Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Toutain, Jules
Les cités romaines de la Tunisie: essai sur l'histoire de la colonisation romaine dans l'Afrique du Nord — Paris, 1895

DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.16856#0241

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LA RELIGION.

227

Cette religion ne ressemblait guère au polythéisme des Grecs :
elle n'en avait ni l'éclat, ni la précision, ni surtout la vie. Les
dieux et les déesses qu'adoraient les Africains émanaient tous et
toutes d'un seul couple divin; ce couple lui-même ne s'était pas
constitué par la réunion de deux divinités distinctes, indépen-
dantes l'une de l'autre. Baal et Tanit exprimaient deux notions
étroitement liées entre elles, deux conceptions inséparables :
c'étaient les deux faces d'un Etre unique et tout-puissant, maître
absolu des cieux et de la terre, père de toute vie; d'un seul et
même dieu, en apparence dédoublé. Tandis que la religion des
Perses et des Hindous opposait l'esprit du bien à celui du mal,
le génie des ténèbres au génie de la lumière, Ormuzd à Ahriman,
Vichnou à Siva, les Phéniciens et les Egyptiens concevaient cette
double divinité sous une autre forme; Baal, comme Osiris, était
le principe mâle et fécondant; Isis, comme Tanit, symbolisait
l'élément fécondé, la maternité universelle, l'incessante et éter-
nelle transmission de la vie. C'était en réalité un panthéisme
assez vague, plus voisin du monothéisme sévère des Hébreux,
que du brillant et complexe polythéisme de la race hellénique.

Soit que les Phéniciens aient éprouvé pour la divinité un res-
pect mêlé de terreur, soit qu'ils aient été dépourvus de toute
imagination poétique, leur religion n'engendra ni mythologie,
ni art; ils ne surent ou n'osèrent pas donner à leurs dieux des
traits, un caractère et des sentiments humains; ils ne les
créèrent pas à leur propre image. Baal et Tanit ne furent pas,
comme Zeus et Héra, comme Apollon et Artémis, des personna-
ges mythiques; aucun poète n'a chanté leurs aventures, ni
célébré leurs amours. De telles divinités ne ressemblaient en
rien aux mortels ; les noms qu'elles portaient ne désignaient
pas des êtres concrets, précis, déterminés; ils exprimaient plutôt
des idées abstraites et générales. C'est là ce qui explique pour-
quoi les Africains, devenus sujets de Rome, adressèrent leurs
prières et leurs vœux non seulement à Saturne, que les mytho-
graphes avaient depuis longtemps assimilé au Baal de Tyr,
de Sidon et de Carthage, mais encore à d'autres dieux gréco-
romains, dont les attributs étaient analogues aux symboles de
la divinité punique, ou dont le numen paraissait traduire un des
multiples aspects de cet Etre suprême. En réalité aucun des
noms empruntés à la mythogie hellénique ne pouvait exprimer
parfaitement une notion de la divinité que les Grecs n'avaient
pas connue, et qui différait profondément de toutes leurs con-
ceptions religieuses. Aussi, quelques fidèles préférèrent-ils n'em-
 
Annotationen