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sèment du fleuve. Le bras occidental est le seul considérable. Il a à peu près 60 pieds de large et 4 à
5 pieds de profondeur, mais il est d'une rapidité extraordinaire. Ce bras forme encore une autre petite
île. Il nous faut décharger les mules, et les hommes se mettent à l'eau pour passer nos effets sur leurs
têtes. En moins de trois quarts d'heure, le passage est effectué. Après quoi, continuant notre route, nous
traversons le deuxième bras, qui n'a que deux ou trois pieds de profondeur, et nous montons sur une
rangée de petites collines, toutes ravinées et incultes. Nous parvenons ensuite sur un plateau traversé par
un petit ruisseau et couvert de riches moissons. A ce plateau succèdent des collines à pentes rapides,
assez élevées et tout à fait arides. Nous trouvons, sur notre chemin, un campement de Bédouins de la
tribu de notre cheik, en train de changer de place. Il est composé de 80 familles, et la beauté des cha-
meaux, leur grand nombre, les troupeaux immenses de chèvres et de moutons, les ânes bondissants et
les chevaux qui hennissent, tout le bel attirail de ces riches nomades, en un mot, nous réjouit le cœur,
en nous permettant de contempler ici la vie patriarcale comme l'a dépeinte la Bible, et non plus sous
ces haillons de misère qui en sont devenus le costume habituel et le signalement populaire. Les femmes
n'ont pas, pour s'asseoir sur les chameaux, ces grands paniers évasés formant palanquins, en usage dans
la tribu des Anezeh du côté de Palmyre; elles chargent quelques nattes, quelques tapis, puis elles
attachent par dessusdeux gros bourrelets ronds, assez grands pour envelopper la bosse du chameau. C'est
dans cette espèce de nid qu'elles s'accroupissent: de l'un d'eux, je vis sortir les têtes de deux négril-
lons et celle d'un petit cabri blanc comme la neige.
Notre marche se dirigé à l'est; mais, arrivés au sommet des montagnes, nous tournons au nord-ouest.
Le pays a changé d'aspect et de nature. Ce ne sont plus des pentes rapides et nues, mais de petits val-
lons à courbes molles, couverts d'une herbe épaisse et plantés de beaux arbres. De cette hauteur, on
jouit d'une vue magnifique sur la mer Morte et sur la plaine de Jéricho, vers laquelle descendent rapi-
dement des ravins tortueux et profonds. A la naissance de l'un d'eux, sur un petit plateau, est assis en
rond un campement d'Arabes; nous passons auprès, et, en montant entre deux hauteurs, nous découvrons
les tentes de notre cheik, et nous nous reposons à cette halte avec un plaisir qu'explique une marche de
douze heures.
GHOR MÉRIDIONAL (Planche XLIX, 166).
Dromadaires du désert.
BÉDOUINS (Planche LXXVII, 167 et 167 bis).
Bords du Jourdain, Hauran, DJeràsck, Pétra.
Grand désert de Palmyre, Arabie Pétrée.
La tribu des Adouan est divisée en trois parties, commandées chacune par un chef, l'un nommé
Suleyman, l'autre Diab, et le troisième, qui nous conduit, Fadel. Tous trois sont parents, égaux en auto-
rité et à peu près en force. Ils peuvent réunir environ mille cavaliers et une grande quantité de fantas-
sins armés de fusils et de pistolets. La population entière de la tribu est de dix à douze mille person-
nes; son territoire s'étend depuis Djerasch jusqu'au Jourdain. Ces Arabes, quoique nomades, se livrent
aussi à la culture des terres, et ils sont tout à la fois plus civilisés et plus riches que les Anezeh. Us
jouissent généralement d'une réputation de grande bravoure, et ce qui, mieux que tout détail, prouve
leur courage, c'est qu'ils sont riches et vivent cependant en paix avec toutes les tribus environnantes.
Ils récoltent du blé, du maïs, de l'orge; ils avaient essayé de semer du blé de Kerek, qui produit trois
fois plusquele blé ordinaire, mais ils y ont renoncé, croyant s'être aperçus qu'il attire les sauterelles et
qu'il fait de moins bon pain. Le cheik prélève un quart sur toutes les récoltes. L'élève des bestiaux est
une source de richesses plus abondante encore : ils vendent un grand nombre de chameaux, d'ânes, de
chèvres, de moutons, et aussi quelques chevaux.
Chaque tribu se garde militairement; elle a des tentes d'avant-poste, et ses camps communiquent entre
eux par des signaux. Dès que l'un de ces camps est attaqué, le chef fait planter sur la hauteur qui le
domine une lance avec un mouchoir au haut, et alors de tous les points on vient à son secours. Le cheik
est tout-puissant: il rend la justice, fait la paix et la guerre, reçoit les étrangers sous sa tente; c'est par
ses ordres que la tribu change de campement; enfin il désigne son propre successeur et choisit ordinaire-
sèment du fleuve. Le bras occidental est le seul considérable. Il a à peu près 60 pieds de large et 4 à
5 pieds de profondeur, mais il est d'une rapidité extraordinaire. Ce bras forme encore une autre petite
île. Il nous faut décharger les mules, et les hommes se mettent à l'eau pour passer nos effets sur leurs
têtes. En moins de trois quarts d'heure, le passage est effectué. Après quoi, continuant notre route, nous
traversons le deuxième bras, qui n'a que deux ou trois pieds de profondeur, et nous montons sur une
rangée de petites collines, toutes ravinées et incultes. Nous parvenons ensuite sur un plateau traversé par
un petit ruisseau et couvert de riches moissons. A ce plateau succèdent des collines à pentes rapides,
assez élevées et tout à fait arides. Nous trouvons, sur notre chemin, un campement de Bédouins de la
tribu de notre cheik, en train de changer de place. Il est composé de 80 familles, et la beauté des cha-
meaux, leur grand nombre, les troupeaux immenses de chèvres et de moutons, les ânes bondissants et
les chevaux qui hennissent, tout le bel attirail de ces riches nomades, en un mot, nous réjouit le cœur,
en nous permettant de contempler ici la vie patriarcale comme l'a dépeinte la Bible, et non plus sous
ces haillons de misère qui en sont devenus le costume habituel et le signalement populaire. Les femmes
n'ont pas, pour s'asseoir sur les chameaux, ces grands paniers évasés formant palanquins, en usage dans
la tribu des Anezeh du côté de Palmyre; elles chargent quelques nattes, quelques tapis, puis elles
attachent par dessusdeux gros bourrelets ronds, assez grands pour envelopper la bosse du chameau. C'est
dans cette espèce de nid qu'elles s'accroupissent: de l'un d'eux, je vis sortir les têtes de deux négril-
lons et celle d'un petit cabri blanc comme la neige.
Notre marche se dirigé à l'est; mais, arrivés au sommet des montagnes, nous tournons au nord-ouest.
Le pays a changé d'aspect et de nature. Ce ne sont plus des pentes rapides et nues, mais de petits val-
lons à courbes molles, couverts d'une herbe épaisse et plantés de beaux arbres. De cette hauteur, on
jouit d'une vue magnifique sur la mer Morte et sur la plaine de Jéricho, vers laquelle descendent rapi-
dement des ravins tortueux et profonds. A la naissance de l'un d'eux, sur un petit plateau, est assis en
rond un campement d'Arabes; nous passons auprès, et, en montant entre deux hauteurs, nous découvrons
les tentes de notre cheik, et nous nous reposons à cette halte avec un plaisir qu'explique une marche de
douze heures.
GHOR MÉRIDIONAL (Planche XLIX, 166).
Dromadaires du désert.
BÉDOUINS (Planche LXXVII, 167 et 167 bis).
Bords du Jourdain, Hauran, DJeràsck, Pétra.
Grand désert de Palmyre, Arabie Pétrée.
La tribu des Adouan est divisée en trois parties, commandées chacune par un chef, l'un nommé
Suleyman, l'autre Diab, et le troisième, qui nous conduit, Fadel. Tous trois sont parents, égaux en auto-
rité et à peu près en force. Ils peuvent réunir environ mille cavaliers et une grande quantité de fantas-
sins armés de fusils et de pistolets. La population entière de la tribu est de dix à douze mille person-
nes; son territoire s'étend depuis Djerasch jusqu'au Jourdain. Ces Arabes, quoique nomades, se livrent
aussi à la culture des terres, et ils sont tout à la fois plus civilisés et plus riches que les Anezeh. Us
jouissent généralement d'une réputation de grande bravoure, et ce qui, mieux que tout détail, prouve
leur courage, c'est qu'ils sont riches et vivent cependant en paix avec toutes les tribus environnantes.
Ils récoltent du blé, du maïs, de l'orge; ils avaient essayé de semer du blé de Kerek, qui produit trois
fois plusquele blé ordinaire, mais ils y ont renoncé, croyant s'être aperçus qu'il attire les sauterelles et
qu'il fait de moins bon pain. Le cheik prélève un quart sur toutes les récoltes. L'élève des bestiaux est
une source de richesses plus abondante encore : ils vendent un grand nombre de chameaux, d'ânes, de
chèvres, de moutons, et aussi quelques chevaux.
Chaque tribu se garde militairement; elle a des tentes d'avant-poste, et ses camps communiquent entre
eux par des signaux. Dès que l'un de ces camps est attaqué, le chef fait planter sur la hauteur qui le
domine une lance avec un mouchoir au haut, et alors de tous les points on vient à son secours. Le cheik
est tout-puissant: il rend la justice, fait la paix et la guerre, reçoit les étrangers sous sa tente; c'est par
ses ordres que la tribu change de campement; enfin il désigne son propre successeur et choisit ordinaire-