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ALEXIS MERLE DU BOURG

biens en saisie ». Millieu « trop complaisant aux sollicitations pressantes de M. le Duc de Richelieu qui vint
dix fois chez lui en 15 jours » accepta de se rendre caution du bail et avança la somme de 133 500 1. en plus
des 48 000 1. que lui devait déjà le duc. Le financier devait être remboursé en quatre années sur les revenus
de ses domaines « qu'à cet effet il lui transporta et délégua ». Le même jour, par un acte passé devant
notaires, Richelieu, en gage, « lui déposa des tableaux ». Mais, indice de la parfaite mauvaise foi de ce
dernier, ces tableaux, selon le défendeur, se révélèrent presque sans valeur : « Mais c'est la preuve de la
surprise faite au sieur Millieu, à qui on fit croire que ces tableaux estoient d'un grand prix, pendant qu'il
n'est que trop vray que ce ne sont que des Rubins... Mais une année plus tard le Sieur Millieu n'eut pas lieu
d'être content, parce qu'il fut informé du peu de valeur de ces tableaux ; il en fit connoistre son inquiétude
à M. le duc de Richelieu par une lettre qu'il lui écrivit à Richelieu où il s'étoit retiré ». Si l'on en croit
Millieu, il aurait alors offert au duc de trouver un autre fermier pour se dégager d'un bail « dans lequel il
n'étoit engagé que par une pure complaisance » et qui lui coûtait fort cher. En effet, c'était Millieu qui
réglait alors les dettes de la duchesse et celles du duc et le financier d'affirmer que «... sans le secours de
sa bourse, il y a plus de dix années que ses biens libres auraient été saisis décrétés et adjugés ». Les relations
entre le duc et Millieu étaient alors des plus cordiales et ce dernier cite même dans le factum, l'extrait d'une
lettre du duc du 13 août (l'année n'est pas précisée mais on peut supposer que nous sommes en 1688 ou
1689) dans laquelle Richelieu lui écrit « ... J'espère que vous me ferez l'amitié de m'envoyer le Satyre, pour
remplir une place dans le cabinet que je me suis fait ». Il est difficile de savoir si ce cabinet était à Paris ou
au château de Richelieu. Si, comme nous le pensons, la lettre date de 1688 ou 1689, il doit s'agir plutôt
d'une pièce du château du Poitou. Il ne fait guère de doute que ce « Satyre » était un des Rubens dont le duc
s'était dessaisi en avril 1687.

Les relations entre les deux hommes se dégradèrent lorsque Millieu « à cause de sa nouvelle charge de
Trésorier des revenus casuels » ne put plus « fournir de sa bourse ny de ses soins aux affaires de M. le Duc
de Richelieu ». Ce dernier exposa ses griefs dans une série de requêtes et de factums dont le plus intéressant
s'intitule 2nde requête pour servir de réplique à celle de Mr Millieu du 18 décembre 169239. Accusant ni plus
ni moins Millieu d'indélicatesse dans la gestion de ses domaines, en particulier en ce qui concernait les
revenus des marais salants de Brouage, le duc soutenait, en outre, qu'il avait cédé au financier pour 123 500
1. de rente ainsi que « des tableaux estimez 100 000 1. et qu'il retient encore pour gage des sommes dont il
est remboursé il y a si longtemps... » ajoutant « quand le sieur Millieu parle des tableaux il n'ose nier qu'il
les a en gage pour une somme dont on fait voir qu'il est remboursé il y a longtemps... Mais il ne s'agist pas
de savoir s»il se connait en tableaux il suffit qu'il s'en pare journellement et sa maison (sic), ce qui luy sert
d'une occasion continuelle pour faire injure au suppliant : sont (dit-il à la négligence) le(s) tableaux de M.
le duc de Richelieu qui me doit des sommes immenses »40.

Ce passage particulièrement intéressant indique donc que fin 1692 ou début 1693, les tableaux de
Rubens étaient toujours entre les mains de Millieu et que ce dernier en avait apparemment décoré sa demeure41.
On aurait pu craindre de perdre la trace des tableaux gagés dans le dédale des affaires judiciaires dans
lesquelles le duc se trouvait impliqué avec Philippe Millieu. Nous avons cependant pu mettre au jour une
série de documents qui éclairent en partie les faits et permettent de savoir ce qu'il advint des œuvres.

Au terme de plusieurs années de procédure le duc et Millieu parvinrent finalement à un accord. Par une
quittance du 16 décembre 169342, Philippe Millieu reconnut avoir reçu de Richelieu la somme de 62 100 1.
qui ajoutée aux 25 000 1. que devait lui verser, en deux fois, le receveur du duché de Richelieu et aux
27 000 1. qu'il devait recevoir notamment sur le produit des sels de Brouage, se montait à un total de
114 1001., à déduire des 130 0001. que Richelieu devait au financier43. Le duc promettait de payer les

39 Ibidem, foi 5-12.

40 Dans un autre mémoire, non daté, Richelieu, répliquant à un factum de Millieu dont la date n'est pas précisée, soutint que
la guerre qui avait mis à mal ses finances, l'avait contraint à céder à ce dernier agissant « sous le nom de Guyot » les revenus de
ses terres « et autres biens avec des remises extraordinaires ». Le financier, selon Richelieu, avait exigé des intérêts sur ces remises
et des intérêts d'intérêts « quoy qu'on luy eu remis entre les mains des effets de grand prix pour seureté de ses avances... » et
Richelieu de citer notamment les tableaux donnés à Millieu en nantissement, tableaux qui « furent estimés par écrit 100 000 1. entre
les parties » (Bibl. nat, Ms Clairambault 1140, fol 194-197).

41 En 1693, Millieu demeurait rue des Petits-Champs, paroisse Saint-Eustache.
. 42 Arch. nat., M.C., XCIX, 335.

43 Sur les 130 000 1. en question, 120 039 1. et 2 s. résultaient des causes énoncées par la « transaction portant compte » faite
 
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