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Perrot, Georges; Guillaume, Edmond; Delbet, Jules
Exploration archéologique de la Galatie et de la Bithynie, d'une partie de la Mysie, de la Phrygie, de la Cappadoce et du Pont (Band 1) — Paris, 1872

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https://doi.org/10.11588/diglit.4621#0166
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masses. Avant que des milliers d'hivers eussent usé les saillies et effacé les détails, à Ghiaour-kalé
comme à Boghaz-keuï et à Euïuk, il devait, à ce qu'il semble, y avoir ici un peu de dureté et quel-
que chose de trop accusé dans certains mouvements des muscles et des draperies, mais point cette
froideur hiératique qui caractérise en général les monuments de l'art égyptien.

Maintenant, comment se trouvent et que font ici ces deux figures colossales? A quelle époque et
avec quelle intention les a-t-on sculptées dans cette roche, sous la puissante enceinte à qui elle servait
d'indestructible fondation? Quelles générations les ont laissées là comme la marque ineffaçable de
leur passage? Nous ne savons, et en l'absence de toute inscription et de tout document historique, il ne
nous paraît pas que personne puisse répondre à ces questions. Veut-on des hypothèses ? Voici la pre-
mière qui nous était venue à l'esprit, en face de ces personnages dont la coiffure rappelait d'une
manière frappante le kulah persan; ce bonnet de feutre ou de fourrure, de forme haute et pointue,
est aujourd'hui, pour tous les enfants de YIrak-Acljemi, la partie la plus invariable et la plus
nécessaire du costume national; peut-être l'usage en remontait-il, dans l'Iran, à une très-haute
antiquité.

Dans ces longues guerres entre les rois de Lydie et les rois de Médie, sur lesquelles Hérodote ne
nous donne malheureusement que si peu de détails, les rois mèdes franchirent l'Halys et s'avancèrent
au-devant de leurs ennemis(l). Peut-être, nous disions-nous, fut-ce dans le cours de l'une de ces campa-
gnes que les Mèdes fortifièrent cette hauteur ; comme prise de possession et comme pour marquer cette
terre de leur sceau, ils auraient alors taillé dans le roc, à la porte de leur citadelle, l'image de deux
généraux ou princes mèdes, du roi peut-être et de son fils et successeur désigné; l'absence de barbe
chez un personnage revêtu d'ailleurs du costume militaire ne peut guère indiquer que l'extrême jeu-
nesse du personnage. Il semble que la main droite des deux guerriers, étendue vers l'Occident,
montre les vastes plaines qui se déploient à perte de vue de ce côté et en promette la conquête.
Quoi qu'il faille penser de cette interprétation, si, comme nous l'avions cru, c'était le costume de
l'Iran que l'on devait reconnaître ici, nous aurions sur ces rochers la signature de quelque conqué-
rant venu de l'Orient, de Ninive ou de Babylone, ou plutôt encore d'Ecbatane ou de Suze.

Malheureusement pour cette conjecture, nous n'avons trouvé ni dans les textes anciens, soigneu-
sement étudiés, ni dans un attentif examen de tout ce que l'Assyrie, la Médie et la Perse nous ont
conservé de monuments, l'indication des détails de costume qui sont ici les plus caractéris-
tiques. Ainsi, les historiens nous l'apprennent, les Mèdes tenaient dans l'empire le premier rang
après les Perses, avec qui, en Occident, on les confondait ordinairement; des officiers, des grands
seigneurs mèdes figurent certainement dans les bas-reliefs de Persépolis; or on n'y voit aucun des
personnages de quelque importance, aucun des princes ou chefs qui entourent le roi, revêtu de la
tunique courte, coiffé du haut bonnet pointu, chaussé du soulier à la poulaine que nous avons
remarqués dans nos figures de Ghiaour-kalé. Il y a donc tout lieu de croire que le costume de nos
figures n'a rien de commun avec le costume médique ; aucune induction fondée sur des analogies
scientifiquement constatées ne nous conduit à reconnaître des Mèdes clans les deux guerriers
sculptés au seuil de l'antique citadelle.

Au contraire, tous les traits que nous cherchons en vain à Ninive et à Persépolis se reproduisent,
avec de très-légères variantes, dans des sculptures que séparent d'assez vastes espaces, mais qui
appartiennent pourtant toutes à la péninsule; nous retrouvons ces traits en Lydie, à Nymphi; en
Phrygie, à Ghiaour-kalé; en Cappadoce, à Boghaz-keuî; malgré de plus notables différences, on en
reconnaît encore quelque chose en Lycaonie, à Ronieh, dans cette figure de guerrier encastrée dans
le mur de la ville. La constatation de toutes ces ressemblances nous amène à trouver plus vrai-
semblable une autre hypothèse, que nous suggère l'illustre voyageur, le docteur H. Barth, aussi remar-

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(1) Hérodote, I, 16, 74.
 
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