bord des sources du Kashmir, leurs dernières retraites.
Ainsi le culte des nymphes ne disparut qu’au moyen âge des pays
chrétiens. Le musulman dut redouter quelque djinn formidable,
respecta le Pilier de Fer, en fit le centre du parvis de sa mosquée,
tandis qu’alentour vingt-sept temples idolâtres s'écroulaient, afin
de fournir leurs colonnes au liivân du nouveau sanctuaire.
On a déchiffré les inscriptions du pilier ; elles n’ont fait qu’en
reculer le mystère. Les paroles obscures ont déroulé des noms de
rois fabuleux. Mais c’est toujours le même lyrisme confiant en la
mémoire des hommes et l’éternité vigilante. Quel est donc ce prince
« qui a nagé à travers les sept bouches de l’Indus, vaincu les
Balhikas en bataille, les brises de sa prouesse portant toujours
l’encens sur la face des mers du Sud ? » On ne sait. L’érudition
balbutie des syllabes barbares. Le reste a péri.
La mosquée primitive s’éleva selon le plan majestueux et
simple des premiers édifices musulmans de ce genre : une cour
rectangulaire, fermée par des galeries à colonnes ; une fontaine au
milieu, en mémoire du puits sacré de la Kaaba, où s’étancha la soif
d’Ismaël ; au centre du mur oriental, vers la Mecque, le mihrab, la
niche vide, éloquemment vide, merveilleusement expressive de
mystère et d’abstraction, vers laquelle se tourne le fidèle, et qui
fait de chaque mosquée, selon les mots si justes de M. AL Gayet,
« à quelque distance qu’elle en soit, le vestibule d’un temple unique ».
De même qu’à Jérusalem les musulmans prirent pour le
Koubbat-el-Sakkra — le Dôme du Rocher — des colonnes de temple
antique, ils firent à Delhi et Ajmere porter le toit aujourd’hui
absent de leurs liwâns par des piliers sculptés hindous, bouddhistes
ou jaïns. On en compte douze cents. Quelques-uns sont restés
debout, offrant toute la richesse tributaire de leur décor où, dans des
endroits peu exposés, quelques formes animales et humaines ont
échappé au marteau fanatique. J’y ai remarqué, entre autres, sur
un pilier à segments cannelés et sculptés, des motifs de sirènes
d’un caractère grec très prononcé, rappelant la facture de ces bas-
inconnus, était déjà bien auparavant une énigme vénérable. Des
légendes la protégeaient qui, malgré leur caractère hétérodoxe,
devaient impressionner un homme d’Orient. On rapportait que le
pilier sacré perçait la tête de Saher-Nag, le roi serpent, dont les
convulsions, si on le délivrait, ébranleraient la terre. Les Nagas,
divinités moitié hommes et moitié serpents, appartiennent aux plus
antiques traditions aborigènes : j’ai vu qu’on leur rend hommage
encore au bord des sources du Kashmir, leurs dernières retraites.
Ainsi le culte des nymphes ne disparut qu’au moyen âge des pays
chrétiens. Le musulman dut redouter quelque djinn formidable,
respecta le Pilier de Fer, en fit le centre du parvis de sa mosquée,
tandis qu’alentour vingt-sept temples idolâtres s'écroulaient, afin
de fournir leurs colonnes au liivân du nouveau sanctuaire.
On a déchiffré les inscriptions du pilier ; elles n’ont fait qu’en
reculer le mystère. Les paroles obscures ont déroulé des noms de
rois fabuleux. Mais c’est toujours le même lyrisme confiant en la
mémoire des hommes et l’éternité vigilante. Quel est donc ce prince
« qui a nagé à travers les sept bouches de l’Indus, vaincu les
Balhikas en bataille, les brises de sa prouesse portant toujours
l’encens sur la face des mers du Sud ? » On ne sait. L’érudition
balbutie des syllabes barbares. Le reste a péri.
La mosquée primitive s’éleva selon le plan majestueux et
simple des premiers édifices musulmans de ce genre : une cour
rectangulaire, fermée par des galeries à colonnes ; une fontaine au
milieu, en mémoire du puits sacré de la Kaaba, où s’étancha la soif
d’Ismaël ; au centre du mur oriental, vers la Mecque, le mihrab, la
niche vide, éloquemment vide, merveilleusement expressive de
mystère et d’abstraction, vers laquelle se tourne le fidèle, et qui
fait de chaque mosquée, selon les mots si justes de M. AL Gayet,
« à quelque distance qu’elle en soit, le vestibule d’un temple unique ».
De même qu’à Jérusalem les musulmans prirent pour le
Koubbat-el-Sakkra — le Dôme du Rocher — des colonnes de temple
antique, ils firent à Delhi et Ajmere porter le toit aujourd’hui
absent de leurs liwâns par des piliers sculptés hindous, bouddhistes
ou jaïns. On en compte douze cents. Quelques-uns sont restés
debout, offrant toute la richesse tributaire de leur décor où, dans des
endroits peu exposés, quelques formes animales et humaines ont
échappé au marteau fanatique. J’y ai remarqué, entre autres, sur
un pilier à segments cannelés et sculptés, des motifs de sirènes
d’un caractère grec très prononcé, rappelant la facture de ces bas-