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Journal des beaux-arts et de la littérature — 16.1874

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https://doi.org/10.11588/diglit.18911#0156
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— 152 —

lité qui va parfaitement à son pinceau ; et je
remarque que, tout en tenant compte des
détails, il conserve une solidité de ton qui
est rare assurément. Un peintre hardi, vi-
goureux, qui produit des effets puissants,
c’est bien Isidore Verheyden. Voyez plutôt
ses trois tableaux et surtout ce magnifique
Effet d'orage. Les chevaux de M. Verwée, en
peinture, valent le prix des chevaux en
chair et en os. Le ton est juste, l’effet gra-
cieux. Mais voici une brave femme qui me
plaît : c’est la Diseuse de bonne aventure de
Jules Wagner. Beaucoup d’harmonie de ton,
exécution ferme et touche hardie. La sor-
cière est fine, et les spectatrices ingénieuses.
Emile Wauters fait de la peinture large et
fine en même temps; il montre une grande
facilité de pinceau dans des conceptions éle-
vées : voir sa Tête de fantaisie et son Etude
deséchevins du tableau de Marie de Bourgogne.
Dans le N° 306, Attrappé! M. Ch. Webb
donne la preuve de ses talents qui se con-
centrent sur les tons et les nuances, sur les
détails intimes et les caractères humains.
Enfin,je termine ma liste des peintres belges,
à l’exposition de South Kensington, par un
très bon paysagiste, qui sait trahir les secrets
de la nature et les reproduire heureusement.
Je renvoie à ses Côtes de Norwége, et à sa
Matinée d'été.

Si nous examinons quelques-unes des
sculptures exposées par les artistes belges,
nous donnerons beaucoup d’éloges à M. A.-
F. Bouré pour son excellent buste du doc-
teur L***; et surtout àcette admirable Femme
de la Cervara (plâtre) de M. Louis Samain.

Parmi les gravures sur métaux,nous avons
à parler de Jean-Joseph Danse, pour son
délicieux Combat des Amazones, plateau en
fer ciselé au repoussé et incrusté. M. Gus-
tave Biot, graveur au burin, a exposé un por-
trait de la plus grande finesse et d’une
pointe exquise, c’est celui de M. Sanford,
d’après M. de Winne.

La nomenclature que je viens de tracer
est longue et sèche, et pourtant j’aurais
bien d’autres artistes à mentionner honora-
blement. Je suis à tous mes regrets de me
voir forcé de m’arrêter définitivement, en
répétant pour dernier mot que celte exhibi-
tion des produits artistiques de la Belgique
élève très haut, dans la considération géné-
rale, les artistes de cette contrée, qui est
un exemple à suivre par des nations beau-
coup plus caractérisées et possédant des
éléments infiniment plus favorables au dé-
veloppement des arts.

Dr L. R. de Sainte-Croix.

France.

Correspondance particulière.

Paris.

SOMMAIRE : Le musée d’Evreux. — La Chasse au
Nègre. — Un peintre de batailles. — Intailles et
camées.— M. Félix Martin, statuaire.— La statue
de Louis XI. — Un Saltimbanque. — La Mort
de Cléopâtre. — Saint François de Sales. -— Sunt
lacrymae.

Monsieur le Directeur,

Il y a un an, je vous entretenais h cette
même place de deux statues : celle du géné-
ral d’Andigné et celle de Mgr Darboy, le
prélat martyr. La date de ma lettre m’obli-
geait plus encore qu’une inclination naturelle
à en agir ainsi. Octobre est une époque in-
décise. Dans la nature, c’est l’automne qui
s’annonce. Quelques feuilles qui tombent, la
brume grise,les gelées blanches,et,pour faire
oublier à l’homme ces signes avant-coureurs
des mauvais jours, le soleil!...

Oui, ce soleil est beau. Ses rayons,— les derniers! —
Sur le front du Taunus posent une couronne,

Le fleuve luit; le bois de splendeurs s’environne;
Les vitres du hameau, là bas sont tout en feu;
Que c’est beau, que c’est grand, que c’est charmant,

[mon Dieu !

Ainsi parlait un soir d’automne Régina, la
douce fiancée d’Otbert dans les Burgraves
de Victor Hugo.

Si je considère la vie sociale d’après la vie
de la nature, je découvre la même indécision.
Ça et là un bruit de porte : ce sont les ate-
liers qui se rouvrent après les studieuses
excursions de nos peintres et de nos statuai-
res. Mais nulle part encore on n’est franche-
ment au travail. L’Ecole ne reprendra ses
cours que dans quelques semaines; les inau-
gurations sont ajournées, les expositions et
les ventes attendent leur saison.

Ce sont les vacances du critique. Pour une
fois, il se sent libre de choisir le sujet de sa
causerie. Rien ne s’impose à son examen!
Bonheur sans égal pour l’homme qui porte
en lui sa gerbe de souvenirs et de hautes
espérances, sans qu’il lui soit permis d’en
jamais distraire un épi.

Je vous parlerai d’un marbre qui s’en est
allé de Paris à Evreux. Ce marbre est un
groupe énergique deM. Martin : la chasse au
nègrel Un esclave terrassé par un énorme
chien que les colons appellent « limier au
sang » vient d’être arrêté dans sa fuite. Le
malheureux, pris à la gorge par son redou-
table adversaire, sent de larges griffes s’en-
foncer dans ses chairs et le voilà qui râle,
ses traits se contractent, il va mourir!

Ce vigoureux travail qui a figuré avec hon-
neur au Salon de 1873, a été acheté par
l’Etat, et M. le duc de Broglie, notre ancien
ministre, ayant demandé qu’on l’accordât au
musée d’Evreux, la direction des Beaux-Arts
s’est empressée de souscrire à la requête de
l’éminent homme d’Etat. Après avoir appré-
cié l’œuvre, nous avions le désir de connaître

l’auteur. Nous partîmes dans la direction des
Ternes.

A droite, la porte Maillot; à gauche,Cour-
celie; devant nous la campagne avec ses
bouffées d’air pur qui nous arrivent par
dessus les fortifications et nous font songer
aux caresses de la liberté.

Une maison blanche, nouvellement con-
struite, reporte notre esprit aux ruines de
1870. Nous traversons le jardin qui a les
arbres d’un parc ; nous ouvrons : un jeune
peintre nous accueille. Des Batailles, des
Intérieurs de corps-de-garde, nu Défilé mili-
taire, une Prise d’armes au pied du mont Va-
lérien, un Carabinier de la garde, animent
l’atelier tout encombré d’armures et de
harnais.

Le maître de céans est-il l’élève de Raffet?
Non, Pils le revendique au nombre de ses
meilleurs disciples. Son Carabinier, juste-
ment remarqué au Salon de 1870, lui promet
de nouveaux succès, comme peintre de ba-
tailles, quand il voudra.

Un bosquet intérieur relie l’atelier du
peintre à celui du statuaire, car notre lecteur
l’a compris, c’est chez un frère du sculpteur
que nous nous sommes arrêté d’abord.

Le statuaire est absent, la porte est close.

Une halte sous les arbres nous permettra
de patienter. Mais, décidément, nous nous
trouvons dans un milieu d’artistes. C’est un
graveur en pierres fines qui nous accoste.
La conversation s’engage, l’art en fait, tous
les frais. Etant venu pour voir, faute de
statues, nous nous contenterons d’un camée.
L’intaille ou le camée, d’ailleurs, sont-ils
autre chose que la miniature du bas-relief"?

Une figure de Diane, délicatement gravée
dans l’ivoire; une tête de Bacchante qui se
détache sur une pierre d’agate, attestent le
talent élevé de l’artiste. Ces fines œuvres
ne sont pas sans rapport, par la fermeté de
l’ensemble, avec les médailles que nous a
laissées, l’iconographie romaine. Un anneau
microscopique, souvenir aimé des fiançailles
de l’artiste, porte un Ange gardien, taillé en
creux dans l’onyx. C’est l’œuvre exquise, su-
périeure peut-être à toutes les pièces épar-
ses sur l’établi du graveur.

Mais l’atelier de sculpture s’est ouvert
depuis peu d'instants. Ne nous attardons pas,
de peur de manquer le but de notre excursion,
mais, en prenant congé, nous nous applau-
dissons de l’incident qui nous a valu de visi-
ter trois ateliers pour un.

Louis XI à Péronne, exposé au Salon de
1872, est devant nous. C’est bien là le prince
au génie méditatif que la captivité rend en-
core plus songeur. La tête, admirable de
profondeur réfléchie et de distinction, res-
tera l’une des meilleures effigies d’un roi
dont l’image a été tant de fois interprétée.

Deux sous! —Tel est le mot que ce saltim-
banque, audacieusement cambré, jette à la
foule des spectateurs dont il est entouré. De
la crànerie, de la science et beaucoup de
 
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