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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 25.1901

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Nr. 6
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Tourneux, Maurice: Le premier salon du XXe siècle, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24807#0490

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462

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

ment, les meilleures volontés se découragent, et la lassitude des
yeux et des jambes ne permet à personne de conserver une équitable
notion des choses. Encore le simple curieux en est-il quitte pour
une migraine et peut-il se promettre de ne point recommencer ;
mais lorsqu’on a pris l’engagement de trier, dans cette immense
foire, ce qui mérite de retenir le regard, il faut opérer à tout prix
une sélection qui ne s’impose pas du premier coup à l’esprit. A la
Société Nationale, dont l’inauguration a devancé de huit jours celle
de sa rivale, le nombre relativement restreint d’œuvres exposées et
la discrétion du décor sur lequel elles se détachent permettent de
faire assez vile ce débrouillement préliminaire; mais une première
promenade à travers le Salon des Artistes français est Time des plus
cruelles fatigues que puisse s’imposer un critique soucieux de tenir
scs promesses. La crudité de la lumière, le rapprochement dos sujets
les plus disparates, le reluisant des cadres tout battant neufs, l’éclat
des glaces que, celle année, beaucoup d’artistes ont adoptées pour
combattre la pernicieuse influence de la poussière sur le vernis, et,
plus encore que ces détails matériels, la sensation obsédante cl per-
manente du « déjà vu », sont autant de motifs qui retardent celle
sélection et provoquent de passagères injustices. Au bout de quelques
visites, cependant, la vision se fait plus nette, les yeux se détournent
d’eux-mêmes des déplaisantes machines qui les avaient tout d’abord
offusqués et découvrent telle page dont ils n’avaient pas jusqu’alors
soupçonné l’existence.

Je voudrais épargner au lecteur la peine que chacun de ceux
qui tiennent une plume en pareille occurrence a dû prendre et ne
lui parler que de ce qui semble avoir quelque chance de durée. A
deux ou trois exceptions près, les maîtres, ou si ce mot, tant de fois
prodigué de nos jours, paraît trop ambitieux, les chefs de la pha-
lange académique ne brillent pas cette année d’un bien vif éclat et
quelques-uns d’entre eux pourraient entonner le Solve senescentem.
Leurs disciples s’attardent dans des allégories ou des réminiscences
mille fois traitées et dont l’exécution matérielle, si habile qu’elle
soit, ne rachète pas la navrante banalité. Penser qu’à la fin d’un
siècle comme celui dont nous sortons, des peintres se trouvent
encore pour évoquer Eros, Psyché, Sapho, Clytie, Andromède,
Bacchus, les faunes, les nymphes et les satyres, ou bien encore
Adam et Ève, Caïn et Abel, Job, le lévite d’Éphraïm, etc., ne don-
nerait pas une idée fort rassurante de ce que sera l’ère où nous
entrons, si des signes certains de rajeunissement et de transforma-
 
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