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DISCOURS

SUR LANATOMIE

EN GÉNÉRAL,

ET SUR LA MANIERE

DONT ELLE SERA TRAITÉE DANS GET OUVRAGE,

L' An at o mie est peut-être, parmi toutes les sciences, celle dont on a le plus célébré les
avantages, et dont on a le moins favorisé les progrès ; c'est peut-être aussi celle dont l'étude
offre le plus de difficultés : ses recherches sont non-seulement dépourvues de cet agrément
qui attire, elles sont encore accompagnées de circonstances qui repoussent; des membres
déchirés et sanglants, des émanations infectes et mal saines, l'appareil affreux de la mort;
sont les objets qu'elle présente à ceux qui la cultivent. Tout-à-fait étrangère aux gens du
monde, concentrée dans les amphithéâtres et dans les hôpitaux, elle n'a jamais reçu
l'hommage de ces amateurs qu'il faut captiver par l'élégance et la mobilité du spectacle.
Ce n'a été qu'en descendant dans les tombeaux et en bravant les loix des hommes, pour
découvrir celles de la Nature , que l'Anatomiste a jetté d'une manière pénible et dange-
reuse les fondements de ses connoissances utiles; et il n'y a point de siècle où des préjugés
de divers genres n'aient mis les plus grands obstacles à ses travaux.

Abusé parles prestiges de la métempsycose, l'habitant de l'Inde est peint dans l'his-
toire comme respectant les corps des animaux même les plus vils, et ne pouvant, sans
paroître criminel, y porter le couteau. Esclave de ses coutumes, l'Égyptien n'a donné
tous ses soins à l'embaumement des cadavres, que dans l'intention de conserver une
demeure à laquelle l'ame devoit, suivant lui, rester long-temps unie : tant d'efforts n'ont
transmis à la postérité que des restes hideux, tristes débris d'un peuple qui fut le pere
des arts, mais parmi lequel l'Anatomie étoit une science impraticable. Le culte que les
Grecs rendoient.à leurs morts n'étoit pas moins contraire à ses progrès : ne les a-t-on pas
vus condamner des Généraux vainqueurs à perdre la vie, parcequ'ils avoient laissé sans
sépulture des soldats tués dans une action? Quel supplice auroient-ils donc réservé à ceux
qui auroient violé leurs tombeaux? Les Romains furent moins sévères à cet égard; mais
l'Anatomie ne leur dut aucun encouragement, puisqu'au rapport de Galien on faisoit
le voyage d'Alexandrie pour y voir des os humains, qu'il auroit, sans doute, été plus facile
de préparer à Rome s'il n'y avoit point eu d'obstacles.

Plus de mille ans se passèrent, depuis cette époque, dans ce même aveuglement. La
Religion de Mahomet, toute guerrière, adopta les préjugés de l'Inde et de l'Égypte. Des
Barbares démolirent les villes de la Grèce, mutilèrent les chef-d'œuvres de ses arts, et ne
laissèrent subsister que ses erreurs. On continua de regarder comme impurs ceux qui
avoient approché des cadavres ; et ce ne fut qu'au commencement du quatorzième siècle
qu'au grand étonnement du monde entier trois corps humains furent disséqués dans
 
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