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Perrot, Georges; Guillaume, Edmond; Delbet, Jules
Exploration archéologique de la Galatie et de la Bithynie, d'une partie de la Mysie, de la Phrygie, de la Cappadoce et du Pont (Band 1) — Paris, 1872

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https://doi.org/10.11588/diglit.4621#0075
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— 71 —

par Strabon(l), dans l'ile mémo, et de Pandermo, sur la terre ferme, à Test de l'isthme
qui joint au continent la péninsule de Cyzique. Pandermo n'est qu'une corruption d'un
nom plus ancien, que les Grecs emploient encore quelquefois pour désigner cette localité,
Panormos, et qui remonte à la langue classique; il s'explique parfaitement par les avantages
que présente ce mouillage, au fond d'une belle rade qui n'est ouverte qu'à un seul vent, celui
du nord-est; dans la mer de Marmara, où manquent les ports naturels, un pareil abri rend
encore à la navigation de pi'écieux services. Erdek et Pandermo ne cessent de tirer des ruines
de Cyzique, inépuisable chantier, les matériaux de leurs maisons, de leurs églises, de leurs
mosquées, de leurs fontaines, de leurs tombeaux, et on ne peut imaginer combien chaque géné-
ration détruit ainsi de marbres portant des inscriptions ou des bas-reliefs. Un ouvrier turc,
d'Erdek, me montra dans sa boutique une dizaine de grandes dalles de marbre de Proconnèse,
toutes couvertes, me dit-il, d'écriture fine et serrée quand il les avait retirées de Cyzique; il
avait eu la patience de les retailler complètement et de faire disparaître, à la pointe de l'outil,
toutes les lettres grecques pour en tirer des cippes funéraires à l'usage de ses coreligionnaires.
Les gens du pays appellent maintenant Bal-kiz-séraï, « palais de Bal-kiz », les ruines de
Cyzique, ou plutôt celles d'une tour byzantine située à l'extrémité sud-ouest de l'enceinte. Bal-
kiz (mot à mot «la fille du miel»), est le nom que les Orientaux donnent à la reine de Saba,
qui joue un si grand rôle dans les récits par lesquels les amusent leurs poètes et leurs con-
teurs, et M. Texicr a retrouvé cette dénomination appliquée, sur plusieurs autres points de
l'Asie Mineure, à des restes d'anciens édifices. Quel rapport découvrir pourtant entre la reine
de Saba et le souvenir de Cyzique? De Hammer raconte, d'après un auteur oriental, que le fils
du sultan Orkhan, gouverneur de la province autrefois appelée Mysie, visitant ces ruines, sans
doute alors bien plus considérables qu'aujourd'hui, se serait extasié sur la magnificence des édi-
fices dont les débris encore imposants s'offraient à lui de toutes parts, et les aurait comparés
à ceux de Palmyre, à cette Tadmor que les traditions arabes rapportent avoir été bâtie dans le
désert par le roi Salomon pour sa noire maîtresse. Mais on peut prendre cette anecdote pour un
récit arrangé après coup, et suggéré par le désir qu'auraient eu les Turcs de se rendre compte,
à leur manière, d'un nom dont le sens leur échappait. D'après un excellent esprit, W. Martin
Leakc, qui n'a guère moins fait pour la géographie comparée de l'Asie Mineure que pour celle
de la Grèce continentale, il y aurait là une de ces méprises étymologiques comme en a beau-
coup commises la transmission populaire, et Bal-kiz ne serait autre chose qu'une altération et
une abréviation des deux mots %ala.ia KuÇucoç. Il cite plusieurs autres exemples de noms anciens
oii les Turcs ont substitué ainsi le son du B à celui du P, et Hamilton, qui avait pu aussi
vérifier le fait, adopte son explication (2). Enfin un paysan grec, avec qui je causais au milieu
des ruines de Cyzique, me fournit, sans le savoir, une troisième étymologic, que je livre, sous
toutes réserves, au jugement du lecteur. «Nous avons, me dit-il, retiré cette année une dou-
zaine d'oques de miel des trous de la tour; des enfants sont montés sur le haut du mur et
ont tout déniché. » Les abeilles sauvages aiment ces endroits retirés et ces cachettes obscures.
Or Bal-kiz veut dire proprement la fille du miel, la fille au miel. L'imagination populaire
n'aurait-clle pas inventé autrefois quelque fée qui habiterait les ruines désertes, et pour qui
l'abeille, docile et industrieuse servante, irait déposer aux plus profondes fentes des vieux
murs croulants ses savoureux trésors?

(1) Strabon, XIII, i, 4; XIV, i, G. Artakê existait déjà du temps d'Hérodote, qui la nomme deux fois, IV, 3,
i4 et VI, 33.

(2) Leake, Journal of a tour in Asia Minor, page 271. Patras, dans le Péloponnèse, est appelé, dit-il, par les Turcs
Balabatra, et un historien turc, Abubekr Ben Behrem, mentionne dans le district d'Aïdin une localité qu'il appelle
Baliamboli (iraXaiàv tïoXiv). Cf. Hamilton, Researches in Asia Minor, t. II, p. io/j.
 
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