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JÉRICHO (Planche LXXV1, 164).
Vue de la montagne de la Quarantaine, prise du haut de la tour de Jéricho.
Nous arrivons ainsi au château de l'aga, misérable tour branlante. Il y a une prédestination pour les
lieux comme pour les hommes. Les murailles de ce château moderne font songer involontairement aux
murailles de Jéricho, on s'attend à les voir s'écrouler, mais cette fois sans miracle, sans intervention di-
vine. Et cependant cette tour, ce château, prend un air majestueux au milieu des cahutes basses du mi-
sérable village.
Les habitants de Richa ou Riha, nom moderne corrompu de l'antique Jéricho, logent sous des ten-
tes ou dans des cabanes environnées de haies. Il n'y a guère en tout qu'une centaine d'âmes. Cette popu-
lation vit ou végète de la culture des terres situées entre le village et le mont de la Quarantaine. Ce sont
les terrains les plus fertiles de la plaine, parce qu'ils peuvent être arrosés par les eaux de la fontaine
d'Elisée. C'était aussi de ce côté que s'étendait l'ancienne Jéricho au temps de sa prospérité. Une eau
admirable, des jardins délicieux, ne pouvaient être négligés, évités même, que par un campement de no-
mades, qui, par prudence, se tient assez près des sources pour en profiter, assez loin pour n'être pas visité
et inquiété par tous ceux qui viennent y puiser. Aujourd'hui le campement, je n'ose pas dire le village
de Jéricho, est dans la plaine, au bout d'un petit ravin presque toujours à sec, mais qui devient torrent
dans les temps de pluie.La mer Morte en esta deux lieues, les montagnes de Judée à une lieue et demie,
le Jourdain à deux lieues, coulant lui-même à deux lieues de distance du pied des montagnes
d'Arabie.
La plaine est couverte d'arbustes. lien est d'épineux, aux petites feuilles presque rondes, qui donnent
un fruit de la grosseur d'une cerise sauvage, avec un gros noyau. Ce fruit se dessèche et se pourrit comme
la sorbe; il devient alors sucré et bon à manger. Lorsqu'il est frais, il ressemble à une petite pomme. La
végétation est autre sur les bords du Jourdain : ce sont des thuyas et une espèce d'arbres verts. De tous
côtés on nous fait remarquer un arbrisseau qui pousse en grosses touffes et qui donne le baume. Après
Pierre Rélon, il y aurait encore une belle récolte à faire pour le botaniste qui viendrait étudier et décrire
la flore et la faune de cette oasis de riche végétation. Je n'ai pas cette science; je n'ai pas même la chance
de retrouver la rose de Jéricho, que nos prédécesseurs ont cueillie, desséchée et fait épanouir au con-
tact de l'eau. Nos recherches ont une autre direction, notre attention est ailleurs.
Revenons au château de l'aga. C'est une vieille tour carrée, où il n'y a pas de logement. En bas est une
écurie qui occupe toute l'étendue du bâtiment, et, au-dessus, une vaste terrasse à laquelle on monte par
un escalier en pierre extrêmement mauvais; puis tout est dit sur la distribution des logements et dé-
pendances. Ce n'est pas compliqué. Sur cette terrasse, on a construit deux mauvaises cahutes, où une
personne seule a de la peine à se retourner; l'une de ces cabanes sert de cuisine, l'autre de chambre à
coucher pour l'aga; son divan ou salon de réception est en plein air. Nous nous établissons comme nous
pouvons, et nous n'aurions pas à nous plaindre par ce temps pur et doux, si chaque soir, au coucher
du soleil, il ne s'élevait de l'ouest un vent assez fort qui balaye sur nous, pendant notre sommeil, toute
la poussière de la terrasse. Ce vent a passé sur les montagnes arides de la Judée , échauffées par le
soleil de la journée, si bien qu'il est brûlant et nous empêche de rien garder sur nous pendant la nuit.
Du haut de celte tour, on domine la contrée à une très-grande distance. Je dessine la montagne de la
Quarantaine, qu'un immense éboulement a taillée en forme de muraille et qui fait partie de la chaîne des
montagnes de la Judée.
JÉRICHO (Planche XLV, i65).
Arabes de la plaine du Jourdain.
Au bas de la tour est une cour dans laquelle hennissent quelques chevaux attachés par le pied au pi-
quet. Dans un coin est un petit bassin que l'on remplit d'eau chaque soir en faisant une saignée aux ri-
goles qui 1 apportent de la fontaine d'Élisée; mais elle y arrive très-boueuse. C'est là que chaque soir
aussi les femmes du village viennent remplir de grandes outres, qu'elles emportent avec majesté sur leurs
têtes. Ces femmes ont pour tout vêtement une chemise bleue rayée; elles ne se couvrent pas le visage, qui
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JÉRICHO (Planche LXXV1, 164).
Vue de la montagne de la Quarantaine, prise du haut de la tour de Jéricho.
Nous arrivons ainsi au château de l'aga, misérable tour branlante. Il y a une prédestination pour les
lieux comme pour les hommes. Les murailles de ce château moderne font songer involontairement aux
murailles de Jéricho, on s'attend à les voir s'écrouler, mais cette fois sans miracle, sans intervention di-
vine. Et cependant cette tour, ce château, prend un air majestueux au milieu des cahutes basses du mi-
sérable village.
Les habitants de Richa ou Riha, nom moderne corrompu de l'antique Jéricho, logent sous des ten-
tes ou dans des cabanes environnées de haies. Il n'y a guère en tout qu'une centaine d'âmes. Cette popu-
lation vit ou végète de la culture des terres situées entre le village et le mont de la Quarantaine. Ce sont
les terrains les plus fertiles de la plaine, parce qu'ils peuvent être arrosés par les eaux de la fontaine
d'Elisée. C'était aussi de ce côté que s'étendait l'ancienne Jéricho au temps de sa prospérité. Une eau
admirable, des jardins délicieux, ne pouvaient être négligés, évités même, que par un campement de no-
mades, qui, par prudence, se tient assez près des sources pour en profiter, assez loin pour n'être pas visité
et inquiété par tous ceux qui viennent y puiser. Aujourd'hui le campement, je n'ose pas dire le village
de Jéricho, est dans la plaine, au bout d'un petit ravin presque toujours à sec, mais qui devient torrent
dans les temps de pluie.La mer Morte en esta deux lieues, les montagnes de Judée à une lieue et demie,
le Jourdain à deux lieues, coulant lui-même à deux lieues de distance du pied des montagnes
d'Arabie.
La plaine est couverte d'arbustes. lien est d'épineux, aux petites feuilles presque rondes, qui donnent
un fruit de la grosseur d'une cerise sauvage, avec un gros noyau. Ce fruit se dessèche et se pourrit comme
la sorbe; il devient alors sucré et bon à manger. Lorsqu'il est frais, il ressemble à une petite pomme. La
végétation est autre sur les bords du Jourdain : ce sont des thuyas et une espèce d'arbres verts. De tous
côtés on nous fait remarquer un arbrisseau qui pousse en grosses touffes et qui donne le baume. Après
Pierre Rélon, il y aurait encore une belle récolte à faire pour le botaniste qui viendrait étudier et décrire
la flore et la faune de cette oasis de riche végétation. Je n'ai pas cette science; je n'ai pas même la chance
de retrouver la rose de Jéricho, que nos prédécesseurs ont cueillie, desséchée et fait épanouir au con-
tact de l'eau. Nos recherches ont une autre direction, notre attention est ailleurs.
Revenons au château de l'aga. C'est une vieille tour carrée, où il n'y a pas de logement. En bas est une
écurie qui occupe toute l'étendue du bâtiment, et, au-dessus, une vaste terrasse à laquelle on monte par
un escalier en pierre extrêmement mauvais; puis tout est dit sur la distribution des logements et dé-
pendances. Ce n'est pas compliqué. Sur cette terrasse, on a construit deux mauvaises cahutes, où une
personne seule a de la peine à se retourner; l'une de ces cabanes sert de cuisine, l'autre de chambre à
coucher pour l'aga; son divan ou salon de réception est en plein air. Nous nous établissons comme nous
pouvons, et nous n'aurions pas à nous plaindre par ce temps pur et doux, si chaque soir, au coucher
du soleil, il ne s'élevait de l'ouest un vent assez fort qui balaye sur nous, pendant notre sommeil, toute
la poussière de la terrasse. Ce vent a passé sur les montagnes arides de la Judée , échauffées par le
soleil de la journée, si bien qu'il est brûlant et nous empêche de rien garder sur nous pendant la nuit.
Du haut de celte tour, on domine la contrée à une très-grande distance. Je dessine la montagne de la
Quarantaine, qu'un immense éboulement a taillée en forme de muraille et qui fait partie de la chaîne des
montagnes de la Judée.
JÉRICHO (Planche XLV, i65).
Arabes de la plaine du Jourdain.
Au bas de la tour est une cour dans laquelle hennissent quelques chevaux attachés par le pied au pi-
quet. Dans un coin est un petit bassin que l'on remplit d'eau chaque soir en faisant une saignée aux ri-
goles qui 1 apportent de la fontaine d'Élisée; mais elle y arrive très-boueuse. C'est là que chaque soir
aussi les femmes du village viennent remplir de grandes outres, qu'elles emportent avec majesté sur leurs
têtes. Ces femmes ont pour tout vêtement une chemise bleue rayée; elles ne se couvrent pas le visage, qui
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