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— 42 —

abstraite; l'allégorie n'étant pas une science
mais bien une fantaisie, on est forcé d'admet-
tre la création telle quelle est.

Le dessin est d'une extrême énergie ; il dé-
passe assez souvent les bornes de notre com-
préhension et quelquefois dans les ligures et
la contorsion des membres, cette énergie de-
vient grimacière. La grandeur de Michel-Ange
et le tourmenté du Mantegna, se produisent
involontairement à la mémoire du spectateur;
c'est l'exhubérance de l'idée, c'est l'excès de la
force, c'est le colosse qui a une arme trop
petite pour ses mains et qui la réduit en piè-
ces. A voir l'œuvre de Cornélius on se prend
à demander si les moyens humains étaient suf-
fisants pour un pareil créateur et si les res-
sources matérielles étaient bien à la hauteur
de la puissance de son àme.

Pourbien juger d'une pareille individualité
il importe de se dégager de toute préoccupa-
tion systématique, ce qui devient de plus en
plus difficile. Pour ceux qui se font de l'art une
idéeimmatérielle, Cornélius est un Dieu. Pour
ceux qui ne voient dans l'art qu'une spéculation
ayant pour objet de reproduire ce qui est,
Cornélius n'est rien. Il n'y a pas de milieu,
c'est tout ou ce n'est rien.

Quant à nous, l'hésitation n'est pas possi-
ble. Cornélius s'est efforcé, dans le milieu où
il s'est trouvé, à réaliser la pensée divine,
c'est-à-dire qu'il n'a pas voulu faire brutale-
ment de l'histoire, de la religion, de la philo-
sophie pour frapper et éblouir les yeux. Non,
mille fois non, il a embrassé l'esprit universel
des choses, il a suivi Vidée et la loi de la vie,
il agrandi nos cœurs, il a élevé nos âmes,
car nul ne peut analyser son œuvre sans
éprouver de soudaines palpitations, nul ne
petit comprendre son œuvre sans se sentir
soulevé de terre comme s'il montait vers le
ciel.

Gloire à lui !

Cornélius a eu des funérailles dignes de lui.
Le 9 Mars à 11 h. du matin, ses restes mortels
ont été conduits à leur demeure dernière.
Dans la chapelle ardente se trouvait en tête
du cercueil son dernier ouvrage où rien ne
trahissait la main de l'octogénaire : la des-
cente du St. Esprit et le baptême, cartons
pour le Campo-Santo.

Parmi les personnes qui ont suivi le convoi
on a remarqué le représentant du Roi, comte
von Redern, le ministre des cultes von Muhler,
le ministre d'état von Bethmann-Hollweg,
l'université de Berlin était représentée par le
recteur général Dr Langenbeck, accompagné
de beaucoup d'autres professeurs, l'académie
des Beaux-arts par presque tous ses membres
berlinois et le sénat académique, les artistes
berlinois en grand nombre et les élèves de
l'académie, une députation de la magistrature

berlinoise, tous les chevaliers résidants de
l'ordre civil du mérite dont Cornélius était
chancelier, une députation de l'académie de
Dusseldorf, le statuaire Knoll, de Munich,
envoyé par les artistes de cette ville et par la
confédération artistique allemande, le prince
Boguslaw Radziwill, le président de la cour,
D'Snethlage, plusieurs savants ecclésiastiques
et civils, ainsi qu'un grand concours de peuple.

Dans la chambre mortuaire un discours a
été prononcé par le prévôt de Ste Hedwige,
le révérend abbé Karker. Au moment ou le
cerceuil fut soulevé on vit à côté des plus jeu-
nes artistes un grand nombre de vétérans, des
branches de palmier à la main se ranger au-
tour du char funèbre. A la suite venaient les
équipages de la cour. Au cimetière catholique
de la Liesenslrasse le corps fut déposé dans
le caveau de la famille, à côté de celui de son
père et de sa sœur. Après les prières le sta-
tuaire Knoll improvisa quelques phrases plei-
nes d'enthousiasme et d'éloquence et déposa
au nom des artistes allemands une couronne
de lauriers sur la tombe de l'illustre mort.
Après lui, le curé Frege, de Schôneberg,
adjura la bénédiction divine de féconder la
semence que Cornélius avait répandue à plei-
nes mains, de descendre sur le peuple alle-
mand , sur les sciences et sur l'art de la patrie
allemande tout entière. Puis l'on se retira en
jetant un dernier adieu à cette grande dépouille
qui avait renfermé une âme si vaillante.

Voici la lettre que le Roi de Prusse a adressée
à la jeune veuve (î) du célèbre artiste :

« J'ai appris, en y prenant une part sincère,
» par votre annonce du 6 de ce mois, le décès
« de votre époux et je prie celle qui est plon-
» gée dans une profonde douleur d'être assu-
» rée combien mon cœur y participe. L'art
» national pour lequel l'homme illustre a tra-
» vaille sans relâche et avec tant de succès
» depuis sa première jeunesse jusque dans
» l'âge le plus avancé, subit par le départ du
» grand maître une lourde perte, mais ses
» œuvres sont un durable témoignage de ce
» qu'il a accompli et parmi les plus grands
» des artistes allemands il lui sera consacré
» un souvenir plein d'honneur. Votre douleur
» trouvera toujours un adoucissement en son-
» géant que le soir de la vie du noble artiste
» fut illuminé et embelli par votre fidèle af-
» fection. »

« Guillaume. »
S.

(Correspondance particulière.)

Cologne.

L'esprit du moyen-âge quand même, a

(i) C'est une romaine que Cornélius épousa il y a
quelques années et qui lut sa troisième femme.

poussé des cris de détresse parce qu'on n'a
pas trouvé belles toutes les productions de
l'art à cette époque hors de laquelle, selon
lui, il n'y a pas de salut. Notre temps, s'é-
crie-t-on , pour lequel le réalisme est le veau
d'or, n'est pas encore à la hauteur des inten-
tions des maîtres du moyen-âge, mais il vien-
dra une ère de béatitude où tout le monde
comprendra et appréciera ces intentions. Il
nous reste à attendre patiemment celte épo-
que prédestinée; en attendant, nous avons
du chemin à faire pour y arriver à en juger
par tout ce qui a été fait, dans ces derniers
temps, sous l'égide de l'esprit en question.
En effet, l'ornementation de plusieurs de nos
églises est au-dessous de la critique. Nous
vous avons déjà parlé de celle des Frères Mi-
neurs, autrefois dite des chevaliers à cause
des familles patriciennes qui y étaient enter-
rées. Les parois des nefs latérales étaient or-
nées d'écussons; dans le chœur se voyaient
plusieurs monuments en marbre, beaux
quoique n'appartenant pas au style primitif
de l'église; celle-ci date de la seconde moitié
du XIIIe siècle et a été bâtie, d'après la tra-
dition, par les maîtres tailleurs de pierre de
la cathédrale dans leurs heures de repos.
Qu'a-t-on fait? On a démoli tous les monu-
ments, on a badigeonné les écussons, poly-
chromé les voûtes du chœur d'une façon si
affreuse, que tout le monde sauf les ordonna-
teurs, en est prpfondément choqué; on a
vendu les stalles du chœur et même le maître-
autel dont les débris ont été employés, cette
année, au char de triomphe du roi Carnaval.
Qui le croira? Le maître-autel a été remplacé
par un autel insignifiant du style gothique
dont on rencontre le moule dans plusieurs
autres églises également défigurées par lui.
Le même vandalisme a été commis dans l'é-
glise de Ste Marie au Capitole et de Sle Marie
à Lyskirchen dont la polychromie intérieure
jure avec tout bon goût, sur le maître-autel
de l'église St. Pierre on a placé une espèce
de ciboire, un tabernacle sculpté en bois
dont les pinacles cachent, au moins pour un
tiers, un des plus beaux chefs-d'œuvre que
notre ville possède, Le Crucifiement de St.
Pierre, peint par le grand Rubens et légué à
l'église par la famille de Jabach. Et de telles
choses se font dans une ville justement fière
de sa cathédrale et qui se dit le berceau de
la renaissance du style ogival au XIXesiècle!

Notre exposition permanente n'offre, pour
le moment, rien qui soit digne d'être men-
tionné, excepté une série de têtes de femmes,
dessinées à la craie, en grandeur plus que
nature. Elles sont l'ouvrage de notre nouveau
conservateur, M. Niessen. Il les intitule les
Saintes femmes de la Bible. C'est l'œuvre d'un
grand artiste, doué d'une profonde imagina-
 
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