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Nous montons jusqu'au sommet du mamelon pour visiter l'emplacement de l'ancienne ville. 11 va là
une vingtaine de colonnes brisées, encore en place, formant un carré long. C'est probablement l'em-
placement, ce sont les restes d'un temple, dont les dispositions primitives se cachent sous la végétation
et l'exhaussement continu du sol. Les colonnes elles-mêmes sont toutes très-enterrées et n'ont plusieurs
chapiteaux. On en voit six autres, sur la pente à droite, au milieu d'un champ; elles n'appartiennent
pas au même monument, et je ne sais à quel édifice les rattacher.
Un homme du pays nous annonce que vers notre gauche il y a encore une grande quantité de co-
lonnes; en effet, en descendant de ce coté, à peu près au même niveau que le village, mais du côté
opposé du mamelon, nous trouvons les substructions d'un arc de triomphe formant l'entrée principale
de la ville et donnant accès sur une longue colonnade. Ce n'est pas magnifique, et, même dans sa
nouveauté, cette avenue, disposée sur deux largeurs différentes, se composait de colonnes dont les pro-
portions ne semblent pas plus heureuses que la matière n'est belle. Malgré les buissons et les oliviers,
nous comptons d'un côté quinze colonnes, et de l'autre côté trente-sept, suivies, plus loin, de dix autres.
Elles ont environ dix-sept pieds de hauteur, avec un entre-colonnement de huit pieds. Les deux ran-
gées sont à trente-huit pieds l'une de l'autre. Cette colonnade, la principale rue de Sebaste, s'étendait
ainsi depuis l'entrée de la ville jusqu'à l'emplacement de l'église que j'ai dessinée, c'est-à-dire sur une
longueur d'environ mille pas. Ce qu'il y a de singulier, c'est que ces colonnes n'ont pas conservé un seul
chapiteau, si bien que le soir, éclairées par la lune, se détachant en blanc sur la végétation qui les
enveloppe et les montre inégalement, elles apparaissent comme des fantômes qui, tous sans tête, s'a-
vancent processionnellement vers l'église de la Décollation de saint Jean-Baptiste.
Nous laissons Sebastieh, et, en trois heures, nous arrivons à Naplous, Néapolis ou Sichem, petite ville
précédée d'un vallon charmant, couvert d'oliviers et admirablement utilisé par le jardinage. Un petit
canal suit à mi-côte Tune des pentes, et les terres bien préparées descendent de là jusqu'au fond de la
vallée. Elles sont, pour ainsi dire, cloisonnées en petils carrés par des chaussées de terre d'un pied d'élé-
vation; de distance en distance, des conduits descendent du canal jusqu'au bas du vallon, et l'eau est
introduite dans chaque petit carré par une saignée faite au-conduit et une ouverture pratiquée dans
la chaussée. Dès que le carré est rempli, on bouche l'ouverture, on fait entrer l'eau dans le carré
suivant, et l'irrigation se continue ainsi sur toute la pente avec l'habileté traditionnelle des Arabes.
La ville de Naplous est grande et animée. S'il ne faisait pas si chaud, on se plaindrait de la boue qui,
dans les rues, remplace le pavage; mais cette boue, traversée par mille filets courants d'une onde pure,
provient d'un arrosement naturel aussi agréable, aussi utile que si quelque édile naplousien l'avait à
grands frais combiné. L'église des croisés a conservé une partie de son portail, et on reconnaît, au
milieu de sa ruine, son ancienne importance. Les habitants de cette ville sont connus pour leur ca-
ractère indépendant qui n'a d'égal que leur esprit d'intolérance. Très-souvent ils se révoltent et pillent
les caravanes. Au milieu de ces fanatiques, vivent, comme ils peuvent, quelques chrétiens, des juifs et
environ quarante familles samaritaines de cette secte juive qui ne reconnaît, comme loi sainte, que
les cinq livres de Moïse, et diffère des autres, quant à l'extérieur, en ce que les hommes se rasent la tête.
de naplous Nous quittons Naplous de grand matin. A une demi-heure de marche de la ville, sur la gauche de la
8 heures de marche, route, on nous mène, à travers champs, à un endroit où nous trouvons, au milieu d'un boulever-
10avril. sèment de ruines, un trou profond qu'on appelle Bir-Iakoub, ou le puits de Jacob. Dépourvu d'eau
aujourd'hui et complètement abandonné, ce puits n'en est pas moins un saint lieu, et, n'était la déca-
dence de toute autorité religieuse parmi les habitants chrétiens du pays, et la crainte que le fanatisme
musulman inspire aux pèlerins, il serait encore et n'aurait jamais cessé d'être un lieu vénéré. La tradition
locale s'unit ici à des données sérieuses pour affirmer que là se reposa le Sauveur, que là il s'adressa à
la Samaritaine.
Aux traditions populaires de plusieurs siècles s'était associée une église, construite par nos croisés,
qui protégeait l'approche de ce puits vénérable; l'église est tombée en ruine, et sa crypte encombrée
permet difficilement de pénétrer jusqu'au puits.
On nous montre sur une colline, à une heure de distance plus à l'est, une petite mosquée où se trouve
le tombeau de Jacob suivant les uns, le tombeau de Joseph suivant les autres, deux traditions éga-
lement apocryphes. Nous marchons huit heures durant, par une route assez mauvaise, qui tantôt monte
sur des collines rocailleuses, tantôt descend au fond des vallées, dans des gorges étroites plantées d oli-
viers et assez bien cultivées. Les villages sont nombreux et agréablement situés sur des points élevés.
Presque tous correspondent à d'anciennes positions. Il y a là matière à de longues dissertations de géo-
Nous montons jusqu'au sommet du mamelon pour visiter l'emplacement de l'ancienne ville. 11 va là
une vingtaine de colonnes brisées, encore en place, formant un carré long. C'est probablement l'em-
placement, ce sont les restes d'un temple, dont les dispositions primitives se cachent sous la végétation
et l'exhaussement continu du sol. Les colonnes elles-mêmes sont toutes très-enterrées et n'ont plusieurs
chapiteaux. On en voit six autres, sur la pente à droite, au milieu d'un champ; elles n'appartiennent
pas au même monument, et je ne sais à quel édifice les rattacher.
Un homme du pays nous annonce que vers notre gauche il y a encore une grande quantité de co-
lonnes; en effet, en descendant de ce coté, à peu près au même niveau que le village, mais du côté
opposé du mamelon, nous trouvons les substructions d'un arc de triomphe formant l'entrée principale
de la ville et donnant accès sur une longue colonnade. Ce n'est pas magnifique, et, même dans sa
nouveauté, cette avenue, disposée sur deux largeurs différentes, se composait de colonnes dont les pro-
portions ne semblent pas plus heureuses que la matière n'est belle. Malgré les buissons et les oliviers,
nous comptons d'un côté quinze colonnes, et de l'autre côté trente-sept, suivies, plus loin, de dix autres.
Elles ont environ dix-sept pieds de hauteur, avec un entre-colonnement de huit pieds. Les deux ran-
gées sont à trente-huit pieds l'une de l'autre. Cette colonnade, la principale rue de Sebaste, s'étendait
ainsi depuis l'entrée de la ville jusqu'à l'emplacement de l'église que j'ai dessinée, c'est-à-dire sur une
longueur d'environ mille pas. Ce qu'il y a de singulier, c'est que ces colonnes n'ont pas conservé un seul
chapiteau, si bien que le soir, éclairées par la lune, se détachant en blanc sur la végétation qui les
enveloppe et les montre inégalement, elles apparaissent comme des fantômes qui, tous sans tête, s'a-
vancent processionnellement vers l'église de la Décollation de saint Jean-Baptiste.
Nous laissons Sebastieh, et, en trois heures, nous arrivons à Naplous, Néapolis ou Sichem, petite ville
précédée d'un vallon charmant, couvert d'oliviers et admirablement utilisé par le jardinage. Un petit
canal suit à mi-côte Tune des pentes, et les terres bien préparées descendent de là jusqu'au fond de la
vallée. Elles sont, pour ainsi dire, cloisonnées en petils carrés par des chaussées de terre d'un pied d'élé-
vation; de distance en distance, des conduits descendent du canal jusqu'au bas du vallon, et l'eau est
introduite dans chaque petit carré par une saignée faite au-conduit et une ouverture pratiquée dans
la chaussée. Dès que le carré est rempli, on bouche l'ouverture, on fait entrer l'eau dans le carré
suivant, et l'irrigation se continue ainsi sur toute la pente avec l'habileté traditionnelle des Arabes.
La ville de Naplous est grande et animée. S'il ne faisait pas si chaud, on se plaindrait de la boue qui,
dans les rues, remplace le pavage; mais cette boue, traversée par mille filets courants d'une onde pure,
provient d'un arrosement naturel aussi agréable, aussi utile que si quelque édile naplousien l'avait à
grands frais combiné. L'église des croisés a conservé une partie de son portail, et on reconnaît, au
milieu de sa ruine, son ancienne importance. Les habitants de cette ville sont connus pour leur ca-
ractère indépendant qui n'a d'égal que leur esprit d'intolérance. Très-souvent ils se révoltent et pillent
les caravanes. Au milieu de ces fanatiques, vivent, comme ils peuvent, quelques chrétiens, des juifs et
environ quarante familles samaritaines de cette secte juive qui ne reconnaît, comme loi sainte, que
les cinq livres de Moïse, et diffère des autres, quant à l'extérieur, en ce que les hommes se rasent la tête.
de naplous Nous quittons Naplous de grand matin. A une demi-heure de marche de la ville, sur la gauche de la
8 heures de marche, route, on nous mène, à travers champs, à un endroit où nous trouvons, au milieu d'un boulever-
10avril. sèment de ruines, un trou profond qu'on appelle Bir-Iakoub, ou le puits de Jacob. Dépourvu d'eau
aujourd'hui et complètement abandonné, ce puits n'en est pas moins un saint lieu, et, n'était la déca-
dence de toute autorité religieuse parmi les habitants chrétiens du pays, et la crainte que le fanatisme
musulman inspire aux pèlerins, il serait encore et n'aurait jamais cessé d'être un lieu vénéré. La tradition
locale s'unit ici à des données sérieuses pour affirmer que là se reposa le Sauveur, que là il s'adressa à
la Samaritaine.
Aux traditions populaires de plusieurs siècles s'était associée une église, construite par nos croisés,
qui protégeait l'approche de ce puits vénérable; l'église est tombée en ruine, et sa crypte encombrée
permet difficilement de pénétrer jusqu'au puits.
On nous montre sur une colline, à une heure de distance plus à l'est, une petite mosquée où se trouve
le tombeau de Jacob suivant les uns, le tombeau de Joseph suivant les autres, deux traditions éga-
lement apocryphes. Nous marchons huit heures durant, par une route assez mauvaise, qui tantôt monte
sur des collines rocailleuses, tantôt descend au fond des vallées, dans des gorges étroites plantées d oli-
viers et assez bien cultivées. Les villages sont nombreux et agréablement situés sur des points élevés.
Presque tous correspondent à d'anciennes positions. Il y a là matière à de longues dissertations de géo-