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Nicolle, Marcel [Hrsg.]
Rembrandt: aux expositions d'Amsterdam et de Londres — Paris: Librairie Paul Ollendorff, 1899

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https://doi.org/10.11588/diglit.71577#0015
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REMBRAN 1) T

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sorte la scène représentée. Dans ses portraits, surtout dans ceux de jeunes
filles, le modelé des têtes est rond, les cheveux blonds se confondent
avec les tons pâles du visage, et quoique d'une couleur exquise et d'une
clarté merveilleuse, ils donnent à ces têtes charmantes un aspect tant
soit peu conventionnel. La Leçon (l'anatomie elle-même n'est pas exempte
de pareils défauts. Le cadavre est mal dessiné, mal construit, boursouflé;
il n'a pas été peint d'après le modèle : la nature n'a été consultée que
trop légèrement. Il est éclatant de lumière, mais d'un jaune trop uni-
forme qui n'est pas vrai et qui ne participe pas des tons environnants.
Les noirs sont lourds, opaques, ne vibrent pas. Je pourrais citer d'autres
exemples. Mais pardonnons-lui ces faiblesses : quand il peignait la Leçon
d'anatomie, le jeune maître n'avait que vingt-quatre ans, et il créait un
art nouveau, un art personnel, un art presque sans précédent.
La tête du professeur Tulp est, d'ailleurs, d'une précision singulière;
de même, celles des élèves qui se penchent pour mieux saisir l'enseigne-
ment : si vraies toutes, et d'une telle énergie d'expression !
Rembrandt possède déjà à fond la science du portrait. Il connaît la
construction de la tête humaine mieux que personne; et le portrait de
Nicolas Ruts, en cette récente exposition d'Amsterdam, en témoignait
assez nettement : il a été peint un an avant la Leçon d'anatomie.
Mais les serres de l'aigle ne tardent pas à pousser; il grandit et prend
le sentiment de sa force. Douze ans plus tard, apparaît la Ronde de nuit,
le tableau le plus saisissant, le plus extraordinaire qui existe. Est-ce le
jour, est-ce la nuit que la scène se passe? Je n'en sais rien et n'éprouve
nul besoin de le savoir. Tout ce que je sais, c'est que jamais on n'a peint
avec une puissance comparable et que jamais plus on ne peindra un
tableau pareil. C'est la vie dans toute sa plénitude, ç'en est presque l'exa-
gération. Le tempérament de l'artiste s'y donne follement carrière, et
c'est avec une sorte de rage, avec une passion sans exemple dans l'his-
toire de l'art, qu'il empâte ses couleurs, qu'il exalte les oppositions des
blancs et des noirs, des lumières splendides et des ombres profondes,
pour traduire aux yeux le besoin d'éclat et de lumière qui l'enfièvre et
 
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