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Revue archéologique — 7.1863

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Viollet-le-Duc, Eugène-Emmanuel: Album de Villard de Honnecourt, [4]: architecte du treizième siècle
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https://doi.org/10.11588/diglit.22427#0378

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370 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.

rien n'est plus lâche et plus abandonné que l'exécution des édifices de
1700. Les artisans eux-mêmes semblent oublier leur état; les char-
pentiers ne savent plus assembler une forme et choisir les bois, les
maçons bâtissent sans soin et sans goût; c'est un relâchement géné-
ral. Quand le niveau moral se relève vers la fin du xvine siècle, avec
l'indépendance que l'individu semble reconquérir, l'architecture se
relève aussi, et comparativement aux édifices élevés sous la fin du
règne de Louis XIV, ceux construits par les Gabriel, les Louis, les
Antoine sont d'une exécution admirable.

Pour conclure, le milieu moral dans lequel vit l'architecte in-
flue immédiatement sur les expressions de l'art. Laissez à l'artiste,
en tant qu'artiste, une entière indépendance, vous aurez un art. Pe-
sez sur cetle indépendance, vous abaissez le niveau de l'art. Or, ce
que j'admire pendant l'époque du moyen âge, c'est que, du jour où
les laïques se sont emparés exclusivement de la culture de l'art ar-
•chileclonique jusqu'au règne de Gbarles VIII, ils ont pu, sans inter-
ruption, river chaque jour un nouveau chaînon à la longue et pré-
cieuse chaîne de leurs travaux, et produire ainsi un art auquel on
commence depuis peu à rendre la vraie place qu'il doit occuper dans
l'histoire des œuvres humaines. Ce que je ne saurais considérer
comme un bien pour les arts pendant l'époque de la renaissance, c'est
qu'elle a rompu cette chaîne et n'a pu en souder une autre, puis-
qu'aujourd'hui nous cherchons vainement à en rassembler les an-
neaux. Mais je ne dirai pas avec M. Renan, en finissant : « Heureu-
« sèment la civilisation moderne possède assez de grandes parties
« qui n'appartiennent qu'à elle saule pour se consoler d'être con-
« damnée, sous le rapport de l'art, à une irréparable infériorité (1). »

Nous devons d'autant moins nous consoler, que cette infériorité
n'est pas irréparable. Si tous nous cherchions la vérité sans préjugés
d'école, sans parti pris d'avance, comme la cherchait le bon Vil-
lard de Honnecourt, avec le désir naïf de la saisir corps à corps par-
tout où elle se manifeste; si les dilettanti se mêlaient un peu moins
de vouloir diriger les artistes et surtout de prétendre avoir une in-
fluence sur leurs œuvres, cette infériorité se changerait bien vite en
une supériorité très-marquée.

E. VlOLLET LE DUC.

(1) Revue des Deux-Mondes, 1er juillet 1862, p. 228.
 
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