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Toutain, Jules
Les cités romaines de la Tunisie: essai sur l'histoire de la colonisation romaine dans l'Afrique du Nord — Paris, 1895

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https://doi.org/10.11588/diglit.16856#0303

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CARACTERE DE LA COLONISATION ROMAINE. 289

rien qui doive nous surprendre, et les causes n'en sont peut-
être pas difficiles à déterminer. Gomme je l'ai déjà brièvement
indiqué plus haut et comme je m'efforcerai de le démontrer
plus loin (1), l'établissement définitif du régime impérial ouvrit
pour l'Afrique proconsulaire une ère de paix intérieure et de
sécurité parfaites. Les campagnes ne furent plus ravagées par
les guerres civiles ; après un demi-siècle de luttes vigoureuses
et d'expéditions hardies, les bandes pillardes des Gétules et des
Garamantes furent refoulées dans le désert ; le laboureur ne
craignit plus de voir ses champs dévastés, le berger de voir ses
troupeaux enlevés.

D'autre part, Rome se garda bien de faire payer chèrement
aux provinciaux cette paix bienfaisante. Elle n'exigea d'eux,
en retour, le sacrifice d'aucune tradition vraiment nationale ou
populaire. Il serait puéril de dire qu'elle ravit aux Africains
leur liberté : étaient-ils libres, les sujets de Carthage, de Ju-
gurtha ou de Juba I? Elle leur laissa, au contraire, toutes leurs
coutumes ; non seulement elle respecta les divinités qu'ils ado-
raient, mais encore elle accueillit sur le Capitole la grande
déesse punique, Juno Gaelestis ; elle dédaigna de faire violence
à leurs sentiments, de dicter des lois à leurs consciences. L'au-
torité des proconsuls parut moins lourde que la domination de
Garthage et des rois numides.

Aussi n'entra-t-il dans l'âme des Africains aucune haine
contre Rome, qui les avait vaincus et qui occupait leur pays ;
ils lui furent reconnaissants de la paix profonde qu'elle leur
assurait; leur gratitude ne fut mêlée ni de regrets amers ni
d'espérances factieuses. Il n'est donc pas étonnant qu'ils aient
bien accueilli, qu'ils aient même ardemment recherché tout ce
qui venait de Rome, tout ce qui portait la marque romaine.
Aussi bien, ce faisant, suivaient-ils l'exemple de leurs ancêtres :
Rome n'était-elle point l'héritière, au moins politique, des villes
siciliennes, de la Grèce et de l'Egypte, de ces trois sources vives
d'art et d'industrie auxquelles Carthage avait toujours puisé?
Enfin il est vraisemblable que tous ceux qui ambitionnaient le
titre de citoyen romain ou de chevalier à brevet, s'empressaient
non sans orgueil ni prétention, de se déguiser en Romains : il
leur eût été sans doute très pénible d'être pris pour des provin-
ciaux, pour des étrangers. .

Quels qu'aient été, d'ailleurs, les sentiments des Africains à

(1) Liv. I, chap. i, et liv. III, chap. i.
T.

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