458
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Lyon, d’une table à coiffer en marqueterie et de la précieuse table à
ouvrage en acajou offerte à la reine, en 1781, par M. de Fontanieu,
intendant du mobilier de la Couronne. Bien que le nom de M. de
Fontanieu figure seul dans la dédicace gravée sur la garniture de
bronze de ce bijou, il n’est pas très difficile d’y reconnaître l'inter-
vention de l’ébéniste Riesener et du ciseleur Gouthière. Mais offi-
ciellement l’administration procure parfois de ces surprises : ce
joyau est de M. de Fonlanieu. Heureusement que les deux artistes
qui Font créé avaient un style et un talent assez reconnaissables ; et
eux n’avaient point besoin de graver leur signature, ils n’avaient
qu’à imprimer à une œuvre leur inimitable talent pour la faire
reconnaître de tous.
Ce petit coin intime fera peut-être pardonner aux organisateurs
deces salles bien des erreurs; en tout cas, il leur attirera beaucoup
de sympathies, et je le dis ici au risque de passer pour fat, ce qui
n’est pas mon cas.
Mais si le règne de Louis XVI a été aimable, il s’est montré aussi
fastueux que le grand roi lui-même dans l’expression de certaine par-
tie de son mobilier. Le retour au style de Boulle en est un symptôme ;
il importait de montrer ce côté de l’art de la fin du xviii0 siècle. Il est
très certain qu’à cette époque le style classique, revenu à la mode
depuis de longues années déjà, a hésité entre deux orientations assez
différentes en somme. Adopterait-on dans toutes ses conséquences,
même en les poussant aux dernières limites, l’art néo-classique mis
à la mode par Gabriel et les archéologues ; adopterait-on, au con-
traire, un style classique très mitigé, très francisé, tel qu'avait été
celui de l’époque de Louis XIV ? Étant donné les idées philoso-
phiques du moment, l’orientation de la peinture et de l’architecture,
il n’était pas douteux que le sentiment presque universel devait se
prononcer pour l’adoption du premier programme. Mais, un moment
toutefois, tout fut à la Louis XIV, au style Louis XIV, plus sec sans
doute que le style du xvne siècle, mais dont certaines parties étaient
copiées, surmoulées même sur des spécimens authentiques. De ce
mouvement sont sortis les meubles de Levasseur qui ont pris place
dans la Galerie d’Apollon, et les gaines du même artiste qui alternent
avec les meubles de Carlin et de Bennemann, dans la dernière salle
consacrée au mobilier français. Une telle orientation, même momen-
tanée dans le style de l’époque de Louis XVI, autorisait, au point de
vue des tentures, tous les solécismes. Et par pénurie de tapisseries
caractéristiques de l’époque de Louis XVI, autant que par désir de
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Lyon, d’une table à coiffer en marqueterie et de la précieuse table à
ouvrage en acajou offerte à la reine, en 1781, par M. de Fontanieu,
intendant du mobilier de la Couronne. Bien que le nom de M. de
Fontanieu figure seul dans la dédicace gravée sur la garniture de
bronze de ce bijou, il n’est pas très difficile d’y reconnaître l'inter-
vention de l’ébéniste Riesener et du ciseleur Gouthière. Mais offi-
ciellement l’administration procure parfois de ces surprises : ce
joyau est de M. de Fonlanieu. Heureusement que les deux artistes
qui Font créé avaient un style et un talent assez reconnaissables ; et
eux n’avaient point besoin de graver leur signature, ils n’avaient
qu’à imprimer à une œuvre leur inimitable talent pour la faire
reconnaître de tous.
Ce petit coin intime fera peut-être pardonner aux organisateurs
deces salles bien des erreurs; en tout cas, il leur attirera beaucoup
de sympathies, et je le dis ici au risque de passer pour fat, ce qui
n’est pas mon cas.
Mais si le règne de Louis XVI a été aimable, il s’est montré aussi
fastueux que le grand roi lui-même dans l’expression de certaine par-
tie de son mobilier. Le retour au style de Boulle en est un symptôme ;
il importait de montrer ce côté de l’art de la fin du xviii0 siècle. Il est
très certain qu’à cette époque le style classique, revenu à la mode
depuis de longues années déjà, a hésité entre deux orientations assez
différentes en somme. Adopterait-on dans toutes ses conséquences,
même en les poussant aux dernières limites, l’art néo-classique mis
à la mode par Gabriel et les archéologues ; adopterait-on, au con-
traire, un style classique très mitigé, très francisé, tel qu'avait été
celui de l’époque de Louis XIV ? Étant donné les idées philoso-
phiques du moment, l’orientation de la peinture et de l’architecture,
il n’était pas douteux que le sentiment presque universel devait se
prononcer pour l’adoption du premier programme. Mais, un moment
toutefois, tout fut à la Louis XIV, au style Louis XIV, plus sec sans
doute que le style du xvne siècle, mais dont certaines parties étaient
copiées, surmoulées même sur des spécimens authentiques. De ce
mouvement sont sortis les meubles de Levasseur qui ont pris place
dans la Galerie d’Apollon, et les gaines du même artiste qui alternent
avec les meubles de Carlin et de Bennemann, dans la dernière salle
consacrée au mobilier français. Une telle orientation, même momen-
tanée dans le style de l’époque de Louis XVI, autorisait, au point de
vue des tentures, tous les solécismes. Et par pénurie de tapisseries
caractéristiques de l’époque de Louis XVI, autant que par désir de