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Laborde, Léon Emmanuel Simon Joseph de [Editor]; Laborde, Alexandre Louis Joseph de [Editor]
Voyage de la Syrie — Paris, 1837

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https://doi.org/10.11588/diglit.6093#0199
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— 104 —

nous avons vu tant de ruines debout et encore majestueuses, défiant le temps, que des substruc-
tions à moitié cachées en terre, des rochers taillés en tombeaux, des colonnes éparses, ne sont plus
pour nous qu'un site antique, auquel nous attachons un nom, comme on étiquette un ballot, sans se
donner la peine de regarder ce qu'il contient. Au tournant d'un rocher, nos guides s'écrient: Voilà Sou r,
et nous voyons un petit filet blanc, quelque peu dentelé, qui s'étend dans la mer.

TYR (Planche LXXXVI, 186).

Vue de la ville, prise du milieu de l'isthme.

C'est là Tyr! Une raie blanche dans le bleu de la mer, comme sa grande destinée est une ligne dans
l'histoire. En s'approchant davantage, en arrivant au point où l'isthme se relie au continent, on
comprend mieux comment l'homme a fait tourner à son avantage un accident de la configuration du
sol. Deux îles réunies ensemble et soudées au continent ont fait une presqu'île ou une jetée, près de
laquelle s'est abrité un port. Plusieurs siècles de prospérité ont été suivis d'une décadence, qui, pour
les monuments, est pire que l'abandon. Aux troubles intérieurs et aux ennemis du dehors il faut oppo-
ser des fortifications, et on les fait avec les pierres arrachées des monuments. C'est ainsi qu'Arabes et
Chrétiens ont été les instruments de Dieu, et jamais prophétie n'a reçu plus complète réalisation que le
cri d'Ézéchiel. Déjà Aboulféda, qui assistait au sac de Tyr, pouvait se vanter de n'y pas laisser un seul
être vivant; aujourd'hui Tvr n'est plus qu'un village, et un village en ruines, un jour abandonné, un
autre jour habité, presque un campement. En s'avançant sur l'isthme, on trouve bien encore quelques
murs crénelés, quelques tours debout qui font illusion; mais le silence y parle avec la grande voix du
prophète.

SOUR (TYR) (Planche LXXXVIII, 187).

F ue d'une partie de la ville, prise du rivage.

Nous parcourons ces décombres; çà et là nous rencontrons quelques belles colonnes de granit couchées
à terre et des tronçons d'autres colonnes en marbre incrustés dans les murs ruinés des habitations. Ce
sont d'anciens témoins de la splendeur de Tyr. La cathédrale nous reporte à son évêché et à son célèbre
archevêque. Au milieu de tant de décombres, cette belle église, avec son chœur et son portail conser-
vés, semble s'efforcer de faire bonne contenance. On'dirait la mère de Niobé, restée seule au milieu de
ses enfants massacrés, levant au ciel ses yeux remplis de larmes, et demandant aide plutôt que pitié.
Tout cela est bien peu de chose en soi, ce n'est rien si on le compare au passé ; ce qui vaut plus, ce qui
domine encore l'attention du voyageur, c'est la position de Tyr. Comme, à la vue d'un squelette au fond
de son tombeau, on juge de la stature d'un homme, ainsi cette côte, souriante par l'abondance des eaux
et la richesse de la végétation, semble inviter le passant à dresser sa tente, et cette longue presqu'île
qui s'avance dans les flots, pour tendre la main aux navires chargés des trésors du monde entier,
réveille instinctivement dans l'esprit l'existence passée, et je n'en doute pas, l'existence future d'une
grande ville.

SOUR (TYR) (Planche LXXXVII, 188 et 188 bis).

Vue prise dans la ville.

On pourrait composer un livre avec l'histoire de Tyr et avec la discussion très-hypothétique de toutes
les parties des deux anciennes villes, dont l'une s'élevait sur la terre ferme, l'autre sur les îles devenues
la presqu'île; une promenade de quelques heures, des croquis faits à la hâte, ne me donneraient pas le
droit de faire ce livre.

Le 12 mai 1827, à la nuit tombante, nous nous embarquons, et au matin, avant le jour, nous fai-
sons voile pour l'Egypte, quittant ces rivages de la Syrie avec un véritable sentiment de regret, tant
nous étions habitués à notre vie nomade, tant nous avons trouvé, sur cette terre, de beautés actuelles
et de précieux souvenirs. On perd de vue, d'abord la presqu'île de Tyr, les coteaux ensuite, enfin le
Liban tout entier.
 
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