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de pierres qui furent les édifices de la ville ancienne au temps de sa prospérité; édifices d'édilité publi-
que : aqueducs, réservoirs, murailles d'enceinte, tours de défense et portes.
Hors des murs, on suit sans difficulté les piliers des arches, et quelques arches encore conservées
d'un aqueduc qui de la montagne, située au nord-est, menait les eaux d'une source à la ville. Il est
interrompu depuis des siècles, et les habitants, privés de cette précieuse ressource, s'approvisionnent
d'eau aux citernes, quand il y a de l'eau dans les citernes.
Après avoir tout examiné, après avoir dessiné ces vues malgré le vent froid et déplaisant qui
souffle violemment depuis deux jours, nous sortons de Choba par la porte du sud et nous suivons la
pente d'une chaîne de collines qui s'étend dans la direction et au delà de Bostra. Une heure et demie
de marche nous conduit à Slem, cité abandonnée de tout être humain, mais qui conserve encore
les ruines de deux temples dont l'élégance et la richesse sont attestées par des débris d'architecture
et de sculpture amoncelés. 11 eût été inutile de dessiner cet amas.de décombres, et je n'avais pas le
temps de copier les inscriptions. Je lègue ce soin aux voyageurs désormais avertis.
La contrée a changé d'aspect, l'interminable plaine s'accidente de vallées et de collines. Le sol pierreux
a fait place à la verdure, et une végétation abondante de chênes verts transforme cette partie du Haiiran
en un pays pittoresque. Nous marchons pendant une heure et nous arrivons au village d'Aatil, dis-
tant de Canouat d'une heure et de Suèda d'une heure et demie.
AATIL (Planche LUI, 112).
Vue générale du petit temple en ruines
Cette vieille cité est également habitée par des Druses. Le bourg moderne a assis ses quelques
maisons au pied de la hauteur la plus élevée de la chaîne de collines, et sur l'emplacement de la ville
antique qui a conservé debout deux de ses temples. L'un, très-petit, est situé au nord de la ville an-
cienne et à gauche en entrant dans le village moderne; sa disposition est particulière, mais l'amoncelle-
ment des décombres empêche de s'en rendre un compte exact, et je préfère renvoyer à la vue que j'en
ai faite d'après nature, que d'essayer de souvenir une description incompréhensible. Le voyage de
Burckhardt avait appelé notre attention sur une inscription placée derrière le temple; nous l'avons
cherchée sans la retrouver.
AATIL (Planche LUI, 1 i3).
Vue générale du grand temple en ruines.
En traversant la ville dans la direction de l'ouest, on rencontre au milieu des débris d'architecture
de plusieurs édifices antiques et des décombres d'habitations modernes, l'autre temple, plus grand et
plus riche que celui dont je viens de parler, et qui, par sa position, dominant la vaste plaine étendue à
l'ouest jusqu'aux chaînes du Liban, prend un caractère de grandeur et de pittoresque. Sa disposition
aussi est plus facile à comprendre. C'est un édifice allongé dont le portique est formé de deux colon-
nes et de deux pilastres aux extrémités, surmontés de chapiteaux corinthiens, sculptés avec un soin assez
habile. Le portique est séparé, par un mur, de la cella dans laquelle on pénétrait par une porte d'une
hauteur immense, et dont les montants formés de pilastres et de colonnes engagées, sont décorés d'une
ornementation fleurie composée de feuillages de vigne et de grappes de raisin. L'entablement, que sup-
portent encore les piliers et les colonnes, formait, entre celles-ci, une arcade qui devait ajouter à l'élé-
gance du monument. Le fait est mis hors de doute par la manière dont les ornements d'angle tournent
pour former le demi-cercle. Le mot d'élégance, appliqué à cette architecture désordonnée, demande
explication. Il y a dans toute décadence des caprices heureux qui dissimulent leurs défauts sous un effet
théâtral et sous un excès de richesse. L'architecture d'Aatil, et j'ai bien peur qu'il en soit de même de
toute l'architecture du Hauran, a ce caractère; les ornements abondent, le genre fleuri domine, les sta-
tues s'élevaient de tous côtés et dans les niches et sur les supports attachés aux colonnes; les propor-
tions déjà si allongées, trouvent des expédients pour s'allonger encore, les colonnes se dressent sur de
hauts piédestaux; c'est vraiment de l'élégance, ce qui n'empêche pas que ce ne soit de la décadence la
mieux caractérisée, et cependant c'est une autre école de décadence que celle qui régnait à Palmyre. Ici
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de pierres qui furent les édifices de la ville ancienne au temps de sa prospérité; édifices d'édilité publi-
que : aqueducs, réservoirs, murailles d'enceinte, tours de défense et portes.
Hors des murs, on suit sans difficulté les piliers des arches, et quelques arches encore conservées
d'un aqueduc qui de la montagne, située au nord-est, menait les eaux d'une source à la ville. Il est
interrompu depuis des siècles, et les habitants, privés de cette précieuse ressource, s'approvisionnent
d'eau aux citernes, quand il y a de l'eau dans les citernes.
Après avoir tout examiné, après avoir dessiné ces vues malgré le vent froid et déplaisant qui
souffle violemment depuis deux jours, nous sortons de Choba par la porte du sud et nous suivons la
pente d'une chaîne de collines qui s'étend dans la direction et au delà de Bostra. Une heure et demie
de marche nous conduit à Slem, cité abandonnée de tout être humain, mais qui conserve encore
les ruines de deux temples dont l'élégance et la richesse sont attestées par des débris d'architecture
et de sculpture amoncelés. 11 eût été inutile de dessiner cet amas.de décombres, et je n'avais pas le
temps de copier les inscriptions. Je lègue ce soin aux voyageurs désormais avertis.
La contrée a changé d'aspect, l'interminable plaine s'accidente de vallées et de collines. Le sol pierreux
a fait place à la verdure, et une végétation abondante de chênes verts transforme cette partie du Haiiran
en un pays pittoresque. Nous marchons pendant une heure et nous arrivons au village d'Aatil, dis-
tant de Canouat d'une heure et de Suèda d'une heure et demie.
AATIL (Planche LUI, 112).
Vue générale du petit temple en ruines
Cette vieille cité est également habitée par des Druses. Le bourg moderne a assis ses quelques
maisons au pied de la hauteur la plus élevée de la chaîne de collines, et sur l'emplacement de la ville
antique qui a conservé debout deux de ses temples. L'un, très-petit, est situé au nord de la ville an-
cienne et à gauche en entrant dans le village moderne; sa disposition est particulière, mais l'amoncelle-
ment des décombres empêche de s'en rendre un compte exact, et je préfère renvoyer à la vue que j'en
ai faite d'après nature, que d'essayer de souvenir une description incompréhensible. Le voyage de
Burckhardt avait appelé notre attention sur une inscription placée derrière le temple; nous l'avons
cherchée sans la retrouver.
AATIL (Planche LUI, 1 i3).
Vue générale du grand temple en ruines.
En traversant la ville dans la direction de l'ouest, on rencontre au milieu des débris d'architecture
de plusieurs édifices antiques et des décombres d'habitations modernes, l'autre temple, plus grand et
plus riche que celui dont je viens de parler, et qui, par sa position, dominant la vaste plaine étendue à
l'ouest jusqu'aux chaînes du Liban, prend un caractère de grandeur et de pittoresque. Sa disposition
aussi est plus facile à comprendre. C'est un édifice allongé dont le portique est formé de deux colon-
nes et de deux pilastres aux extrémités, surmontés de chapiteaux corinthiens, sculptés avec un soin assez
habile. Le portique est séparé, par un mur, de la cella dans laquelle on pénétrait par une porte d'une
hauteur immense, et dont les montants formés de pilastres et de colonnes engagées, sont décorés d'une
ornementation fleurie composée de feuillages de vigne et de grappes de raisin. L'entablement, que sup-
portent encore les piliers et les colonnes, formait, entre celles-ci, une arcade qui devait ajouter à l'élé-
gance du monument. Le fait est mis hors de doute par la manière dont les ornements d'angle tournent
pour former le demi-cercle. Le mot d'élégance, appliqué à cette architecture désordonnée, demande
explication. Il y a dans toute décadence des caprices heureux qui dissimulent leurs défauts sous un effet
théâtral et sous un excès de richesse. L'architecture d'Aatil, et j'ai bien peur qu'il en soit de même de
toute l'architecture du Hauran, a ce caractère; les ornements abondent, le genre fleuri domine, les sta-
tues s'élevaient de tous côtés et dans les niches et sur les supports attachés aux colonnes; les propor-
tions déjà si allongées, trouvent des expédients pour s'allonger encore, les colonnes se dressent sur de
hauts piédestaux; c'est vraiment de l'élégance, ce qui n'empêche pas que ce ne soit de la décadence la
mieux caractérisée, et cependant c'est une autre école de décadence que celle qui régnait à Palmyre. Ici
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