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L ART FRANÇAIS
supériorité de l’œuvre d’art sur la Nature qu’elle maîtrise :
c’est un art orgueilleux.
Ils ont tous le culte de la raison. Poussin est logicien
comme Descartes ou Corneille. Mansart et Le Nôtre savent
aussi bien que Pascal, Racine, ou Boileau, « ce que c’est
que l'ordre ». Versailles, c’est le beau obtenu par la
méthode : il est équilibré et harmonieux. L’artiste alors
construit, organise, par le jeu naturel de son esprit et de
son œil.
Et il construit selon des règles. Car il y a des règles :
c’est le premier et le dernier article de foi. Des règles qui
s’enseignent et s’apprennent comme un catéchisme. L’art
classique en effet est en son essence la croyance en l’édu-
cation. Le Moyen Age avait bien aussi une initiation, et très
forte, qui se transmettait hiérarchiquement du maître au
compagnon et à l’apprenti ; mais elle était surtout empi-
rique, riche en préceptes pratiques, élaborés et reçus dans
le secret corporatif. Cela ne l’empêchait pas du reste de
servir à merveille le sentiment spontané, qui créait l'expres-
sion émouvante. Quand le Romantisme, qui aspire à rejoin-
dre le Moyen Age sur les ruines de l’art classique en procla-
mant la Liberté, fera revivre l’art expressif, il sèmera le
germe de l’anarchie. Dès la fin du xix° siècle l’instinct sacré,
baptisé du nom de génie, n’accepte plus de discipline,
refuse de suivre des maîtres et d’apprendre le métier. « Je
vois comme ça », commençaient déjà à dire ces beaux
émancipés, Diaz, Isabey, Decamps. Nous savons de nos
jours où peut mener, en dépit des chefs-d'œuvre, cette
déclaration des Droits de l’artiste. Le xvir siècle au con-
traire affirme sa faillibilité inéluctable quand il est réduit à
lui-même. Certes, « le don » est précieux: les Conférences
de l’Académie ne cessent de le déclarer ; mais il ne peut
rien de durable sans l’appui d’une doctrine et d’un ensei-
L ART FRANÇAIS
supériorité de l’œuvre d’art sur la Nature qu’elle maîtrise :
c’est un art orgueilleux.
Ils ont tous le culte de la raison. Poussin est logicien
comme Descartes ou Corneille. Mansart et Le Nôtre savent
aussi bien que Pascal, Racine, ou Boileau, « ce que c’est
que l'ordre ». Versailles, c’est le beau obtenu par la
méthode : il est équilibré et harmonieux. L’artiste alors
construit, organise, par le jeu naturel de son esprit et de
son œil.
Et il construit selon des règles. Car il y a des règles :
c’est le premier et le dernier article de foi. Des règles qui
s’enseignent et s’apprennent comme un catéchisme. L’art
classique en effet est en son essence la croyance en l’édu-
cation. Le Moyen Age avait bien aussi une initiation, et très
forte, qui se transmettait hiérarchiquement du maître au
compagnon et à l’apprenti ; mais elle était surtout empi-
rique, riche en préceptes pratiques, élaborés et reçus dans
le secret corporatif. Cela ne l’empêchait pas du reste de
servir à merveille le sentiment spontané, qui créait l'expres-
sion émouvante. Quand le Romantisme, qui aspire à rejoin-
dre le Moyen Age sur les ruines de l’art classique en procla-
mant la Liberté, fera revivre l’art expressif, il sèmera le
germe de l’anarchie. Dès la fin du xix° siècle l’instinct sacré,
baptisé du nom de génie, n’accepte plus de discipline,
refuse de suivre des maîtres et d’apprendre le métier. « Je
vois comme ça », commençaient déjà à dire ces beaux
émancipés, Diaz, Isabey, Decamps. Nous savons de nos
jours où peut mener, en dépit des chefs-d'œuvre, cette
déclaration des Droits de l’artiste. Le xvir siècle au con-
traire affirme sa faillibilité inéluctable quand il est réduit à
lui-même. Certes, « le don » est précieux: les Conférences
de l’Académie ne cessent de le déclarer ; mais il ne peut
rien de durable sans l’appui d’une doctrine et d’un ensei-