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Merle Du Bourg, Alexis: Les Rubens et duc de Richelieu: nouveaux documents, nouvelles perspectives
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.14537#0014
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ALEXIS MERLE DU BOURG
B. Teyssèdre, de l'absence d'un tableau dans telle ou telle description que le duc s'en était défait). D'une
part, l'historique de certains tableaux du cabinet Richelieu identifiables avec une quasi-certitude contredit
la chronologie conjecturée par l'historien. C'est notamment le cas du « Neptune », certainement identifiable
avec « L'Heureux voyage par mer du Cardinal-Infant » appelé encore « Le Voyage du prince de Barcelone
à Gênes » de Dresde [Gemàldegalerie Alte Meister du Staatliche Kunstsammlungen - Fig. 1] qui ne paraît
pas avoir été acquis avant 168322. D'autre part, plusieurs documents d'archives postérieurs à 1683 plaident
en faveur de notre hypothèse et contribuent en outre à mettre en lumière ce qu'il advint du cabinet de
Richelieu après que de Piles eut cessé d'en assurer la publicité.
Le 28 mai 1684, Anne Poussart de Fors du Vigean, première duchesse de Richelieu, décédait. Son
inventaire après décès fut dressé à partir du 29 mai23. Charles de La Fosse, dont le duc était certainement
le mécène depuis plusieurs années, fut appelé comme expert afin d'estimer les peintures. L'inventaire des
tableaux est surprenant à plus d'un titre. L'hôtel Richelieu, Place Royale, abritait alors quinze tableaux
« originaux » de Rubens: « Un grand Tableau, peint sur toile représentant une chasse aux lions avec sa
bordure dorée... » (n° 1) prisé 8 ООО 1., un autre tableau sur toile « représentant neptune... garny de sa bordure
dorée » (n° 2) prisé 8 000 1., un tableau sur bois « représentant la Magdeleine auprès de nostre seigneur chez
Simon... avec sa bordure dorée » (n° 3) prisé 8 000 1., un tableau peint sur toile « représentant l'histoire de
Saint George garny de sa bordure dorée » (n° 4) prisé 4 000 1., un tableau sur bois « représentant la vue de
Cadis paysage garny de sa bordure dorée » (n° 5) prisé 3 000 1., un tableau sur toile « représentant la
décollation de Saint Jean... garny de sa bordure dorée » (n° 6) prisé 5 000 1., un tableau peint sur bois
« représentant la vue de Malines Paysage... garny de sa bordure dorée » (n° 7) prisé 2 000 1., un tableau
peint sur bois « représentant Suzanne entre deux vieillards... garny de sa bordure » (n° 8) prisé 1 500 1., un
tableau sur toile « représentant une femme qui se baigne... garny de sa bordure dorée » (n° 9) prisé 1 500 1.,
un tableau sur toile représentant «une Flore avec des fleurs garny de sa bordure dorée» (n° 10) prisé
1 500 1., un tableau peint sur bois « représentant un satire... garny de sa bordure dorée » (n° 11) prisé 1 500 1.,
un tableau sur bois « représentant une teste de femme... garny de sa bordure dorée » (n° 12) prisé 300 1., un
tableau peint sur toile « représentant une resveuse jusqu'au genoux... garny de sa bordure dorée » (n° 13)
prisé 600 1., un tableau sur toile « représentant un demi corps de femme par le dos... garny de sa bordure
dorée » (n° 15) prisé 500 1. et un tableau sur bois « représentant une teste de vieille dans un ovale... garny
de sa bordure dorée » (n° 16) prisé 400 1.
Sur les douze tableaux décrits dans le Cabinet de Mgr le Duc de Richelieu, on en retrouve donc dix (onze
si l'on admet que le tableau représentant une femme au bain était peut-être identique avec « Le Bain de
Diane » décrit dans l'opuscule) dans l'inventaire de la première duchesse24. Il serait tentant, dès lors, du fait
de cette concordance, de situer le Cabinet vers 1684. On verra cependant qu'il convient de rester prudent.
L'inventaire de 1684 pourrait ne refléter qu'en partie la collection de Richelieu. En effet, le document, s'il
prend en compte le château de Rueil et la résidence du duc à Versailles, ne concerne pas le château de
Richelieu dont on peut soupçonner qu'il abritait une partie, peut-être non négligeable, des collections ducales25.
" Le tableau, après avoir été certainement offert au Cardinal-Infant Ferdinand en 1637, lors de son installation à Bruxelles,
passa sans doute à la mort de ce dernier, en 1641, entre les mains de son successeur l'archiduc Léopold Wilhelm avant de réappa-
raître à Anvers dans l'inventaire après décès de l'orfèvre Jan Gillis dressé en juillet 1682. Dès lors, il paraît impossible que
l'original de Dresde ait figuré dans la collection Richelieu en 1676. Pour l'historique du tableau, voir J.R. Martin, The décora-
tions for the Pompa introitus Ferdinandi, Corpus Rubenianum Ludwig Burchard, XVI, Bruxelles 1972, n° 3.
23 Paris, Archives nationaux, M.C., CV, 904. La cote de l'inventaire est mentionnée par Bergin (cité note 2), p. 323, note n° 140.
24 Si la plupart des tableaux de Rubens qui apparaissent ici figurent dans les différentes descriptions de Roger de Piles, où
ils font des apparitions plus ou moins fugitives, on ne peut manquer de relever que quatre tableaux, une « Flore », une « teste de
femme », un « demi corps de femme » vu de dos et une « tête de vieille », sans doute jugés indignes de l'opération de « promotion »
de Rubens dont de Piles se fit l'artisan, ne se trouvent dans aucun état connu du cabinet Richelieu.
25 Remarquons que l'hôtel de Richelieu contenait moins de tableaux que ce à quoi on pouvait légitimement s'attendre, compte
tenu de la réputation de collectionneur du duc. L'une des peintures prisées le plus cher est un paysage de Jacques Fouquières, une
« vue du chasteau de Richelieu » (n° 14) estimée pas moins de 2 0001. Signalons également une esquisse de Mignard et deux
paysages de Jean-Baptiste Forest mais rien qui confirme véritablement ce qu'écrit d e P i 1 e s, qui fait allusion dans ses Conversa-
tions aux « Tableaux de différents Maistres » alors possédés par le duc (1677, p. 178). Dès la première édition de la Dissertation,
en 1681, d e P i 1 e s, avant d'en venir à la description des tableaux de Rubens (p. 79 et s.), affirmait que dans le cabinet du duc se
trouvaient « des tableaux de quelques-uns des grands Maistres que j'ay nommez » (c'est-à-dire surtout les grands Vénitiens, Ra-
phaël, Carrache) et expliquait qu'il remettait à plus tard la description de ces œuvres jusqu'à ce que « quelques Tableaux rares que
l'on attend, soient arrivés ». Rien ne confirme ces propos dans l'inventaire de 1684.
ALEXIS MERLE DU BOURG
B. Teyssèdre, de l'absence d'un tableau dans telle ou telle description que le duc s'en était défait). D'une
part, l'historique de certains tableaux du cabinet Richelieu identifiables avec une quasi-certitude contredit
la chronologie conjecturée par l'historien. C'est notamment le cas du « Neptune », certainement identifiable
avec « L'Heureux voyage par mer du Cardinal-Infant » appelé encore « Le Voyage du prince de Barcelone
à Gênes » de Dresde [Gemàldegalerie Alte Meister du Staatliche Kunstsammlungen - Fig. 1] qui ne paraît
pas avoir été acquis avant 168322. D'autre part, plusieurs documents d'archives postérieurs à 1683 plaident
en faveur de notre hypothèse et contribuent en outre à mettre en lumière ce qu'il advint du cabinet de
Richelieu après que de Piles eut cessé d'en assurer la publicité.
Le 28 mai 1684, Anne Poussart de Fors du Vigean, première duchesse de Richelieu, décédait. Son
inventaire après décès fut dressé à partir du 29 mai23. Charles de La Fosse, dont le duc était certainement
le mécène depuis plusieurs années, fut appelé comme expert afin d'estimer les peintures. L'inventaire des
tableaux est surprenant à plus d'un titre. L'hôtel Richelieu, Place Royale, abritait alors quinze tableaux
« originaux » de Rubens: « Un grand Tableau, peint sur toile représentant une chasse aux lions avec sa
bordure dorée... » (n° 1) prisé 8 ООО 1., un autre tableau sur toile « représentant neptune... garny de sa bordure
dorée » (n° 2) prisé 8 000 1., un tableau sur bois « représentant la Magdeleine auprès de nostre seigneur chez
Simon... avec sa bordure dorée » (n° 3) prisé 8 000 1., un tableau peint sur toile « représentant l'histoire de
Saint George garny de sa bordure dorée » (n° 4) prisé 4 000 1., un tableau sur bois « représentant la vue de
Cadis paysage garny de sa bordure dorée » (n° 5) prisé 3 000 1., un tableau sur toile « représentant la
décollation de Saint Jean... garny de sa bordure dorée » (n° 6) prisé 5 000 1., un tableau peint sur bois
« représentant la vue de Malines Paysage... garny de sa bordure dorée » (n° 7) prisé 2 000 1., un tableau
peint sur bois « représentant Suzanne entre deux vieillards... garny de sa bordure » (n° 8) prisé 1 500 1., un
tableau sur toile « représentant une femme qui se baigne... garny de sa bordure dorée » (n° 9) prisé 1 500 1.,
un tableau sur toile représentant «une Flore avec des fleurs garny de sa bordure dorée» (n° 10) prisé
1 500 1., un tableau peint sur bois « représentant un satire... garny de sa bordure dorée » (n° 11) prisé 1 500 1.,
un tableau sur bois « représentant une teste de femme... garny de sa bordure dorée » (n° 12) prisé 300 1., un
tableau peint sur toile « représentant une resveuse jusqu'au genoux... garny de sa bordure dorée » (n° 13)
prisé 600 1., un tableau sur toile « représentant un demi corps de femme par le dos... garny de sa bordure
dorée » (n° 15) prisé 500 1. et un tableau sur bois « représentant une teste de vieille dans un ovale... garny
de sa bordure dorée » (n° 16) prisé 400 1.
Sur les douze tableaux décrits dans le Cabinet de Mgr le Duc de Richelieu, on en retrouve donc dix (onze
si l'on admet que le tableau représentant une femme au bain était peut-être identique avec « Le Bain de
Diane » décrit dans l'opuscule) dans l'inventaire de la première duchesse24. Il serait tentant, dès lors, du fait
de cette concordance, de situer le Cabinet vers 1684. On verra cependant qu'il convient de rester prudent.
L'inventaire de 1684 pourrait ne refléter qu'en partie la collection de Richelieu. En effet, le document, s'il
prend en compte le château de Rueil et la résidence du duc à Versailles, ne concerne pas le château de
Richelieu dont on peut soupçonner qu'il abritait une partie, peut-être non négligeable, des collections ducales25.
" Le tableau, après avoir été certainement offert au Cardinal-Infant Ferdinand en 1637, lors de son installation à Bruxelles,
passa sans doute à la mort de ce dernier, en 1641, entre les mains de son successeur l'archiduc Léopold Wilhelm avant de réappa-
raître à Anvers dans l'inventaire après décès de l'orfèvre Jan Gillis dressé en juillet 1682. Dès lors, il paraît impossible que
l'original de Dresde ait figuré dans la collection Richelieu en 1676. Pour l'historique du tableau, voir J.R. Martin, The décora-
tions for the Pompa introitus Ferdinandi, Corpus Rubenianum Ludwig Burchard, XVI, Bruxelles 1972, n° 3.
23 Paris, Archives nationaux, M.C., CV, 904. La cote de l'inventaire est mentionnée par Bergin (cité note 2), p. 323, note n° 140.
24 Si la plupart des tableaux de Rubens qui apparaissent ici figurent dans les différentes descriptions de Roger de Piles, où
ils font des apparitions plus ou moins fugitives, on ne peut manquer de relever que quatre tableaux, une « Flore », une « teste de
femme », un « demi corps de femme » vu de dos et une « tête de vieille », sans doute jugés indignes de l'opération de « promotion »
de Rubens dont de Piles se fit l'artisan, ne se trouvent dans aucun état connu du cabinet Richelieu.
25 Remarquons que l'hôtel de Richelieu contenait moins de tableaux que ce à quoi on pouvait légitimement s'attendre, compte
tenu de la réputation de collectionneur du duc. L'une des peintures prisées le plus cher est un paysage de Jacques Fouquières, une
« vue du chasteau de Richelieu » (n° 14) estimée pas moins de 2 0001. Signalons également une esquisse de Mignard et deux
paysages de Jean-Baptiste Forest mais rien qui confirme véritablement ce qu'écrit d e P i 1 e s, qui fait allusion dans ses Conversa-
tions aux « Tableaux de différents Maistres » alors possédés par le duc (1677, p. 178). Dès la première édition de la Dissertation,
en 1681, d e P i 1 e s, avant d'en venir à la description des tableaux de Rubens (p. 79 et s.), affirmait que dans le cabinet du duc se
trouvaient « des tableaux de quelques-uns des grands Maistres que j'ay nommez » (c'est-à-dire surtout les grands Vénitiens, Ra-
phaël, Carrache) et expliquait qu'il remettait à plus tard la description de ces œuvres jusqu'à ce que « quelques Tableaux rares que
l'on attend, soient arrivés ». Rien ne confirme ces propos dans l'inventaire de 1684.