DOI issue:
Nr. 5
DOI article:Scheikévitch, S.: Adam Elzheimer: ses gravures originales - une eau-forte inédite
DOI Page / Citation link:https://doi.org/10.11588/diglit.24807#0428
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
si révolutionnaire et capricieux, vit presque exclusivement d’im-
pressions hâtives et momentanées, et fuit tout ce qui demande à être
approfondi avant d’être admiré? Ne voit-on pas, de nos jours, dédai-
gner les productions d’art qui ont enthousiasmé des générations
entières, nos pères et nos grands-pères, et qui trouvent à peine
quelques foyers hospitaliers où s’abriter? A Paris, la ville des
Marolles et des Mariette, on ne peut presque plus trouver de gra-
vures anciennes chez les marchands d’estampes. Dans les ventes,
tout ce qui n’est pas joli ou gracieux passe en lots. Les belles gra-
vures anciennes, ces admirables impressions, vont se nicher dans
quelque sombre boutique, entassées en monceaux de documents
de toutes sortes, pleines de poussière, exposées aux mauvais traite-
ments et à la perte définitive, si le hasard ne les fait tomber entre
les mains de quelque fidèle.
C’étaient là mes pensées, un soir que je revenais d’une excursion
aux boutiques d’estampes de la rive gauche de la Seine. Rentré chez
moi, je m’étais mis à examiner et à classer un petit lot de gravures
que je n’avais pu regarder à mon aise dans l’obscurité du local où je
les avais acquises. A la table de travail, éclairé par une bonne
lumière, je repassais une à une ces pièces, lorsque, arrivé à une des
plus pclites, d’une fraîcheur et d’un brillant admirables, je m’ar-
rêtai. Elle représentait un effet de lumière dans un paysage de nuit.
La manière hardie, le goût dans l’arrangement et l’effet vigoureux
du clair-obscur me frappèrent. Evidemment, j’étais en présence d’un
maître du xvne siècle, un précurseur de Rembrandt. Je fixai mes
regards sur le clair-obscur transparent de cette petite pièce, dans
cette nuit qui avait cependant une perspective lumineuse, et sur les
nuages noirs je découvris une inscription. Elle portait: A. Elzheimer f.
C’était vraiment une eau-forte originale de ce maître charmant, qui,
à Rome, faisait les délices de tous les artistes italiens et étrangers, de
cet « Adamo da Francfort Tedesco » qui, par ses petits tableaux, a créé
cet ari nouveau dont parlent ses biographes Baglione et Sandrart...
Pour bien se rendre compte de l’importance de cette heureuse
trouvaille, il faut se rappeler la place d’Elzheimer dans l’art du
xvnc siècle, la rareté et le petit nombre d’eaux-fortes originales qui
lui sont attribuées.
Adam Elzheimer, né à Francfort-sur-le-Mein en 1578, a été
étudié par la critique d’art moderne et spécialement par M. W. Bode.
C était un des artistes allemands, peu nombreux d’ailleurs, qui, au
commencement du xvnc siècle, se firent une place à part par leurs
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
si révolutionnaire et capricieux, vit presque exclusivement d’im-
pressions hâtives et momentanées, et fuit tout ce qui demande à être
approfondi avant d’être admiré? Ne voit-on pas, de nos jours, dédai-
gner les productions d’art qui ont enthousiasmé des générations
entières, nos pères et nos grands-pères, et qui trouvent à peine
quelques foyers hospitaliers où s’abriter? A Paris, la ville des
Marolles et des Mariette, on ne peut presque plus trouver de gra-
vures anciennes chez les marchands d’estampes. Dans les ventes,
tout ce qui n’est pas joli ou gracieux passe en lots. Les belles gra-
vures anciennes, ces admirables impressions, vont se nicher dans
quelque sombre boutique, entassées en monceaux de documents
de toutes sortes, pleines de poussière, exposées aux mauvais traite-
ments et à la perte définitive, si le hasard ne les fait tomber entre
les mains de quelque fidèle.
C’étaient là mes pensées, un soir que je revenais d’une excursion
aux boutiques d’estampes de la rive gauche de la Seine. Rentré chez
moi, je m’étais mis à examiner et à classer un petit lot de gravures
que je n’avais pu regarder à mon aise dans l’obscurité du local où je
les avais acquises. A la table de travail, éclairé par une bonne
lumière, je repassais une à une ces pièces, lorsque, arrivé à une des
plus pclites, d’une fraîcheur et d’un brillant admirables, je m’ar-
rêtai. Elle représentait un effet de lumière dans un paysage de nuit.
La manière hardie, le goût dans l’arrangement et l’effet vigoureux
du clair-obscur me frappèrent. Evidemment, j’étais en présence d’un
maître du xvne siècle, un précurseur de Rembrandt. Je fixai mes
regards sur le clair-obscur transparent de cette petite pièce, dans
cette nuit qui avait cependant une perspective lumineuse, et sur les
nuages noirs je découvris une inscription. Elle portait: A. Elzheimer f.
C’était vraiment une eau-forte originale de ce maître charmant, qui,
à Rome, faisait les délices de tous les artistes italiens et étrangers, de
cet « Adamo da Francfort Tedesco » qui, par ses petits tableaux, a créé
cet ari nouveau dont parlent ses biographes Baglione et Sandrart...
Pour bien se rendre compte de l’importance de cette heureuse
trouvaille, il faut se rappeler la place d’Elzheimer dans l’art du
xvnc siècle, la rareté et le petit nombre d’eaux-fortes originales qui
lui sont attribuées.
Adam Elzheimer, né à Francfort-sur-le-Mein en 1578, a été
étudié par la critique d’art moderne et spécialement par M. W. Bode.
C était un des artistes allemands, peu nombreux d’ailleurs, qui, au
commencement du xvnc siècle, se firent une place à part par leurs