RECUEILLIS EN EGYPTE ET EN NUBIE
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larg., 0m70; épais., 0m3i. — C'est la plus moderne des cinq stèles
du Gebel-Barkal; on ne saurait la placer plus haut que la fin de
l'époque persane ou le commencement de l'époque grecque. Le
royaume de Napata avait rompu toutes relations avec l'Égypte. Les
contrées de la Nubie inférieure, entre la première et la deuxième
cataracte, étaient devenues presque désertes : les villes fondées par
les princes de la xvm" et de la xixc dynastie étaient en ruines, et
leurs temples commençaient à disparaître sous les sables. Le
royaume de Napata avait sa frontière à mi-chemin entre la pre-
mière et la seconde cataracte. Il était divisé en deux régions, comme
l'Égypte : dans le To-Qonousit se trouvaient, en remontant le
fleuve, Pnoubs, Dongoul (Dongolah), Napata, Astamouras, au con-
fluent du Nil et de l'Astaboras, Béroua enfin, la Méroé des géo-
graphes alexandrins; au delà de Béroua, on entrait dans le pays
d'Alo, qui s'étendait le long du Nil Blanc et du Nil Bleu, jusque
dans la grande plaine de Sennaar. Sur la frontière méridionale du
pays d'Alo, résidaient les Asmakh, descendants des soldats égyp-
tiens, émigrés en Ethiopie au temps de Psamitik Ier. A l'est, au
sud et à l'ouest, entre le Darfour, le massif de l'Abyssinie et la
Mer Rouge, vivaient une foule de tribus à moitié sauvages, les unes
noires, les autres blanches, de race africaine, d'autres de race
sémitique, les Behrehsa (Rhausi, Bhapsii), au sud de Béroua, entre
le Nil Bleu et le Tacazzé, les Madi ou Maditi (Mataïa, Matilae),
entre le Tacazzé et les chaînes des montagnes qui bordent la Mer.
C'est parmi ces peuplades qu'Harsiatef trouva matière à victoires
faciles. Neuf campagnes, dirigées contre elles en l'an n, ni, v, vi,
xi, xvi, xviii, xxin et xxxiv de son règne, sont racontées successi-
vement sans grands détails. « L'an vi, le 4 du mois de Shomou,
» moi, le fils du Soleil, Harsiatef, vivant à jamais, je fis convoquer
» une multitude de soldats contre les Madidi. Je les frappai dans
» leurs villes, et je fis un grand carnage parmi eux dans Labi; je
» pris leurs bœufs, leurs vaches, leurs ânes, leurs moutons, leurs
» chèvres, leurs serviteurs, leurs servantes, et c'est ta crainte
» excellente, ô Amon, qui obligea le prince des Madidi à m'envoyer
» dire : « Tu es mon dieu,, et je suis ton esclave, je ne suis qu'une
» femme. » Puis, venant vers moi, il me fit apporter la rançon
» par les mains d'un homme. Je revins, j'allai pour honorer Amon
» de Napata, mon excellent père, et je lui donnai nombre de
» bœufs. » Le butin passait presque entier aux prêtres. Sans
parler des dons qu'Harsiatef leur fit à son avènement, il restaura et
enrichit les temples des villes principales de son royaume à Napata,
à Béroua, à Gabal, à Galal, à Sahrosa, à Sakalga, à Karti (Korte), à
Mahat, à Artinaï, à Nahana, à Pkimalon, à Pnoubs.
Cette stèle a été traduite en anglais par G. Maspero, The Stèle
of Kiwj Horsiatew, dans les Records of ihe Pasl, t. VI, p. 84-96.
Planche 14. — LE CAIBE.
Stèle d'Alexandre II. Granit noir. — H., 1m8o; larg., 1m 16.
— Elle a été découverte en 1870, dans les fondations d'une petite
chambre de la mosquée Sheïkhoun, au Caire, par Mohammed
Effendi Khourshîd, surveillant en chef du Musée de Boulaq. Elle
porte une date do l'an vu d'Alexandre II, fils d'Alexandre le Grand,
et a été dédiée par Ptolémée, fils de Lagos. Le jeune prince était
déjà mort quand elle fut gravée, mais Ptolémée ne prend encore
que le titre de Satrape. « 11 avait fait sa résidence de la forteresse
» du roi Alexandre Ousirkerî-sotpniamoun Miamoun (Alexandre I")
» sur les bords de la Mer des Ioniens, dont le nom primitif était
» Rakôti, et où il avait établi beaucoup de Grecs avec leurs
» chevaux, et beaucoup de galères avec leurs soldats. S'étant
» rendu avec son armée au pays des Syriens, pendant qu'ils lui
» livraient bataille, il se jeta au milieu d'eux d'un cœur hardi,
» comme un vautour au milieu des moineaux; il les prit en une
» seule fois et emmena en Egypte leurs chefs, leurs chevaux,
» leurs vaisseaux et toutes leurs richesses. » Au retour d'une
campagne heureuse contre le canton des Ilimiti ou Iliti (cfr.
Maspero, Les Mm, dans le Recueil, t. VIII, p. 85-86), comme il
fêtait sa victoire et cherchait ce qui pouvait être agréable aux dieux
d'Egypte, un de ses conseillers lui suggéra l'idée de restituer au
temple de Bouto les biens que le roi Khabbisha avait donnés aux
dieux de cette ville, lors de sa révolte contre Darius Icret Xerxès Ior,
rois de Perse, et que les Persans avaient enlevés après la victoire.
Ptolémée y consentit à la grande joie des indigènes : la stèle se
termine par des imprécations contre quiconque essaiera do renou-
veler la spoliation.
Cette stèle a été publiée et traduite, presque au moment de la
découverte, par :
H. Brugsch-Bey, Ein Décret Ptolemaios' des Sohnes Lagi, dans
la Zcilschrift, 1871, p. 1-13 et 39-61. — Reproduit dans les Records
of the Pasl, t. X, p. 69 sqq. ;
S. Birch, On a Hiéroglyphic Tablcl of Alexander, Son of
Alcxander the Great, reœntly discovered al Cairo, clans les Transac-
tions of the Society of Riblical Archœology (Read S"* Mai 4SI4),
t. I, p. 20-27; tirage à part, 8 p.
J. Lauth a publié, en 1871, dans VAusIand, une traduction
que je n'ai pu me procurer. Le sens historique du monument a été
interprété par Wachsmuth, Ein Dekret des àgyptischen Salrapen
Ptolemaios I, dans le Rhcinisches Muséum, N. Folge, XXVI,
p. 464-399.
Planche 15. — ALEXANDRIE.
Hor sur les Crocodiles. Basalte noir. — H., 0™ 42; larg.,
0,n 24. — Le dieu est nu, la tresse sur la tempe ; au-dessus de
sa tête est posée une tête grimaçante de Bîsou. De la main droite,
il lient deux serpents, un scorpion, une gazelle ; de la main gauche,
deux autres serpenls et un lion : il foule aux pieds deux crocodiles.
Le champ de la stèle est encadré entre deux enseignes : à droite,
celle d'« Hor, le dieu grand, maître du ciel, qui exerce ses vertus
» sur l'eau, sur la terre, et qui scelle la bouche de tous les reptiles
» qui s'y trouvent;» à gauche, celle de « Nofirtoumou, qui protège
» les deux pays, scelle la bouche de tous les reptiles mordants sur
» terre, et exerce ses vertus pour Osiris en toutes ses demeures. »
Le revers est occupé par une longue abjuration au dieu : « Salut à
» toi, dieu, fils de dieu ! Salut à toi, chair, fils de chairI Salut à
» toi, taureau, fils de taureau, né d'un flanc divin I Salut à toi,
» Hor, fils d'Osiris, né d'Isis, j'ai conjuré ta puissance.....
» Chasse loin de moi tous les lions dans la montagne, tous les
» crocodiles sur le fleuve, tous les serpents, tous les seorpions,
» tous les reptiles qui mordent de leur bouche, qui piquent de leur
» queue, tous les vers qui mordent dans leurs trous, rends-les
» inoffensifs pour moi, comme les sables sur la montagne, etc. »
La stèle est donc un talisman fabriqué contre les reptiles et
contre tous les animaux nuisibles en général, lions et crocodiles.
Il peut paraître étrange qu'on ait rangé la gazelle et l'antilope
dans cette catégorie; mais nous savons, par le témoignage des
écrivains classiques, que certaines espèces d'antilopes passaient
pour changer en pierre tout ce qu'elles regardaient, et cette super-
stition suffit à expliquer la crainte qu'on avait d'elles. Notre cippe
était destiné à être placé à demeure dans une maison ou dans un
jardin. A l'époque grecque, la mode vint de fabriquer sur pierre
saponaire de petites stèles de ce type qu'on pouvait porter au cou,
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larg., 0m70; épais., 0m3i. — C'est la plus moderne des cinq stèles
du Gebel-Barkal; on ne saurait la placer plus haut que la fin de
l'époque persane ou le commencement de l'époque grecque. Le
royaume de Napata avait rompu toutes relations avec l'Égypte. Les
contrées de la Nubie inférieure, entre la première et la deuxième
cataracte, étaient devenues presque désertes : les villes fondées par
les princes de la xvm" et de la xixc dynastie étaient en ruines, et
leurs temples commençaient à disparaître sous les sables. Le
royaume de Napata avait sa frontière à mi-chemin entre la pre-
mière et la seconde cataracte. Il était divisé en deux régions, comme
l'Égypte : dans le To-Qonousit se trouvaient, en remontant le
fleuve, Pnoubs, Dongoul (Dongolah), Napata, Astamouras, au con-
fluent du Nil et de l'Astaboras, Béroua enfin, la Méroé des géo-
graphes alexandrins; au delà de Béroua, on entrait dans le pays
d'Alo, qui s'étendait le long du Nil Blanc et du Nil Bleu, jusque
dans la grande plaine de Sennaar. Sur la frontière méridionale du
pays d'Alo, résidaient les Asmakh, descendants des soldats égyp-
tiens, émigrés en Ethiopie au temps de Psamitik Ier. A l'est, au
sud et à l'ouest, entre le Darfour, le massif de l'Abyssinie et la
Mer Rouge, vivaient une foule de tribus à moitié sauvages, les unes
noires, les autres blanches, de race africaine, d'autres de race
sémitique, les Behrehsa (Rhausi, Bhapsii), au sud de Béroua, entre
le Nil Bleu et le Tacazzé, les Madi ou Maditi (Mataïa, Matilae),
entre le Tacazzé et les chaînes des montagnes qui bordent la Mer.
C'est parmi ces peuplades qu'Harsiatef trouva matière à victoires
faciles. Neuf campagnes, dirigées contre elles en l'an n, ni, v, vi,
xi, xvi, xviii, xxin et xxxiv de son règne, sont racontées successi-
vement sans grands détails. « L'an vi, le 4 du mois de Shomou,
» moi, le fils du Soleil, Harsiatef, vivant à jamais, je fis convoquer
» une multitude de soldats contre les Madidi. Je les frappai dans
» leurs villes, et je fis un grand carnage parmi eux dans Labi; je
» pris leurs bœufs, leurs vaches, leurs ânes, leurs moutons, leurs
» chèvres, leurs serviteurs, leurs servantes, et c'est ta crainte
» excellente, ô Amon, qui obligea le prince des Madidi à m'envoyer
» dire : « Tu es mon dieu,, et je suis ton esclave, je ne suis qu'une
» femme. » Puis, venant vers moi, il me fit apporter la rançon
» par les mains d'un homme. Je revins, j'allai pour honorer Amon
» de Napata, mon excellent père, et je lui donnai nombre de
» bœufs. » Le butin passait presque entier aux prêtres. Sans
parler des dons qu'Harsiatef leur fit à son avènement, il restaura et
enrichit les temples des villes principales de son royaume à Napata,
à Béroua, à Gabal, à Galal, à Sahrosa, à Sakalga, à Karti (Korte), à
Mahat, à Artinaï, à Nahana, à Pkimalon, à Pnoubs.
Cette stèle a été traduite en anglais par G. Maspero, The Stèle
of Kiwj Horsiatew, dans les Records of ihe Pasl, t. VI, p. 84-96.
Planche 14. — LE CAIBE.
Stèle d'Alexandre II. Granit noir. — H., 1m8o; larg., 1m 16.
— Elle a été découverte en 1870, dans les fondations d'une petite
chambre de la mosquée Sheïkhoun, au Caire, par Mohammed
Effendi Khourshîd, surveillant en chef du Musée de Boulaq. Elle
porte une date do l'an vu d'Alexandre II, fils d'Alexandre le Grand,
et a été dédiée par Ptolémée, fils de Lagos. Le jeune prince était
déjà mort quand elle fut gravée, mais Ptolémée ne prend encore
que le titre de Satrape. « 11 avait fait sa résidence de la forteresse
» du roi Alexandre Ousirkerî-sotpniamoun Miamoun (Alexandre I")
» sur les bords de la Mer des Ioniens, dont le nom primitif était
» Rakôti, et où il avait établi beaucoup de Grecs avec leurs
» chevaux, et beaucoup de galères avec leurs soldats. S'étant
» rendu avec son armée au pays des Syriens, pendant qu'ils lui
» livraient bataille, il se jeta au milieu d'eux d'un cœur hardi,
» comme un vautour au milieu des moineaux; il les prit en une
» seule fois et emmena en Egypte leurs chefs, leurs chevaux,
» leurs vaisseaux et toutes leurs richesses. » Au retour d'une
campagne heureuse contre le canton des Ilimiti ou Iliti (cfr.
Maspero, Les Mm, dans le Recueil, t. VIII, p. 85-86), comme il
fêtait sa victoire et cherchait ce qui pouvait être agréable aux dieux
d'Egypte, un de ses conseillers lui suggéra l'idée de restituer au
temple de Bouto les biens que le roi Khabbisha avait donnés aux
dieux de cette ville, lors de sa révolte contre Darius Icret Xerxès Ior,
rois de Perse, et que les Persans avaient enlevés après la victoire.
Ptolémée y consentit à la grande joie des indigènes : la stèle se
termine par des imprécations contre quiconque essaiera do renou-
veler la spoliation.
Cette stèle a été publiée et traduite, presque au moment de la
découverte, par :
H. Brugsch-Bey, Ein Décret Ptolemaios' des Sohnes Lagi, dans
la Zcilschrift, 1871, p. 1-13 et 39-61. — Reproduit dans les Records
of the Pasl, t. X, p. 69 sqq. ;
S. Birch, On a Hiéroglyphic Tablcl of Alexander, Son of
Alcxander the Great, reœntly discovered al Cairo, clans les Transac-
tions of the Society of Riblical Archœology (Read S"* Mai 4SI4),
t. I, p. 20-27; tirage à part, 8 p.
J. Lauth a publié, en 1871, dans VAusIand, une traduction
que je n'ai pu me procurer. Le sens historique du monument a été
interprété par Wachsmuth, Ein Dekret des àgyptischen Salrapen
Ptolemaios I, dans le Rhcinisches Muséum, N. Folge, XXVI,
p. 464-399.
Planche 15. — ALEXANDRIE.
Hor sur les Crocodiles. Basalte noir. — H., 0™ 42; larg.,
0,n 24. — Le dieu est nu, la tresse sur la tempe ; au-dessus de
sa tête est posée une tête grimaçante de Bîsou. De la main droite,
il lient deux serpents, un scorpion, une gazelle ; de la main gauche,
deux autres serpenls et un lion : il foule aux pieds deux crocodiles.
Le champ de la stèle est encadré entre deux enseignes : à droite,
celle d'« Hor, le dieu grand, maître du ciel, qui exerce ses vertus
» sur l'eau, sur la terre, et qui scelle la bouche de tous les reptiles
» qui s'y trouvent;» à gauche, celle de « Nofirtoumou, qui protège
» les deux pays, scelle la bouche de tous les reptiles mordants sur
» terre, et exerce ses vertus pour Osiris en toutes ses demeures. »
Le revers est occupé par une longue abjuration au dieu : « Salut à
» toi, dieu, fils de dieu ! Salut à toi, chair, fils de chairI Salut à
» toi, taureau, fils de taureau, né d'un flanc divin I Salut à toi,
» Hor, fils d'Osiris, né d'Isis, j'ai conjuré ta puissance.....
» Chasse loin de moi tous les lions dans la montagne, tous les
» crocodiles sur le fleuve, tous les serpents, tous les seorpions,
» tous les reptiles qui mordent de leur bouche, qui piquent de leur
» queue, tous les vers qui mordent dans leurs trous, rends-les
» inoffensifs pour moi, comme les sables sur la montagne, etc. »
La stèle est donc un talisman fabriqué contre les reptiles et
contre tous les animaux nuisibles en général, lions et crocodiles.
Il peut paraître étrange qu'on ait rangé la gazelle et l'antilope
dans cette catégorie; mais nous savons, par le témoignage des
écrivains classiques, que certaines espèces d'antilopes passaient
pour changer en pierre tout ce qu'elles regardaient, et cette super-
stition suffit à expliquer la crainte qu'on avait d'elles. Notre cippe
était destiné à être placé à demeure dans une maison ou dans un
jardin. A l'époque grecque, la mode vint de fabriquer sur pierre
saponaire de petites stèles de ce type qu'on pouvait porter au cou,