LA GALERIE DE M. RODOLPHE KANN
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C’est par Rembrandt que M. Kann commençait, il y a une ving-
taine d’années à peine, à former le premier noyau de cette galerie.
Admirateur passionné du maître, il n’a pas cessé de rechercher ses
œuvres, et il ne possède pas moins de onze peintures du grand artiste.
Bien que, pour la plupart, elles datent de la dernière période de sa
vie, elles donnent la plus haute idée de la souplesse, de la variété
et de la grandeur de son génie. Grâce àia libéralité du propriétaire —
et bien qu’il ne se résigne qu’à regret à se séparer d’elles — quel-
ques-unes de ces œuvres sont déjà connues du public pour avoir
figuré à des expositions, telles que celle des Portraits de femmes et
d’enfants, faite il y a quelques années à Paris, ou celle des œuvres
de Rembrandt, organisée en 1898 à Amsterdam à l’occasion de
l’avènement de la jeune reine de Hollande. Tels sont : le délicieux
Portrait de Titus van R//n, le fils du peintre (1655) ; la petite étude
d’après une vieille femme (1657), et celte autre Vieille se coupant
les oiigles (1658), qui, en dépit de sa vulgaire occupation, semble la
grandiose apparition de quelque sibylle antique ; ou bien encore le
Pilate se lavant les mains, avec sa physionomie louche et son riche
accoutrement, et ce beau Portrait d'une femme tenant un œillet dont
M. Maurice Kann, le frère du possesseur, a acquis le pendant. Le
grand portrait d'un lettré ou d’un philosophe, dans lequel on a
cru, bien à tort, reconnaître le poète Hoof't, un vieillard coiffé d’un
grand chapeau à larges bords, et vêtu d’un costume noir sur lequel
est jetée une houppelande blanche et légère, est une œuvre capitale
et singulièrement expressive, où le peintre a pris plaisir à mettre
une fois de plus ce buste d’Homère, épave de ses anciennes collec-
tions, qu’il avait pu sauver de sa faillite et qui lui était ainsi dou-
blement cher. La petite étude de vieillard, dont M. Léon Bonnal
possède une variante, a été faite pour le Saint Matthieu du Louvre et
atteste, dans sa rapide et énergique concision, toute la sûreté et la
franchise avec lesquelles Rembrandt interprétait la nature. Une
autre élude, d’après Hendrikje Stolfels, la fidèle compagne du maître,
avec son visage fouetté de bistre et de vermillon, ses yeux péné-
trants et son costume fauve et or, est d’une exécution non moins
sommaire, mais pleine à la fois de violences brutales et de char-
mantes délicatesses. C’est également en vue d’études pour la figure
et le type du Christ, dont il était particulièrement préoccupé à cette
époque, que Rembrandt a peint avec plus de soin cette petite tète de
jeune homme, d’une expression si touchante, et que l’élévation et la
droiture morale de la vie illuminent d’une beauté supérieure. Dans
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C’est par Rembrandt que M. Kann commençait, il y a une ving-
taine d’années à peine, à former le premier noyau de cette galerie.
Admirateur passionné du maître, il n’a pas cessé de rechercher ses
œuvres, et il ne possède pas moins de onze peintures du grand artiste.
Bien que, pour la plupart, elles datent de la dernière période de sa
vie, elles donnent la plus haute idée de la souplesse, de la variété
et de la grandeur de son génie. Grâce àia libéralité du propriétaire —
et bien qu’il ne se résigne qu’à regret à se séparer d’elles — quel-
ques-unes de ces œuvres sont déjà connues du public pour avoir
figuré à des expositions, telles que celle des Portraits de femmes et
d’enfants, faite il y a quelques années à Paris, ou celle des œuvres
de Rembrandt, organisée en 1898 à Amsterdam à l’occasion de
l’avènement de la jeune reine de Hollande. Tels sont : le délicieux
Portrait de Titus van R//n, le fils du peintre (1655) ; la petite étude
d’après une vieille femme (1657), et celte autre Vieille se coupant
les oiigles (1658), qui, en dépit de sa vulgaire occupation, semble la
grandiose apparition de quelque sibylle antique ; ou bien encore le
Pilate se lavant les mains, avec sa physionomie louche et son riche
accoutrement, et ce beau Portrait d'une femme tenant un œillet dont
M. Maurice Kann, le frère du possesseur, a acquis le pendant. Le
grand portrait d'un lettré ou d’un philosophe, dans lequel on a
cru, bien à tort, reconnaître le poète Hoof't, un vieillard coiffé d’un
grand chapeau à larges bords, et vêtu d’un costume noir sur lequel
est jetée une houppelande blanche et légère, est une œuvre capitale
et singulièrement expressive, où le peintre a pris plaisir à mettre
une fois de plus ce buste d’Homère, épave de ses anciennes collec-
tions, qu’il avait pu sauver de sa faillite et qui lui était ainsi dou-
blement cher. La petite étude de vieillard, dont M. Léon Bonnal
possède une variante, a été faite pour le Saint Matthieu du Louvre et
atteste, dans sa rapide et énergique concision, toute la sûreté et la
franchise avec lesquelles Rembrandt interprétait la nature. Une
autre élude, d’après Hendrikje Stolfels, la fidèle compagne du maître,
avec son visage fouetté de bistre et de vermillon, ses yeux péné-
trants et son costume fauve et or, est d’une exécution non moins
sommaire, mais pleine à la fois de violences brutales et de char-
mantes délicatesses. C’est également en vue d’études pour la figure
et le type du Christ, dont il était particulièrement préoccupé à cette
époque, que Rembrandt a peint avec plus de soin cette petite tète de
jeune homme, d’une expression si touchante, et que l’élévation et la
droiture morale de la vie illuminent d’une beauté supérieure. Dans