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— 58 —

la consécration à Paris, de telle sorte que
MM. Heilbuth, Brendel, Schlesinger, Saal,
ont beau être Prussiens ou Badois de nais-
sance, ils sont Français parle choix et par
l'adoption et Français par le talent. Ces trans-
fuges ont établi, entre leur première et leur
seconde patrie, un échange d'idées, une com-
munauté de goût qui tend de plus en plus à
effacer les caractères particuliers des diverses
écoles. Ainsi, partout aujourd'hui la peinture
d'histoire, on si vous aimez mieux la peinture
héroïque, qui, sous prétexte de grandir les
objets et les personnages, les soustrait à la
vie réelle pour les transporter dans un monde
conventionnel et factice, cette peinture fausse
que l'exemple et les conseils de David avaient
remise en honneur, semble universellement
abandonnée. Les allégories et les symboles
ne nous conviennent plus. Nos tableaux de
bataille doivent mettre sous nos yeux des
épisodes vraisemblables et attachants, et en-
core faut-il espérer que cet art officiel auquel
un vieil esprit de chauvinisme a conservé en
France un dernier asile, disparaîtra de plus
en plus de nos expositions. Si nous percions
la mythologie et l'histoire, que reste-il donc?

A aucune époque la peinture de paysage n'a
trouvé autant d'encouragements et n'a été cul-
tivée avec autant de succès que de nos jours.
En même temps si l'histoire ne nous apparaît
plus sous l'aspect épique et un peu faux qu'elle
avait pour nos pères, nous n'en aimons pas
inoins voir retracés les souvenirs des temps
passés. Nous y cherchons seulement un côté
anecdotique ou moral, humain,vrai, en un mot,
résultat des tendances critiques de notre épo-
que. Les scènes familières, l'intimité de la vie
bourgeoise, la poésie rude et sincère des tra-
vaux de la campagne nous charment par des-
sus tout; et en cela, les écoles même qui sem-
blent se soucier le moins de se soumettre à
des juges étrangers, n'échappent pas au cou-
rant général des idées.

Quant à la peinture religieuse, le siècle
auquel nous appartenons, siècle essentielle-
ment critique et savant, n'est pas lavorable à
l'expansion d'un art qui demande avant tout
un enthousiasme naïf une foi profonde et sin-
cère. Ne serait-ce pas en vainque nous regret-
terions ce qui nous échappe et faut-il faire
des efforts pour parler une langue que nous
ne connaissons plus. On traite le passé avec
respect , mais on demande à l'art, avant tout,
l'expression des sentiments, des passions ac-
tuelles, de la vie que l'on mène aujourd'hui.

L'école Belge, comme l'école française,
présente un exemple éclatant des nouvelles
tendances que nous venons de signaler. Quel-
ques-uns des plus fameux représentants de
l'art flamand n'ont pas répondu à l'appel, il
est vrai; nous n'avons ni M. Gai lait, ni M. de
Keyser, le directeur de l'Académie d'Anvers;
M. Madou s'est abstenu, ainsi que MM. Por-
taels, Slingeneyer, Dycknams, et bien d'au-
tres encore; mais examinons les œuvres
qui attirent la foule et obtiennent le succès.
Par l'importance et le mérite de leur envoi,
MM. Leys, Willems et Alf. Stevens se signa-
lent tout d'abord. M. Leys expose trois gran-
des toiles : V Institution de la Toison d'Or ; une
troupe d'hommes armés prêtant serment à un
Seigneur sur la place d'une ville; enfin une
cérémonie dont l'absence de catalogue nous

empêche de bien déterminer la signification.
Outre ces œuvres capitales, M. Leys a encore
sept autres toiles moins importantes.

M. Leys est-il un peintre d'histoire, dans
l'ancienne acception du mot? non assurément.
Il aime à relever la banalité des sujets par une
recherche d'archaïsme; la singularité et le
pittoresque des vieux costumes et des vieilles
maisons lui plaisent; mais son talent pourrait
fort bien se passer de ces raffinements un peu
prétentieux et de certaines maladresses vou-
lues; M. Leys n'en serait pas moins le premier
coloriste de l'école belge et un des maîtres qui
font aujourd'hui le plus d'honneur à la patrie
des Van Eyck. Pourquoi aussi cette affectation
de laideur dans les types des personnages?
Les paysans de Breughel sont horribles ; mais
ce sont des paysans. Je doute pour ma part
que les gentilshommes du XVIe siècle fussent
aussi déplaisants que les imagine M. Leys.
Avec de telles figures, ils n'auraient inspiré
que de l'horreur à ces types féminins si déli-
cats, si suaves même, dont M. Leys illumine
parfois quelque vieil intérieur sombre.

M. Willems expose treize tableaux. Les
mêmes qualités se retrouvent dans chacun à
des degrés différents. S'il ne remonte pas jus-
qu'au milieu du XVIe siècle, M. Willems ne
sort pas de la première moitié du XVIIe. Dans
chacun de ses tableaux vous retrouvez la même
femme, toujours aussi ravissante, avec la même
robe de satin, tantôt blanche, tantôt jaune,
tantôt noire et le même cavalier jeune et élé-
gant. M. Willems suit ses personnages dans
les diverses phases d'une vie calme et grave-
ment aristocratique. Barement il abordera un
sujet historique; mais, en tout cas, il ne con-
sentira pas à sortir de l'époque qu'il a adop-
tée; ce sera Bubens, jeune encore, recevant
la gouvernante des Pays-Bas à la porte de sa
maison. Une seule fois, M. Willems est sorti
des tons tranquilles et des nobles intérieurs;
le gentilhomme vêtu de rouge qui essaie des
épées chez un armurier, nous montre que M.
Willems pourrait, tout comme un autre, se
lancer dans les tons vigoureux et les colora-
tions éclatantes. Pourquoi ne le veut-il pas plus
souvent?

Si les compositions de M. Willems af-
fectent une grande simplicité, M. Alf. Ste-
vens parvient encore à raffiner en cela sur
M. Willems. M. Stevens prend ses modèles
dans la vie élégante de notre temps, et, pour
faire un tableau, il lui suffit d'une femme qui
va sortir et qui regarde le temps à sa fenêtre,
ou bien d'une femme qui écrit un billet, d'une
mère qui donne le sein à son entant, d'une
maîtresse de maison qui reçoit la visite d'une
amie. Si M. Stevens admet l'habillement mo-
derne, il en esquive le principal écueil; le
disgracieux vêtement masculin n'entre jamais
dans ses sujets. Les dix-huit toiles exposées
par M. Stevens, ne nous offrent que des fem-
mes, dans les toilettes les plus variées, il est
vrai, mais dans des occupations fort peu inté-
ressantes par elles-mêmes ; c'est l'esprit et l'ha-
bileté de l'exécution qui en fait tout l'attrait.
Et cette suite de dix-huit tableaux ne fatigue
point par sa monotonie, tant l'artiste a su va-
rier, les nuances délicates qui donnent tout
leur charme à ces scènes d'intérieur. Vanter
la science avec laquelle sont rendues les étoffes
et sont exécutés les accessoires, c'est, quand

on parle de M. Stevens, tomber dans un lieu
commun. Bien d'intéressant comme de com-
parer la vie bourgeoise du dix-neuvième siè-
cle, interprétée par M. Stevens, avec la dame
noble du dix-septième, comme la représente
M. Willems. Ce rapprochement tout naturel est
encore provoqué par la place assignée aux
deux artistes. La commission belge a placé
M. Willems en regard de M. Stevens, comme
pour faciliter la comparaison; elle a, de plus,
groupé l'œuvre entière de chaque artiste dans
une même travée, mesure intelligente qui met
en valeur et ajoute encore du prix à ces im-
portants envois.

Moins systématique et moins fécond que
les trois artistes que nous venons de nommer,
M. Pauwels frappe moins tout d'abord; toute-
fois, et on ne tarde pas à le reconnaître, des
qualités sérieuses, la science de l'arrange-
ment, un certain éclat de couleur, la profon-
deur du sentiment surtout, lui assurent un rang
très distingué dans l'école belge. Il est à
regretter que les Proscrits du duc d'Albe ne
figurent pas dans l'envoi de M. Pauwels. L'ar-
tiste anversois n'avait jamais, croyons-nous,
exposé aux Salons de Paris; il prend place
désormais parmi les meilleurs peintres de
genre historique et nous prouve qu'en Bel-
gique la sèveartistiqueatoujourssonancienne
vigueur.

MM. De Groux, Thomas, Bobert, Ham-
man, de Biefve, font repasser sous nos yeux
des œuvres connues et assurément recomman-
dables, mais auxquelles le voisinage des artis-
tes déjà nommés fait peut-être du tort. Deux
toiles de M. Meunier, un Enterrement de
moines et des femmes recueillant un martyr, se
distinguent par leur accent sombre et éner-
gique. Le grand Christ mort de M. Verlat
vaut mieux par l'exécution matérielle que par
l'expression. C'est ainsi qu'on n'arrive qu'à
des effets déclamatoires et forcés quand on
veut rendre des sentiments qui n'ont pas d'é-
cho dans l'âme; la science atteint encore par-
fois, chez beaucoup de nos artistes, parla gra-
vité, une certaine grandeur dans la représen-
tation des scènes bibliques; mais, presque
toujours la véritable source d'inspiration, l'é-
motion, est perdue pour nous. M. Van Lerius,
dans une scène de pillage, montrede très réelles
qualités de coloriste ; mais le mouvement de la
femme surprise par des soudards et s'élançant
dans la rue semble gauche. Onne comprend pas
tout d'abord cette scène violente; cela tient
peut-être à ce que la scène est étouffée dans
un trop petit espace, manque d'air en un
mot. Le portrait d'enfant de M. Van Lerius ne
mérite que des éloges; c'est une des meilleu-
res œuvres de l'artiste; on le remarque d'au-
tant mieux que l'école Belge n'a exposé que
peu de portraits. Plusieurs de ceux de M. De
Winne ont déjà figuré aux divers Salons de
Paris ou de Bruxelles; ils ne font que gagner
à un second examen, et, non-seulement ils met-
tent leur auteur tout à fait à la tête des pein-
tres de portraits dans l'école Belge, mais ils
font que peu d'artistes, dans les écoles étran-
gères , peuvent lutter sur ce terrain avec M.
De Winne.

Nous n'avons pas le loisir de nous arrêter à
chacune des œuvres de M. Baugniet ou de M.
Dansaert, de M. De Jonghe ou de M. Dillens.
Ces artistes rendent, vous le savez, chacun
 
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